* Cette série d'articles sur l'alpinisme est présentée en partenariat avec Jeep ®

Gravir le plus haut sommet des sept continents : dans les années 1980, l’idée germe dans la tête d’un homme d’affaires épris d’alpinisme. Mais c’est durant le nouveau millénaire que ce défi se taille une place dans le monde de l’alpinisme.

Ça prenait bien un homme d’affaires pour imaginer un défi de cette ampleur : faire la ronde des continents en escaladant le sommet culminant sur chacun d’eux. Les hommes d’affaires aiment bien la performance et la compétition. Contre les autres, mais aussi contre eux-mêmes. L’Américain Richard Bass est de ceux-là. Ses affaires ne sont d’ailleurs guère éloignées de sa passion pour la montagne : il a créé et gère la station de ski Snowbird, en Utah. Il a vu le jour dans les années 1930, il est jeune quand Hillary et Norgay marquent l’Histoire de l’alpinisme en gravissant pour la première fois l’Everest en 1953. Trente ans plus tard, Richard plante à son tour son drapeau sur le toit du monde, consacrant ainsi l’objectif qu’il poursuit depuis plusieurs années : les Seven Summits, titre de l’ouvrage qu’il publie quelques années plus tard. Ce faisant, il vient de lancer un défi aux alpinistes professionnels et amateurs du monde entier.   

Des alpinistes comme l’Italien Reinhold Messner, l’un des plus grands noms, et des plus prestigieux, de l’histoire internationale de l’alpinisme. À la liste des sept sommets de Bass, il propose une correction, remplaçant le mont Kosciuszko (Australie, 2228 m) par le Puncak Jaya,  ou Pyramide de Carstensz (Indonésie, Océanie, 4884 m). Les autres sommets restent inchangés : Everest (Népal, Asie, 8848 m), Aconcagua (Argentine, Amérique du Sud, 6962 m), Denali (Alaska, Amérique du Nord, 6190 m), Kilimandjaro (Tanzanie, Afrique, 5892 m) Elbrouz (Russie, Europe, 5642 m) et Vinson (Antarctique, revendiqué par le Chili, 4892 m). Aujourd’hui, c’est la liste de Harold Messner qui semble privilégiée par la communauté internationale.

C’est le Canadien Patrick Morrow, qui complète avec succès, et pour la toute première fois, les Sept Sommets inscrits sur la liste Messner en 1986. Il ne faudra à Messner que quelques mois de plus pour l’inscrire à son palmarès.

Durant le début des années 2000, ce défi ne cesse de titiller les alpinistes; s’ensuit alors une série de records – le premier non-voyant (Erik Weihenmayer, 2002), la première femme (Annabelle Bond, 2005), le premier à skier les Sept Sommets (Kit Deslauriers, 2006), l’alpiniste le plus jeune (Samantha Larson, 18 ans, 2007), le plus âgé (Carlos Soria Fontan, 71 ans, 2010). Tout récemment, c’est Johnny Collinson, 17 ans, qui vient d’inscrire son nom pour le record de l’âge le plus bas. Un titre qui risque de lui échapper assez vite car un petit jeune se prépare (à 13 ans!) à compléter l’exploit. 

À ce jour, ils sont moins de 300 à pouvoir inscrire les Sept Sommets (version Messner) sur leur feuille de route personnelle. Mais ils sont rarissimes à prétendre l’avoir fait sans oxygène d’appoint. Seul Harold Messner, célèbre pour son approche puriste de la montagne, et deux autres grimpeurs, ont réalisé ces ascensions dans le style «alpin», ainsi nommé parce qu’il puise sa tradition dans les Alpes. Cette approche de la montagne exclut le recours à l’oxygène d’appoint mais aussi aux porteurs, et implique une grimpe légère et en parfaite autonomie.

Elle s’oppose ainsi au style Expédition, plus accessible aux alpinistes amateurs qui disposent d’une équipe de soutien professionnelle et effectuent des campements progressifs. Nettement plus difficile, le style alpin préconise les cordées réduites à deux ou trois grimpeurs. Bien sûr, seuls les alpinistes de très haut niveau y ont accès car le succès de ce type d’ascension dépend essentiellement de son rythme soutenu.

C’est d’ailleurs parce que le défi des Sept Sommets est possible en style Expédition qu’il est si populaire auprès des alpinistes amateurs. C’est la principale critique adressée depuis une quinzaine d’années à ce défi : attirer sur des montagnes des gens qui n’ont rien à y faire, manquent d’expérience, de connaissances et qui «dénaturent» l’esprit de l’alpinisme. Ce sont généralement des gens en quête de popularité, de reconnaissance dans leur milieu et qui disposent des moyens financiers nécessaires à ce tour des montagnes du monde. Le sommet de l’Everest, notamment, est devenu The Place To Be pour beaucoup de jeunes professionnels socialement privilégiés, mais sans l’expérience de montagne nécessaire. On en connaît le résultat : les accidents mortels en augmentation, qui surviennent dans la zone de la mort.

Reste que, avec ou sans soutien technique, ces ascensions constituent un sérieux défi sportif, mais aussi une aventure exceptionnelle à travers le monde. Car il est bien question de voyages, dans les Sept Sommets, pas seulement de montagnes. Un attrait qui explique également le pouvoir d’attraction de ce phénomène auprès de nombreux aspirants internationaux.

Les Québécois ont bien évidemment embarqué dans l’aventure. Mais seuls cinq alpinistes ont à ce jour complété les Sept Sommets : Bernard Voyer (1999), connu pour ses expéditions en Arctique et Antarctique, François-Guy Thivierge (2008), et Bruno et Jason Rodi, qui l’ont réalisé entre père et fils. Côté femmes, c’est Christine Dubé qui inscrit son nom comme la première Québécoise qui entre dans l’histoire des Sept Sommets, en 2011. Depuis plusieurs années, trois Québécoises alpinistes se mesurent au défi: Monique Richard, Sylvie Fréchette et Véronique Denys. Michel Waechter, un avocat d’une quarantaine d’années a entrepris cette aventure, mais n’a pu le compléter à cause de mauvaises conditions en montagne. Qu’elle ait été couronnée ou non de succès, cette aventure apporte néanmoins un enseignement majeur : en montagne, la défaite fait partie des options. Renoncer à un sommet n’est pas pour autant le signe d’un échec : c’est le rappel que c’est la montagne, et seulement elle, qui dit « où et quand ». Il en coûte cher à ceux qui oseraient l’oublier.