CALGARY - Les athlètes d'élite canadiens fument, mangent et investissent dans la marijuana. Et que dire d'une poff avant de se présenter au départ d'une compétition?

Le gouvernement canadien envisage de légaliser le cannabis à des fins récréatives d'ici le 1er juillet 2018. Il est déjà légal pour un usage personnel et récréatif dans quelques États américains.

Le cannabis, le haschisch, la marijuana et le tétrahydrocannabinol (THC) figurent sur la liste des produits interdits de l'Agence mondiale antidopage (AMA), mais seulement en compétition.

Lorsque les laboratoires reçoivent des échantillons d'urine hors compétition, ils ne testent pas ces substances, selon le Centre canadien pour l'éthique dans le sport (CCES).

L'AMA a également assoupli le seuil en compétition en 2013 pour autoriser 150 nanogrammes par millilitre d'urine au lieu de 15.

Cette modification est significative compte tenu que le planchiste canadien Ross Rebagliati a presque été dépouillé de sa médaille d'or olympique en 1998 avec un taux de 17,8 ng/ml.

Il avait alors expliqué qu'il avait inhalé la fumée secondaire d'un joint. Rebagliati avait récupéré sa médaille parce que la marijuana n'était pas encore une substance interdite par le Comité international olympique.

Un sondage informel auprès d'athlètes canadiens qui envisagent de participer aux Jeux olympiques de Pyeongchang, en Corée du Sud, en février prochain a donné lieu à une vaste gamme d'opinions, allant de conserver la marijuana sur la liste des produits interdits à la retirer lorsqu'elle devient légale au pays.

« Je pense que c'est plutôt avéré que ce n'est pas dangereux pour soi et ce n'est certainement pas une substance pour améliorer la performance, du moins dans le sport que je pratique, a déclaré le skieur alpin Dustin Cook.

« Donc oui, je pense qu'on devrait la retirer de la liste des produits prohibés quand elle deviendra légale. »

Le planchiste Spencer O'Brien est du même avis.

« Personnellement, je ne fume pas d'herbes, mais j'estime que ce n'est pas un produit stimulant la performance, a-t-il déclaré. Je ne vois aucun aspect qui donnerait à quelqu'un un avantage en compétition.

« Les cigarettes ne sont pas une substance interdite. Elles ne sont pas formidables pour la santé, mais elles ne sont pas une substance interdite. Une fois que la marijuana est légalisée, je pense que ça ne devrait pas être une substance interdite. »

La bobeuse Kaillie Humphries affirme qu'elle n'a jamais essayé le cannabis ou le haschisch « et je pense que je suis la seule athlète du monde entier », mais elle connaît des coéquipiers qui en fument et en mettent dans la nourriture comme une aide pour le sommeil pendant l'entraînement.

« Tu souleves des poids à 18 h et tu es stimulée parce que tu as eu une grosse séance. Tu ne parviens pas à dormir avant deux, trois ou quatre heures du matin, a décrit la médaillée d'or olympique.

« Beaucoup d'athlètes l'utilisent pour récupérer. Ce n'est pas quelque chose qui améliore la performance. »

Mais Humphries et le lugeur Sam Edney s'entendent pour dire que dévaler une piste à plus de 100 kilomètres à l'heure sous l'influence d'une substance qui modifie la perception et le comportement est dangereux.

« Pour moi, je trouve que c'est une question de sécurité, a noté Edney. Dans un sport de vitesse, ce n'est pas rien d'être sous l'influence d'une substance. »

Le seul sport olympique dans lequel les athlètes sont contrôlés pour l'alcool est le tir à l'arc. La limite de concentration d'alcool dans le sang en compétition est fixée à 0,10 gramme par litre par l'AMA.

La fédération internationale de tir sportif précise toutefois qu'un athlète montrant des signes d'intoxication serait immédiatement évincé du champ de tir.

Le spécialiste de skeleton Dave Greszczyszyn a précisé qu'il a déjà vu un athlète prendre une bière pendant l'entraînement et la compétition.

L'enseignant substitut de 38 ans a considéré la légalisation future de la marijuana comme un moyen de financer son sport, puisque la contribution du programme « À nous le podium » a été réduite.

« J'ai investi un peu en tentant de gagner de l'argent, a déclaré Greszczyszyn. La moitié de notre équipe a investi dans des actions dans l'espoir de gagner de l'argent pour aider notre programme. »

Les substances figurant sur la liste des produits interdits de l'AMA répondent à au moins deux des trois critères suivants: son utilisation a un potentiel ou peut améliorer les performances; son utilisation présente un risque réel ou potentiel pour la santé; son utilisation viole l'esprit du sport.

La patineuse artistique Gabrielle Daleman adhère avec conviction au critère no 3. Elle affirme que la marijuana ne doit pas être retirée de la liste des produits interdits par l'AMA.

« Je pense qu'elle devrait y rester. Je crois en un sport propre, a-t-elle confié. Je suis vraiment surprise que cela va devenir légal parce que toutes les drogues sont mauvaises. Je ne les recommande pas du tout.

« Nous devrions continuer à promouvoir un sport propre, équitable et tout faire comme c'est censé l'être. »

Les athlètes ont tendance à être fanatiques à propos de tout ce qui entre dans leur corps. Fumer un joint semble donc ridicule pour certains.

« Vous ne voulez pas avaler quelque chose qui va vous brûler la gorge », a déclaré la spécialiste de ski cross, Georgia Simmerling.

Les perceptions sociales et politiques autour de la marijuana et du cannabis évoluent car ils sont utilisés pour traiter la douleur et certaines conditions médicales.

La position du CCES est que la marijuana n'est pas une drogue améliorant les performances, a déclaré le président et chef de la direction, Paul Melia. Mais les pays signataires du code de l'Agence mondiale antidopage ne sont pas tous de cet avis.

Il y a encore une résistance de certains pays pour éliminer complètement la marijuana des produits interdits, a-t-il noté.

« Les pressions politiques sont probablement plus pertinentes pour ce qui est de la question de savoir quand et si la marijuana sera retirée de la liste des produits interdits, a déclaré Melia.

« Lorsque la marijuana sera légalisée au Canada, je ne pense pas que cela aura un impact sur le statut de la marijuana ou du THC sur la liste des produits interdits de l'AMA. »

Et quand le cannabis sera légalisé au Canada, Melia a ajouté que le CCES devra être proactif pour dire aux athlètes que ce n'est pas un feu vert pour y recourir libéralement.

Aussi longtemps qu'il restera sur la liste des produits interdits de l'AMA en compétition, il y a le risque d'un contrôle positif. Les conséquences sont l'annulation des résultats, la perte de médailles et une suspension allant jusqu'à quatre ans.