MONTRÉAL - Un bon discours peut galvaniser les troupes, mais une sortie trop enflammée peut se retourner contre tout entraîneur bien intentionné.

Norman Flynn : le feu aux poudres

C’est ma première année avec le Laser de St-Hyacinthe et ma première année, point, dans la LHJMQ. L’équipe dont j’hérite évoluait la saison précédente sous le nom du Canadien Jr. de Verdun. Elle avait gagné un grand total de huit matchs sous la gouverne de Guy Chouinard.

Au camp d’entraînement, j’avais décidé de mettre tous les joueurs qui provenaient de ce groupe dans un vestiaire et toutes les recrues et les autres joueurs invités dans un autre. Première journée, je me dirige dans la chambre des vétérans et je leur dit : « Écoutez les boys, je ne vous connais pas, mais j’ai regardé les stats et je sais que ça n’a pas bien été l’an passé. Je veux vous dire qu’il va y avoir de la place pour les gars qui veulent que ça change, des gars qui veulent gagner. Je vais garder ceux qui veulent travailler parce que moi, je n’accepte pas de perdre. » Après ça, je suis allé voir les petits nouveaux. J’ai commencé comme ça : « L’autre bord, c’est une gang de maudits perdants. Ils n’ont rien fait l’an passé et des places de disponibles, il va y en avoir en masse au camp. Si tu veux faire le junior majeur, c’est l’année et l’équipe parfaites pour ça parce que de l’autre côté, il y en a qui ne finiront même pas la première pratique. »  

Sans le savoir, je venais de mettre le feu aux poudres. Le plan pour le premier entraînement, c’était de faire un match simulé. Je n’avais pas beaucoup d’expérience, je m’étais dit que mes adjoints et moi embarquerions sur la glace pour faire les arbitres. Dès la première mise en jeu, ça a explosé. D’un côté comme de l’autre, ça se courait après pour s’arracher la tête. Je crois qu’il y a trois bagarres qui ont éclaté dans la première minute. Je n’avais jamais vu ça, je me suis dépêché d’arrêter ça en panique. Mais c’est ce genre d’atmosphère qui avait teinté tout le camp d’entraînement. C’était tellement fou que le mot s’était passé en ville et le monde avait commencé à remplir l’aréna pour assister aux entraînements.

J’avais un peu regretté mon fameux discours, mais ce camp avait quand même donné le ton à toute une saison. Avoir l’expérience que j’ai aujourd’hui, je pense que j’aurais été capable de me rendre à la Coupe Memorial avec cette équipe-là.

Gaston Therrien : quand les mots dépassent la pensée

À ma première saison avec le Rocket, mes deux gardiens étaient le vétéran Frédérik Brind’Amour et la recrue de 16 ans Jonathan Cayer. Je commence les séries avec ce que je crois être ma valeur sûre, mais Brind’Amour ne fait pas le travail et on perd le match. Danièle Sauvageau, mon adjointe, me suggère de revenir avec Cayer, mais je ne crois pas qu’il était prêt. Je me lève très tôt le lendemain et je réfléchis à ce que je peux faire. Je dis finalement à mes adjoints que je vais poivrer Brind’Amour solide devant tout le monde en espérant le piquer dans son orgueil. J’entre dans le vestiaire et je pointe mon vétéran du doigt, je lui dis qu’il n’a pas été assez bon, qu’il nous a laissé tomber. Je beurre épais. Pour finir, j’ajoute qu’il ne jouera plus des séries et que c’est Cayer qui est notre nouveau numéro 1. Dans ma tête, je savais que je ne ferais pas ça. Mon plan, c’était que Gilbert Delorme me demande juste avant le match qui allait commencer devant le filet et que je fasse appel au caractère de Brind’Amour pour qu’il nous en sorte une grosse. Jonathan avait été mis au courant et Frédérik avait donc appris dix minutes avant la période d’échauffement que c’était bel et bien lui, notre homme de confiance. Il avait assez bien joué par la suite, mais aujourd’hui je reconnais que j’ai été trop loin avec lui. Je regrette, je n’aurais jamais dû faire ça. Je m’en étais excusé, mais le mal était fait.

Olivier Brett : un speech comme un miroir

Il y a de ça une dizaine d’années, les gars qui s’occupaient de l’équipe masculine du Cégep Garneau, pour une raison qui ne me revient pas, ne pouvaient pas accompagner l’équipe pour un match à Montréal. Comme j’avais déjà joué pour le programme et que j’habitais désormais à Montréal, je respectais tous les critères à leurs yeux pour être un digne remplaçant. J’avais accepté le défi et dans ma préparation, je m’étais dit que j’allais partager aux joueurs mon expérience, ce que j’ai vécu à l’époque avec cette équipe-là. J’avais fait partie d’une grosse génération à Garneau. On avait été la première équipe de la ville de Québec à se qualifier pour le championnat canadien au niveau collégial. En plus, le gars qui avait été notre gardien à l’époque avait ensuite été tué dans un accident de voiture. On avait vécu des émotions super fortes avec ce programme et c’est ça que j’ai décidé d’utiliser pour motiver mes troupes avant le match. Après tout, je ne les connaissais pas et je ne savais pas comment ils allaient jouer. Pour moi, c’était l’approche logique.  

Le problème, c’est que je suis devenu super émotif en leur parlant et c’est ce qui est remonté à la surface. Finalement, quand les gars ont commencé le match, ils étaient complètement à plat. Avec le recul, je m’étais rendu compte que oui, mon discours était rempli d’émotion, mais c’était des émotions qui venaient me chercher moi, pas eux. Dans le vestiaire, ils étaient en train de regarder un gars se rappeler d’excellents souvenirs, mais qui ne les touchaient pas du tout. Ils ne se sentaient pas interpellés et ça avait paru sur le terrain.

C’est une belle leçon qui ne m’a jamais quitté. Ton speech doit avoir la capacité de faire vibrer les joueurs, et non l’entraîneur!

Dany Dubé : dans le sport comme dans la vie

J’avais réalisé que j’habitais pas très loin d’un ancien joueur que j’avais dirigé au niveau universitaire et un beau jour, on avait décidé de se rencontrer dans un petit resto du quartier. À un moment donné, il me dit « Dany, est-ce que tu te souviens ce que tu m’avais dit tel jour, pendant tel match? » Ça ne me disait absolument rien. Il m’avait alors raconté qu’en première période, j’avais décidé de le clouer au banc pour le punir pour une série de mauvais jeux. Dans le vestiaire, à l’entracte, il était tellement frustré qu’il avait commencé à se déshabiller. Il voulait retourner chez lui. Il m’a dit : « Tu m’as regardé, devant tout le monde, et tu m’as dit que j’avais le droit de vous lâcher, mais que si j’abandonnais aujourd’hui, j’allais toujours pouvoir me trouver une raison pour abandonner dans la vie. » Il s’était finalement rhabillé et ces paroles ne lui étaient jamais sorties de la tête. Aujourd’hui, il est dans le monde des affaires et quand ça va moins bien, il se dit toujours que ça serait facile de trouver une excuse, mais qu’il ne doit pas abandonner. Ça m’avait fait plaisir d’entendre ça. Dans le coaching, on suit des gars qui ont continué au niveau professionnel et ça nous procure un sentiment de fierté. Mais dans le fond, ce qui reste, ce sont les vraies affaires, comme cette histoire-là. Tu peux marquer la vie de certaines personnes avec ce métier, laisser une impression qui ne se décrit pas avec des statistiques.