C’est en septembre…
$content.firstChildCategorie mercredi, 9 juil. 2014. 22:12 jeudi, 27 sept. 2012. 18:36Les jeunes sont très agités et la professeure, madame Godin a vraiment hâte que la rencontre commence. Imaginez un instant un groupe de trente élèves, garçons et filles célébrant, autant l’approche du match que cette demi-journée sans classe. Trente garçons et filles qui placotent avec leur voix aiguës, qui se bousculent et se lancent des boulettes de papier.
En ce 28 septembre, bel après-midi du début de l’automne alors que le soleil plombe à travers les fenêtres de l’école Dujarié, madame Godin apporte le téléviseur dans la salle, le place devant son bureau et ouvre les portes vertes de cette boîte à images, juchée au sommet d’un chariot à roulettes.
Cet après-midi, nous irons par l’entremise des ondes satellitaires nous retrouver à Moscou, dans ce pays de l’autre bout du monde pour le 8e match de la Série du Siècle.
À mes côtés, il y a Christine Fort. C’est ma blonde et elle aime le hockey. Du moins, c’est ce qu’elle dit et avec ses magnifiques cheveux bouclés, je la crois volontiers.
Depuis un mois, mon père me raconte que les Russes sont bons, meilleurs peut-être que les Canadiens qui ont bu de la bière tout l’été. Ils ne sont pas en forme et ça paraît. Les Russes sont disciplinés. Ce sont des militaires qui s’entraînent à longueur d’année.
Pauvre Papa! Il est malchanceux aujourd’hui. Pendant qu’il travaille chez Hydro-Québec, moi je m’apprête à regarder le match, à m’imaginer être à la place de René Lecavalier et à décrire les exploits de mes idoles. Je me promets de décrire chaque détail du match à mon père à l’heure du souper.
Christine me serre la main et l’espace d’un moment, j’oublie que le match commence. Il fait chaud dans cette classe et encore plus lorsque Yakushev ouvre le score et donne l’avance à l’URSS 1–0.
Heureusement, les vingt premières minutes se termineront par une égalité de 2 à 2. Les Russes dominent ensuite la deuxième période en inscrivant 3 buts contre un seul pour le Canada. Je suis très déçu et je pleure. Mes idoles vont perdre face à des joueurs que je ne connais même pas.
Pire, il est 15 heures et madame Godin ferme le téléviseur. Nous devons quitter l’école, c’est la fin de la journée. Tous les élèves, grands et petits attendent l’autobus scolaire. Je dis au revoir à Christine qui ne prend pas l’autobus puisque ses parents habitent tout près.
Le retour à la maison est long, très long et je sais que si je me dépêche, je pourrai peut-être regarder les dernières minutes du match. Auparavant, faudrait peut-être que Charly, le chauffeur appuie sur l’accélérateur.
Enfin, les portes s’ouvrent et je me précipite vers la maison au pas de course, ma clée de maison autour du cou.
Mes parents habitent le logement supérieur d’un duplex, rue Cousineau à Cartierville. Dès que j’arrive près de l’entrée, j’entends les cris des voisins qui célèbrent un but du Canada.
Je retire la clée de mon cou, l’enfonce dans la serrure et monte les marches deux par deux. Arrivé au salon, j’ouvre le téléviseur mais l’image met une éternité avant d’apparaître. Le son est cependant clair et Paul Henderson vient de marquer le but qui procure les devants 6 à 5 au Canada avec encore 34 secondes à faire au match. Enfin, l’image se fait plus claire et je peux voir la reprise du but. Mon père avait tort, le Canada va gagner et vaincre les Rouges mais il s’en est fallu de peu.
Oui, oui, j’ai tout raconté à mon père à l’heure du souper. Mon père avait un petit sourire en coin. Lui aussi avait vu le match et c’est mon père qui m’a raconté les événements de la troisième période. Faut croire qu’à Hydro-Québec, ils devaient être 12 mille 12 téléspectateurs…
C’est sûrement en ce 28 septembre 1972 que j’ai commencé vraiment m’intéresser au hockey et aux filles. Quinze ans plus tard, Christine n’était plus là mais moi j’étais devenu journaliste sportif.
Stéphane Langdeau
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