Ce texte, je le muris depuis vendredi dernier. Parce que nous sommes en pandémie mondiale, parce que je voulais mieux façonner mes pensées, parce que je ne voulais pas froisser qui que ce soit qui ne le mérite pas, parce que je voulais donner la chance au coureur; nous sommes mercredi et le voilà.

 

Un peu de contexte. Je suis père de deux garçons. Deux étudiants qui pratiquent le hockey compétitif depuis leur tendre enfance. Un jeune homme universitaire qui évolue au niveau junior AAA et un adolescent de secondaire 5 qui joue dans la ligue midget AAA du Québec. Je suis aussi gestionnaire d’une équipe de la LHJMQ. On peut dire qu’en carrière, à trois, du MAHG à la LNH, on couvre pas mal de terrain.

 

Je suis conscient du casse-tête que représentent le retour en classe et le retour au jeu au temps du Coronavirus.
 

Le cahier de charge du processus de bulle à Chicoutimi compte plus de 56 pages et jamais je n’ai trouvé mot à redire. Un travail impeccable du commissaire Gilles Courteau, de son lieutenant Martin Lavallée, des instances en santé publique et de tous ceux qui y ont participé. Certaines acrobaties, certes, mais toutes très nécessaires. Car pour faire partie de la primordiale relance, il faut apprendre à vivre avec le virus d’ici à l’avènement et la distribution massive d’un vaccin. C’est ce qu’on nous martèle, du moins. Une attitude exemplaire de 450 étudiants-athlètes à travers les 18 marchés de la LHJMQ vient couronner le tout, car pour eux c’est un effort évident, pas un prix à payer. Le prix à payer serait de ne pouvoir se réaliser à un âge si important.

 

Dans le junior AAA, jusqu’à maintenant, peu de vagues. Pas de concept de bulle mais des équipes réduites à huit patineurs et un gardien. Du hockey à quatre contre quatre. Pas de mises en échec. Pas de déplacements en autobus. Mais pour le reste, jusqu’à maintenant pas de foyer d’éclosion, et une perspective d’un éventuel retour au hockey « normal ».
 

En fait, comme il a été rapporté à plusieurs endroits, le sport amateur, bien encadré, ne présente qu’un tout petit nombre de cas depuis la reprise des activités cet été, loin du brasier qui était craint.

 

Pour ce qui est de la ligue midget AAA... Avez-vous une demi-heure, je dois vous parler deux minutes. Si la genèse de ce billet remonte à vendredi dernier c’est que cette journée fut marquée par plusieurs incohérences que je ne m’explique toujours pas et qui n’ont pas, à ce jour, été rectifiées. Sur le terrain, les intervenants les plus chevronnés, qui n’ont pas été consultés, n’en reviennent tout simplement pas. Une directive ne provenant pas de la direction de la ligue ou des équipes qui font des pieds et des mains pour minimiser les risques de propagation. Toutes les équipes ont d’ailleurs fait une pause de toutes leurs activités de 14 jours lors de la rentrée scolaire. Mais bien par une directive gouvernementale quelconque qui a empêché la grande majorité des rencontres du circuit à être disputées depuis.
 

S’il est clair que c’était la marche à suivre pour les Élites de Jonquière, qui comptent désormais trois cas actifs dans leurs rangs, c’est beaucoup moins clair pour les autres. Et des cas parmi les équipes, malgré les règles strictes en place, il y en aura d’autres. Ce n’est, et ne sera, la faute de personne. Et tant mieux qu’il y ait un plan éprouvé en place et un suivi quotidien de la santé publique, chapeau.

 

Là où l’incohérence s’installe, vous aurez compris, c’est quand un cas positif non relié, empêche un événement de se tenir pour tous les élèves de l’école. Et c’est, pour le moment, la règle en place. Pour le sport scolaire mais aussi pour tout sport compétitif civil qui est associé à un programme sports-études.
 

Or voilà, ces jeunes paient un prix injustifié, dans l’immédiat et potentiellement à long terme au nom de la rectitude. Les raisons valables pour le maintien de ces rencontres semblent pourtant surpasser amplement les raisons de leur annulation. La santé physique et mentale, il en va de soi. L’intérêt envers la réussite scolaire, qui a été bousculé par le confinement, en sortirait également augmenté. Toutefois, pour moi, il y aussi, et surtout, les valeurs véhiculées par le sport qui s’effritent sans la tenue de compétitions. La motivation à poursuivre l’entrainement afin de valider, lors des parties, que leurs efforts rapportent, diminue sans rencontres à l’horaire. La réalisation de soi, la poursuite d’un but, c’est primordial à ce stade du développement de l’être humain. L’abnégation, le dépassement de soi, le sentiment d’appartenance, les habitudes de travail et le leadership ne sont que quelques unes des valeurs fondamentales que j’ai apprises par le sport.
 

Je ne peux parler de toutes les écoles, pour celle de mon garçon, les mesures sanitaires sont assez rigoureuses. Masque en transport scolaire, désinfection des mains à l’arrivée à l’école, assignation immédiate à sa classe et pour la durée des cours. Masque lors des déplacements, pas de flânage, pas de contact avec les autres groupes. Une bulle-classe mais aussi une bulle de cinq joueurs de l’équipe qui sont dans le même groupe et qui passent leurs journées ensemble. Pas de droit de sortie du campus au dîner. Lunch dans la classe ou, trois fois aux neuf jours, à la cafétéria avec les membres du groupe seulement. Le masque est requis à l’aréna jusqu’au saut sur la glace pour l’entrainement. Vous voyez la routine. Or, malgré tout ce déploiement, vendredi dernier le gouvernement a envoyé plusieurs messages contradictoires mais, surtout, un très clair : « Chers athlètes, on ne vous fait pas confiance, vos matchs sont annulés »
 

C’est drôle, sans froisser personne, s’il y a bien une tranche de notre société à qui je ferais confiance, c’est celle des jeunes athlètes. Pourquoi? Parce que pour eux le mot « sacrifice » n’existe pas, il s’agit plutôt d’efforts vers un but ultime. Parce que depuis qu’ils sont hauts comme trois pommes, le téléphone sonne les soirs de fin de semaine avant un match pour vérifier le couvre-feu et ils ne s’alarment pas d’une atteinte à leur liberté mais ils comprennent qu’une équipe en entier compte sur eux. Parce que ces jeunes carburent aux défis et savent que le respect des consignes les mènera au succès. Ces jeunes ont un objectif à long terme de poursuivre leur parcours et ils savent que de compromettre leur saison ne ferait que leur nuire. Ces jeunes représentent notre avenir et je les veux accomplis, en santé et motivés, pas le contraire. Et ça passe par le sport.

 

Pour l’instant, on garde l’économie ouverte, et avec raison, car un retour au confinement serait désastreux.
 

A-t-on pensé, dans la même veine, au prix à payer si on empêche arbitrairement nos jeunes de pratiquer leur sport? Il serait encore bien plus élevé, j’en suis convaincu... Préparez vos chéquiers.