En réaction aux nombreux scandales de dopage qui ont frappé l'univers sportif planétaire en 2015, tout particulièrement l'athlétisme, certains pays ont décidé de prendre le taureau par les cornes pour éradiquer le phénomène et redonner un lustre de propreté aux disciplines sportives.

L’exemple le plus récent est celui de l'Allemagne où une nouvelle loi antidopage est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Une loi sévère et répressive qui vise tout particulièrement les athlètes professionnels dont les noms se retrouvent sur la liste de l'agence antidopage allemande (NADA). Ainsi, les sportifs de ce pays coupables de dopage ou surpris en possession de ces produits encourent maintenant jusqu'à trois ans de prison! De plus, selon cette nouvelle législation, la peine peut aller jusqu'à dix années derrière les barreaux pour ceux reconnus coupables (entraîneurs, médecins, etc.) d'avoir fourni et procuré des produits dopants aux athlètes.

L'Allemagne frappe fort et souhaite que cette loi devienne une référence mondiale pour protéger la crédibilité du sport et protéger les athlètes. C'est également un message on ne peut plus clair à l'endroit des sportifs qui compétitionnent proprement. « Nous sommes de votre côté et nous vous protégeons! » On ne veut plus de victoires et de médailles à n'importe quel prix.

Richard PoundJe salue et félicite les décideurs allemands pour ce geste courageux, celui d'avoir décidé d'outrepasser la gouverne et la réglementation de sa propre agence antidopage dont on estimait probablement les sanctions trop clémentes. Ce pays s'inscrit de plus en plus comme le véritable leader en matière de lutte antidopage. Rappelez-vous, ce sont des athlètes allemands qui avaient été les premiers, l'an dernier, à protester contre les agissements et la corruption de l'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF).

Cette dernière commençait alors à être frappée par l'énorme scandale de dopage mis au jour, justement, par un quotidien allemand. Les révélations journalistiques allaient mener à l'enquête indépendante et au rapport de l'avocat canadien Richard Pound pour le compte de l'Agence mondiale antidopage (AMA) dans lequel on apprenait, entre autres, que la Russie avait instauré un dopage d'état organisé auprès de ses athlètes. Les fédérations d'athlétisme d'autres pays, comme la Chine, le Kenya ou l'Éthiopie seront fort probablement pointées du doigt dans la suite attendue d’ici la fin janvier de ce rapport.

Les athlètes allemands ayant pris la parole publiquement exigeaient plus de transparence de la part de l’IAAF et souhaitaient que le sport soit considéré bien avant les intérêts financiers. Le rapport de la Commission indépendante de l'AMA nous apprenait que certains dirigeants de l'IAAF auraient gardé le silence sur les résultats positifs de dopage en échange de sommes d'argent.

Reste à voir maintenant comment la puissante Agence mondiale antidopage réagira à la nouvelle loi allemande. Dans un communiqué, elle a expliqué que jamais elle n'interviendrait auprès de gouvernements pour leur dicter les lois à adopter et qu'elle respectait la démarche de l'Allemagne. Toutefois, elle précise que sa façon de faire est probablement la meilleure et celle qui fait consensus auprès des pays membres, à savoir une suspension des compétitions pour un nombre déterminé d'années avec possibilité d'aller en appel. L'AMA ne croit pas que le dopage devrait devenir une offense criminelle pour les athlètes.

Je ne suis pas d'accord. Un athlète sur qui pèse la menace d'une offense criminelle et d'un emprisonnement y pensera certainement à deux fois avant de se doper. L'effet dissuasif est beaucoup plus fort qu'une simple suspension de deux ou trois ans. La peur d'aller en prison est plus grande que la peur d'échouer à un test antidopage.

Quant à ceux qui distribuent ces produits, aux entraîneurs qui les offrent à leurs athlètes et aux médecins qui sont complices, la crainte d'un emprisonnement de dix ans devrait refroidir leurs ardeurs. C’est beaucoup plus puissant qu'un bannissement. Ce qu'ils font est criminel.

Il y a probablement une stratégie politique et une gestion de l'image derrière l'adoption par l'Allemagne d'une loi pour mieux encadrer la pratique des athlètes de haut niveau et les dissuader de toutes tentatives de dopage. Cela vient solidifier l'éventuelle candidature d'une ville de ce pays pour l'organisation des Jeux olympiques d'été de 2028. Il est vrai que Hambourg a décidé, en novembre dernier, de se retirer de la course pour 2024, mais le désir des Allemands d'accueillir les Jeux dans les prochaines années existe toujours.

Le Comité international olympique avantagera certainement une nation où existe une telle loi. C’est un peu ce que vient de faire l’IAAF en octroyant les Mondiaux de 2016 juniors à la ville polonaise de Bydgoszcz. Initialement, cette compétition devait se tenir en Russie l’été prochain. Mais depuis le scandale de dopage et la suspension du pays des compétitions d’athlétisme, il aurait été mal vu d’y tenir un rassemblement sportif d’une telle envergure.

Il existe toutefois une faiblesse à cette loi allemande. S’il est facile de condamner pour dix ans les responsables du dopage, il l’est beaucoup moins de prouver que l’athlète utilisant des produits illicites le faisait sciemment. Le danger d’envoyer des innocents en prison est bien réel. L’histoire récente nous prouve que de nombreux athlètes ont été dopés à leur insu par des médecins et des entraîneurs sans scrupules. La prudence sera de mise.

J’ai l’impression que 2016 sera une année cruciale au cours de laquelle les instances gouvernementales et les responsables de fédérations sportives de nombreux pays feront des efforts pour effacer les erreurs du passé et redonner une bonne image à des disciplines comme l’athlétisme. Cela commence par des messages forts tels que celui du pays de la chancelière Angela Merkel.

Des suspensions à vie pour d’anciens hauts placés de l’IAAF ont été annoncées cette semaine par la commission d’éthique de cette fédération. L’ancien trésorier de l’IAAF et l’ancien président de la Fédération russe de même que le fils de l’ancien président de la Fédération internationale sont tous bannis à vie en plus de devoir payer de lourdes amendes et d’encourir des poursuites pénales. Ils avaient accepté jusqu’à 850 000 dollars de pots-de-vin de la marathonienne russe Liliya Shobukhova pour fermer les yeux sur ses résultats positifs de dopage. Il s’agit là d’un message fort.

Des peines de prison et des suspensions à vie. Voilà qui devrait faire réfléchir les entraîneurs et athlètes qui seraient tentés de tricher pour être les meilleurs. La gloire devra toujours être réservée aux véritables dieux et déesses de l’Olympe, ceux et celles qui sont propres.