LONDRES - Les athlètes qui cherchent à améliorer leurs performances sportives se tournent de plus en plus vers la petite pilule bleue que bien des gens prennent plutôt pour leurs activités en dehors du terrain : le Viagra.

Certains organismes sportifs affirment que ce médicament est de plus en plus populaire auprès des athlètes. On ne sait pas combien d'entre eux le prennent dans le but d'améliorer leurs performances sportives, mais des échantillons de Viagra ont été trouvés, dit-on, dans les effets de certains athlètes professionnels.

L'Agence mondiale antidopage étudie présentement les effets du Viagra chez les athlètes, mais elle ne l'a pas encore interdit. Les spécialistes ont des avis divergents quant à sa capacité d'améliorer les résultats des athlètes.

"C'est possible", a déclaré Anthony Butch, directeur du laboratoire olympique d'analyse à l'Université de la Californie à Los Angeles (UCLA), qui est agréé par l'AMA.

Le Viagra, dont le nom générique est le sildénafil, était à l'origine un médicament pour le coeur qui est devenu populaire parce qu'il aide à combattre les problèmes d'érection. Il fonctionne en augmentant les effets de l'oxyde nitrique, ce qui mène à la dilatation des vaisseaux sanguins. En théorie, ce phénomène pourrait donc permettre aux globules sanguins de se rendre plus efficacement jusqu'aux poumons et donc améliorer le taux d'oxygène qui est absorbé.

"Juste parce que vous avez plus d'oxyde nitrique, ça ne signifie pas nécessairement que vous allez être un meilleur athlète, a souligné Butch. Si vous avez tout l'oxyde nitrique dont vous avez besoin et que vous en générez plus à l'aide du Viagra, on ignore quel serait l'effet au bout du compte."

Reste que selon certaines études préliminaires, des cyclistes qui ont pris du Viagra ont amélioré leurs performances dans une proportion allant jusqu'à 40 pour cent.

"Si vous avez plus d'oxygène dans vos muscles, ça donne plus d'énergie et ça fait de vous un meilleur athlète", a indiqué le Dr Andrew McCullough, un spécialiste de la santé sexuelle à l'école de médecine de l'Université de New York. "Même avec une augmentation de 10 pour cent seulement, chez les athlètes de pointe, c'est parfois assez pour l'emporter."

McCullough a précisé que le Viagra a des chances d'aider seulement les athlètes dans des sports comme la course à pied, le cyclisme ou le ski, où l'endurance et la vitesse sont des éléments-clés. Le Viagra n'au aucun effet direct sur les muscles, ce qui fait qu'il n'aidera pas un athlète à augmenter sa force.

Par ailleurs, les athlètes croient souvent qu'un médicament va fonctionner dans leur corps de la même façon qu'il le fait chez les gens malades. Mais c'est là une erreur.

Par exemple, chez les gens qui souffrent de maladies pulmonaires et qui prennent du Viagra, le médicament permet de dilater leurs vaisseaux sanguins afin qu'ils puissent absorder plus d'oxygène. Les athlètes qui prennent du Viagra espéreront donc que leurs vaisseaux, de grandeur normale, vont se dilater encore plus et améliorer leur capacité pulmonaire. Mais selon certains experts, c'est peu probable que ce scénario se réalise.

"Le Viagra corrige les problèmes chez les gens qui ont une anomalie ou une maladie, a noté Ian McGrath, un professeur de physiologie à l'Université de Glasgow. Chez les gens normaux, le système qui régit le corps ne cédera pas aussi facilement devant un médicament, ce qui fait que prendre du Viagra est peut-être inutile."

Reste que même si le Viagra donne un avantage injuste aux athlètes, ceux-ci seront en mesure d'en prendre aux Jeux olympiques de Pékin puisque ce médicament ne se retrouve pas sur la liste des substances interdites.

Selon McGrath, prendre du Viagra pourrait en théorie aider les gens à mieux respirer dans des villes polluées comme Pékin.

"Si vous avez un maladie quelconque à cause de la pollution, alors le Viagra pourrait aider", a-t-il dit.

Les laboratoires qui effectuent des tests antidopage n'ont pas observé une augmentation anormale de la consommation de Viagra.

"On n'en voit pas plus souvent que pour l'ibuprofène ou l'aspirine ou les antibiotiques qui ne sont pas interdits, a indiqué Christiane Ayotte, directrice du laboratoire agréé par l'AMA à Montréal. Les athlètes en prennent peut-être, mais ils en prennent peut-être pour des raisons autres que le dopage."

Ayotte estime qu'il ne serait pas réaliste d'interdire le Viagra.

"Les athlètes vont-ils soumettre des demandes d'exemption pour usage thérapeutique pour le Viagra? Ce serait plutôt gênant", a-t-elle souligné.