TORONTO – Le Canada est perçu comme étant un pays progressiste à bien des niveaux. Sauf que le portrait est bien moins rose lorsqu'on analyse l'homophobie dans les sports, ont révélé deux études diffusées jeudi par l'Université Monash de Melbourne, en Australie.

La première étude a sondé les réponses de 1173 lesbiennes, gais et bisexuels âgés de 15 à 21 ans qui habitent au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Irlande.

L'étude a conclu qu'environ 48 pour cent des jeunes canadiens qui ont avoué leur orientation sexuelle à leurs coéquipiers ont rapporté avoir été victimes de comportements homophobes, dont l'intimidation, les agressions physiques et le langage ordurier - ces comportements sont d'ailleurs plus présents chez les jeunes canadiens que les jeunes américains (45 pour cent).

Chez les femmes, 44 pour cent des Canadiennes qui ont révélé leur orientation sexuelle à leurs coéquipières ont rapporté avoir été victimes de mauvais traitements - plus que tous les autres pays sondés par le Laboratoire de recherche en sciences comportementale de l'Université Monash.

« C'est facile pour les Canadiens de nier les statistiques et de dire : 'Non, ça ce n'est pas notre pays. Nous sommes inclusifs et accueillants. Et nous sommes reconnus partout sur la planète pour être sympathiques, polis et bien élevés », a évoqué l'auteur principal du rapport, le Canadien Erik Denison.

« Le Canada est à la traîne à bien des niveaux, sans conteste. Il n'y a pas d'autre façon de le dire », a-t-il ajouté.

Les jeunes qui ont révélé leur orientation sexuelle dans le cadre d'une activité sportive ont rapporté avoir été la cible de comportements homophobes beaucoup plus souvent (58 contre 40 pour cent) que ceux qui ne l'ont pas été, a souligné l'étude.

Toutes les études réalisées au cours des 15 dernières années ont démontré que les jeunes issus de la communauté LGBTQ+ pratiquent moins d'activités sportives que les jeunes hétérosexuels, a dit Denison. Et si on croit que le fossé est plus impressionnant chez les garçons que chez les filles, et bien c'est faux.

« Ces fossés au niveau de la participation, je dois admettre que c'est préoccupant, a mentionné Denison. Nous sommes très préoccupés du fait qu'il y a de la discrimination dans le sport, mais aussi que ces jeunes évitent de pratiquer des activités sportives.

« La principale chose qu'il faut faire pour abaisser les taux de suicide et d'automutilation est d'encourager ces jeunes à devenir actifs dans des environnements sains et sécuritaires », a-t-il renchéri.

De nombreuses études ont démontré que les tentatives de suicide et les idées suicidaires sont légèrement plus élevées chez les jeunes de la communauté LGBTQ+.

Le langage homophobe bien présent

La deuxième étude de l'Université Monash a analysé les motifs pour lesquels les athlètes utilisent un langage homophobe.

Denison a indiqué que « même si les homophobes, les racistes et les sexistes sont partout dans la société », ils ont tendance à contrôler leur comportement en compagnie d'autrui.

« C'est l'opposé qui se produit dans le sport. Dans le sport, la culture encourage l'utilisation du langage homophobe, a-t-il dit. Le sport canadien a trois langues officielles: le français, l'anglais et le langage homophobe. »

Denison a aussi rappelé que des personnes qui font ouvertement partie de la communauté LGBTQ+ sont bien présentes dans diverses sphères de la société comme le divertissement, la politique et les grandes entreprises, mais qu'elles demeurent plutôt invisibles dans les sports. Ainsi, David Kopay est considéré par plusieurs comme étant le premier athlète professionnel à avoir révélé publiquement son orientation sexuelle en 1975, après avoir annoncé sa retraite de la NFL.

Michael Sam est devenu le premier joueur repêché dans la NFL à avoir révélé publiquement son homosexualité. Il a accepté une offre des Alouettes de Montréal après avoir été libéré par les Rams de St. Louis, mais a quitté soudainement l'organisation après avoir disputé un seul match.

Pour Denison, les conclusions du rapport pour le Canada sont décevantes.

« C'était embarrassant pour moi, en tant que chercheur canadien qui s'est rendu en Australie, de constater que le Canada est à la traîne. Je suis fier d'être Canadien, et je crois que les Canadiens ont la réputation d'être accueillants et inclusifs.

« Mais il semble que les Canadiens ont ignoré cet enjeu, qu'ils n'y ont pas porté attention, ou pire, peut-être qu'ils résistent volontairement à la perspective de régler ce problème », a-t-il conclu.