Lorsqu’on a le nez collé dans la baie vitrée, on a tendance à ne pas voir l’ensemble du décor. Les Anglais disent la « big picture ». C’est justement en regardant une autre chaîne de télé, RDI pour ne pas la nommer, que j’ai réussi à me détacher du conflit dans la LNH, un conflit qui supposément afflige un grand nombre d’amateurs.

Et bien justement, ils sont combien ces amateurs qui s’estiment lésés par le lock-out actuel? Oh! surprise, ils ne représentent que 25 % de la population dans le meilleur des cas, et sans doute moins, la plupart du temps. C’est beaucoup mais en même temps, c’est peu, trop peu pour avoir une quelconque influence. RDI faisait un petit sondage maison dans lequel 83 % des répondants disaient que le lock-out n’avait aucune influence sur leur vie. Bien sûr, le même sondage à RDS présenterait des résultats forts différents. Le sondage de RDS serait spécialisé, comme la chaîne, mais ne serait aucunement le reflet de la société québécoise dans son ensemble.

Alors, devrait-on s’inquiéter de ce genre de sondage, aucunement scientifique certes, mais fait par une chaîne de télévision dans laquelle le hockey n’est pas d’importance capitale? Selon ce sondage, seulement 17 % des gens interrogés aimeraient retrouver des soirées du hockey dans leur horaire de télé.

Ainsi, en reculant pour admirer le décor, on se rend bien compte que le hockey n’a pas le même intérêt pour tous. Les maniaques de hockey seront de retour devant le petit écran après le conflit. Mais qu’en sera-t-il des amateurs mous, de ceux qui peuvent vivre avec ou sans le hockey, qui sont là en dilettante, selon les performances de l’équipe, enfin ceux qui représentent environ 8 % de la population.

Huit pour cent, ce n’est rien vous allez dire. Attention, dans les coffres du Canadien et de toutes les entreprises associées de près ou de loin au hockey, ces 8 % font toute la différence entre les profits et les pertes.

Toutes les entreprises sportives vivent en vase clos, ce qui est normal, mais les dirigeants de ces mêmes entreprises savent et connaissent ces chiffres, ces points de pourcentage qui séparent profits et pertes. Ces dirigeants voient et analysent la « big picture ».

Plus le conflit perdure, moins les diffuseurs souhaitent une reprise des activités. Et c’est logique. Pourquoi RDS diffuserait une saison de seulement 50 matchs. Si le conflit dure une saison entière, RDS pourra diffuser les 82 rencontres à la fin de son présent contrat la liant à la LNH, soit au-delà de la saison 2013–2014. En attendant la résolution du conflit qui oppose joueurs et propriétaires, RDS sauve dans tous ses coûts de production. C’est d’ailleurs ce que Gerry Frappier, grand patron de RDS disait récemment dans un reportage. RDS perd en visibilité, une donnée difficile à mesurer autre que par les cotes d’écoute qui sont à la baisse, sans la présence du hockey sur nos ondes.

Enfin, lorsque les joueurs demandent, voire même exigent d’obtenir la totalité de leur salaire même si la saison est amputée de 30 matchs, je me dis que l’on est encore bien loin d’un règlement. Je me dis aussi que ceux et celles qui disaient que le lock-out serait de courte durée n’avaient pas la bonne boule de cristal.

Et ce qui est encore plus décourageant dans toute cette histoire, dans ce troisième conflit majeur en 18 ans, c’est qu’on pense qu’avant longtemps, il y aura une expansion. Déjà que le produit est dilué au maximum, que le conflit actuel ne sert que des joueurs de troisième ordre, que la KHL en Europe est sur le point d’éclore, voilà qu’on ajoutera deux autres formations à la Ligue nationale.

Y doit ben y avoir quelqu’un qui a le nez dans la baie vitrée, non!

Stéphane Langdeau

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