LONDRES (AFP) - Longtemps réservé à l'aristocratie, symbole de bonne éducation et de savoir-vivre à Eton, Cambridge ou Oxford, le cricket vit ses jours les plus noirs après l'annulation dimanche d'un test-match entre l'Angleterre et le Pakistan, accusé d'avoir trafiqué la petite balle.

"Ce n'est pas du cricket": cette phrase, synonyme en anglais courant de l'expression "cela ne se fait pas", traduit le fait que ce sport typiquement "british" est aussi un état d'esprit où le "fair-play" est primordial.

Lundi, "That is not cricket" est prise dans son sens littéral pour commenter la défaite par forfait du Pakistan face à l'Angleterre et l'annulation du dernier test-match lundi - un fait sans précédent depuis 1877.

Dimanche, après la "tea interval" (la pause pour prendre le thé, soit la mi-temps), les Pakistanais, qui menaient au score, ont refusé de revenir sur le terrain pour protester contre une sanction à leurs yeux injuste.

Les arbitres -"Umpires" pour les initiés- australiens, Darrell Hair et Billy Doctrove, leur avaient imposé cinq points de pénalité pour avoir prétendument trafiqué la petite balle de 171 grammes, en liège recouverte de cuir.

Or, "changer la forme ou la texture de la balle modifie son comportement dans l'air", explique les experts. La photo des "Umpires" et du capitaine pakistanais Inzanam-ul-haq en train d'examiner la petite balle de la grande discorde est lundi dans toute la presse.

L'équipe pakistanaise est finalement revenue sur la pelouse sous les huées des quelque 23.000 personnes, mais ce sont les "Umpires" -et les Anglais- qui n'étaient plus là.

Savoir-vivre

"Fiasco", "farce", "chaos", "les heures les plus noires du cricket"...: le scandale du stade de "l'Oval" est à la Une et l'unique sujet des conversations.

Certains reprochent aux Pakistanais d'avoir enfreint des règles élémentaires de savoir-vivre."J'éprouve de la sympathie pour le Pakistan mais cette compassion s'arrête quand une équipe refuse d'accepter la décision d'un arbitre. Que leurs décisions soient bonnes ou mauvaises, les +umpires+ doivent avoir le mot de la fin", s'insurge dans The Independent un ancien jouer anglais, Angus Fraser.

Sur la sellette, l'entraîneur du Pakistan Bob Woolmer a dû sortir les grands mots pour défendre l'honneur de ses hommes: "J'ai demandé sous serment et personnellement à chaque membre de l'équipe s'il avait gratté (trafiqué) la balle, ils ont dit non".

Dans leur pays, l'attitude des Pakistanais a été saluée par les millions de fans qui ont veillé tard pour suivre le quatrième test-match.

"Le salut de notre propre estime et de notre dignité vaut plus qu'un test-match", affirme un supporteur pakistanais cité par The Independent.

Sur le plan pratique, les autorités ont annoncé qu'elles rembourseraient les quelque 12.000 personnes qui devaient suivre lundi le dernier test-match. Ca, c'est du cricket...