Gabriel Filippi en cinq questions
Sports divers mercredi, 26 oct. 2016. 11:58 mercredi, 11 déc. 2024. 22:51* Cette série d'articles sur l'alpinisme est présentée en partenariat avec Jeep ®
Gabriel Filippi est l’un des grands alpinistes du Québec. Le respect qu’il suscite dans toute la communauté d’ici et d’ailleurs tient surtout à son approche humaniste de l’aventure en général et de la montagne en particulier.
Cinq questions, cinq réponses, pour mieux le cerner.
Demandez à Gabriel Filippi s’il croit au destin, il vous répondra : « On a tous une heure prévue avec notre propre mort et, à ça, on ne peut rien y changer. » C’est que l’alpiniste l’a frôlée de très près, la mort, ces dernières années.
2013 : il quitte le camp de Nanga Parbat (Pakistan) avant de tenter son ascension, alors sous le coup d’une drôle d’intuition qui l’incite à retourner auprès de sa famille. Le lendemain, le camp est atgataqué par un groupe de Talibans. Résultat : 11 morts, dont 10 alpinistes.
2015 : l’alpiniste se trouve au camp de base de l’Everest, en marche pour le sommet du mont Lhotse (8516 m), au Népal. Survient le fameux
tremblement de terre qui a dévasté une grande partie des villages sherpas et fait des milliers de mort. Il en sort miraculeusement indemne et participe à la recherche des survivants.
Deux exemples pris dans une liste de mésaventures qui en compte bien plus. Seulement voilà : il a ça dans le sang, la montagne, même si ses multiples expériences lui ont appris à écouter son intuition dans une situation potentiellement dangereuse.
La feuille de route du grimpeur affiche un niveau de défis exceptionnel : l’Everest par la face Nord et Sud, la Couronne des Sept sommets et plusieurs sommets de plus de 8000 m. Il complète même un Ironman, en 2010, pour vaincre sa peur de l’eau. L’alpiniste aventurier est aussi un remarquable conférencier qui parle de « dépassement », de « persévérance » et d’« accomplissement », des objectifs transférables à tous les niveaux, dans la vie de tous les jours.
Te définis-tu comme un alpiniste ou un aventurier?
Mon titre officiel c’est alpiniste-conférencier parce que la montagne est mon terrain de jeu depuis ces derniers 20 ans. Mais j’ai le goût maintenant d’explorer d’autres territoires d’aventures, comme le désert. Je suis fasciné par ce milieu hostile, habité par le peuple des Touaregs. J’aimerais beaucoup y passer un ou deux mois, un jour, et entrer en contact avec eux en vivant une expérience de nomadisme. Je n’ai aucun problème à me trouver dans une situation déstabilisante, dépaysante ou inconfortable. Alors, oui, peut-être que je me définis un peu plus maintenant comme un « aventurier ».
Tu donnes beaucoup de conférences notamment dans les entreprises. Pourquoi ça?
Quand je reviens d’expédition, je suis sous l’urgence de transmettre ce que je viens de vivre par mes récits, mes photos, mes vidéos. J’ai le gout de partager ma passion. Et j’aime beaucoup le faire dans le cadre d’une entreprise surtout quand le boss m’appelle et me dit : « On a un problème à régler. » Cela me permet de mettre mon expérience au profit des autres. Au début de la conférence, les employés me voient un peu comme un héro, mais ils finissent par se retrouver eux-mêmes dans les messages que je leur envoie. Parfois, on m’appelle juste pour une conférence Entertainment, juste parce que les objectifs ont été atteints. Je leur fais bénéficier de ce que l’expédition m’a apporté à moi. Aller « Au-delà de soi » fait partie de mon ADN, je pense.
Tu as embarqué dans l’aventure des Sommets inexplorés sur RDS et Discovery Channel, une Websérie d’une remarquable qualité. Peux-tu m’en parler?
Ça, c’est quelque chose qui m’a vraiment allumé. Après le tremblement de terre, le gouvernement du Népal cherchait à raviver le tourisme en ouvrant de nouveaux sommets à l’attention de la communauté internationale de la grimpe. La reconstruction du Népal doit se faire au-delà des collectes de fonds et des fondations caritatives. Je me suis mis à lire sur le sujet pour trouver comment aider les Sherpas à reprendre leur place dans le territoire. Mes amis, l’aventurier vidéaste Elia Sekaly et le sherpa Pasang Kaji (alias PK), ont participé au tournage qui a duré neuf mois et nous a amenés au Népal, mais aussi dans l’Ouest canadien et au Pérou pour notre entrainement. On a balancé le projet chez Bell Média, ils ont adoré et ont trouvé un partenaire pour financer le tournage. Tout s’est fait naturellement car nous avons travaillé avec des gens passionnés, des producteurs allumés qui ont fait un travail incroyable. La série de 8 épisodes est diffusée présentement.
As-tu l’« instinct de survie », comme le prétend le titre français de ton livre qui vient de paraître?
Mon entourage pense que j’ai plusieurs vies, comme un chat! J’ai appris à être alerte, depuis que je suis petit, en vivant dans une famille de 10 enfants. Mais survivre, c’est aussi vivre encore : c’est traverser les obstacles pour vivre plus intensément qu’avant. Je suis très heureux car mon livre (The Escapist, en anglais) est dans la liste des Best Sellers chez Amazon. L’éditeur Harper Collins y croit beaucoup; c’est l’un des trois titres qu’il a décidé de pousser cet automne. La version francophone (Instinct de survie) est publiée par l’éditeur Guy Saint-Jean, je tenais à ce qu’un éditeur québécois s’en charge. Je suis très heureux de cette collaboration.
Tes prochaines aventures, tu les vois comment?
Je prévois retourner au Lhotse au printemps prochain car mon permis est encore valide jusque là. Et je suis sur le point de lancer une agence d’expés dans une niche très spéciale : des expéditions commerciales autour des 8000 m. Je voudrais faire vivre des expériences hors des sentiers battus, des sommets peu ou pas connus. Des ascension à la croisée entre alpinisme et... aventure.