PARIS - Le grand déballage avant la reconstruction?

Des joueurs, dont Patrice Evra déchu de son statut de capitaine et laissé sur le banc par le sélectionneur Raymond Domenech lors du match contre l'Afrique du Sud mardi à Bloemfontein, se disent prêts à vider leur sac après la piteuse élimination de l'équipe de France de football au premier tour du Mondial 2010 en Afrique du Sud.

"Je respecte trop la souffrance des Français pour lâcher quoi que ce soit maintenant, mais ils ont besoin de connaître la vérité. Je ferai une entrevue dans la semaine", a déclaré le latéral gauche de Manchester United.

Monté au créneau défendre Nicolas Anelka exclu pour avoir tenu des propos déplacés envers le sélectionneur, porte-parole des joueurs lors de la grève de l'entraînement dimanche à deux jours du match perdu 2-1 contre les Bafana Bafana, Evra pas n'a disputé cette ultime rencontre. Il n'avait pas participé non plus lundi à la traditionnelle conférence de presse d'avant-match en compagnie du sélectionneur.

"Je devais venir le faire (demander pardon) mais le coach me l'a interdit, a-t-il ajouté à la fin du match. Cet acte (la grève) était presque un SOS. Ce soir, je n'ai pas joué et il n'y avait pas de raison valable. Je détaillerai après ce que j'ai vécu pendant chaque minute, je ne suis pas un menteur, je ne dirai que la vérité."

Thierry Henry, le meilleur réalisateur de l'histoire de l'équipe de France de football (51 buts), entré en cours de match pour obtenir sa 123e et sans doute dernière sélection à bientôt 33 ans, a lui aussi promis des révélations. "Ne vous inquiétez pas, je parlerai bientôt", a déclaré l'attaquant en quittant le stade de Bloemfontein.

Montré du doigt pour avoir de la main précipité l'élimination de l'Eire et la qualification de la France pour le Mondial 2010, Thierry Henry doit rencontrer jeudi Nicolas Sarkozy au palais de l'Élysée. Un palais qui a par ailleurs vu le chef de l'État présider mercredi après-midi une "réunion de travail" à huis clos, à laquelle participaient le chef du gouvernement François Fillon, la ministre des Sports Roselyne Bachelot et sa secrétaire d'État Rama Yade.

La déchéance des Bleus, champions du monde en 1998, est en train de se transformer en "affaire d'État". Mme Bachelot a qualifié mercredi de "désastre" la performance de l'équipe de France "où des caïds immatures commandent à des gamins apeurés, un coach désemparé et sans autorité, une Fédération française de football aux abois".

De la main fautive de Thierry Henry à la poignée de main refusée par Raymond Domenech à Carlos Alberto Parreira, sélectionneur des Bafana Bafana et ex-patron des champions du monde brésiliens 1994, la boucle a été bouclée sur la même tonalité pour les Bleus mardi à Bloemfontein : celle du manque de grandeur.

Raymond Domenech, qui s'était toujours fait un devoir de ne rien divulguer de la vie interne de son groupe, a dérogé à la règle pour son 79e et dernier match passé à la tête des Bleus. Il a fait savoir qu'Eric Abidal n'avait pas joué, à sa demande, face à l'Afrique du Sud.

"Éric a été le seul joueur à venir me voir lundi pour me dire 'je ne me sens pas bien', qu'il était vidé, pas en état de jouer", a indiqué le sélectionneur.

Parti de Knysna avant les autres joueurs mercredi, Florent Malouda s'est pour sa part "excusé" au nom de tous les Bleus, qui ont par ailleurs refusé de toucher la moindre prime après leurs piètres performances, soldées par un match nul contre l'Uruguay et deux défaites contre le Mexique et l'Afrique du Sud.

Éric Abidal, aux prestations médiocres en Afrique du Sud, pourrait être l'une des victimes de la reconstruction que va devoir mener Laurent Blanc, le successeur de Domenech. Evra et Franck Ribéry, considéré comme un autre leader de la rébellion, devront sans doute s'acheter une conduite, alors qu'Anelka - qui avait précédemment demandé à un ex-sélectionneur, Jacques Santini, de "s'agenouiller" devant lui - devrait définitivement disparaître du groupe.

Si Domenech, éliminé déjà au premier tour de l'Euro 2008, a échoué dans sa mission, Jean-Pierre Escalettes, le président de la FFF, est dans le collimateur. Mme Bachelot a indiqué vouloir "réformer en profondeur la gouvernance du football" et entend replacer l'éthique au centre des valeurs sportives.

"Je veux que le respect de la charte de déontologie soit le visa pour participer à toute compétition sportive au nom de la France", a-t-elle dit lors d'une intervention à l'Assemblée nationale.