MONTRÉAL – « Ça nous a appris que le bon vieux ‘Je vais retourner faire un autre shift pour voir...’, ça ne donne rien. Si on les avait renvoyés sur la glace, peut-être que ça nous aurait coûté un mois de plus sans eux. »

 

Cette déclaration de Joël Bouchard, l’entraîneur du Rocket de Laval, ne date pas de plusieurs années, mais plutôt du 3 avril. Même s’il baigne dans le hockey de haut niveau depuis plus de 30 ans comme joueur, entraîneur et directeur général, Bouchard continue d’en apprendre sur les commotions cérébrales.

 

Rien de plus normal puisque même les experts médicaux sur ce vaste enjeu tentent encore d’élucider certains mystères.

 

Heureusement, le fléau des commotions cérébrales est traité avec plus de précaution qu’auparavant. Il n’en demeure pas moins que c’est très éprouvant de composer avec une blessure qui comporte autant d’inconnus.

 

Trois experts (Veronik Sicard, William Archambault et Dr. Dave Ellemberg) reliés à ce domaine ont collaboré à la brillante idée de publier un livre (Commotions cérérables, dix personnalités témoignent, des scientifiques expliquent) pour venir en aide aux nombreuses victimes. Qu’il soit perçu comme du réconfort, une dose d’espoir, un exemple de courage ou une source précieuse d’informations, ce livre, disponible en librairie dès le 15 avril, démontre sa grande utilité.

 

Le projet expose la dure réalité de composer avec une commotion cérébrale via les témoignages de 10 personnalités sportives, médiatiques et artistiques (Martin Bédard, Alexandre Despatie, Marie-Ève Dicaire, Simon Gagné, Heidi Hollinger, Joé Juneau, Élyse Marquis, Isabelle Richer, Marianne St-Gelais et Sébastien Toutant) qui se sont confiées à Diane Sauvé.

 

Cette approche permet d’abord à une victime d’une commotion cérébrale de se reconnaître dans les creux vécus par une personnalité. Le livre devient aussi un outil salutaire pour les proches des blessés qui peinent à comprendre la galère qui se rattache à ce phénomène. De plus, il permet de déboulonner quelques mythes et de répondre à une panoplie de questions pertinentes touchant une foule d’aspects comme la nutrition, les traitements alternatifs et la reprise de l’activité sportive.

 

Simon GagnéLe récit de quelques commotions cérébrales donne froid dans le dos. On n’a qu’à penser à Simon Gagné qui a subi un coup similaire à celui encaissé par Max Pacioretty frappé par Zdeno Chara, à la violente chute de Sébastien Toutant, au casque de Joé Juneau qui a éclaté sous la force d’un impact, à Alexandre Despatie qui a été scalpé par un tremplin et, évidemment, à l’histoire d’Isabelle Richer qui a frôlé la mort.

 

Impossible de se remettre d’une telle épreuve sans avoir de grandes préoccupations. 

 

« Reste qu’à 41 ans, je suis inquiet pour l’avenir. Est-ce que ça va m’affecter plus tard? Je ne peux pas rester insensible aux histoires d’anciens de la LNH qui s’enlèvent la vie ou des retraités du football professionnel qui ne sont plus eux-mêmes. Le film Concussion (Commotion) m’a troublé. Les séquelles peuvent être graves : la maladie d’Alzheimer, le Parkinson précoce, la maladie de Lou Gehrig, l’ETC (encéphalopathie traumatique chronique). Ça fait peur. Très peur même », a confié Gagné qui contribue à amasser des fonds pour la recherche et qui joue un rôle de mentor pour des joueurs actifs de la LNH.

 

Dans le cas de Marie-Ève Dicaire, elle a été sauvée par son entourage. Elle avait grimpé deux fois sur le ring après avoir subi une commotion cérébrale. Un imprévu qui aurait pu engendrer de pires conséquences que celle de rater les qualifications pour les Jeux olympiques de 2016.

 

« Ce que j’ai réalisé dans tout ça, c’est à quel point j’ai été chanceuse d’avoir mon équipe d’intervenants. Je leur dois ma rémission, mais aussi ma carrière. Je n’aurais jamais pu revenir boxer si ce n’avait pas été de leur expertise, de leur ténacité et de leur précieux temps. Le pire, c’est que les membres de mon équipe n’y croyaient pas. Ils me l’ont avoué beaucoup plus tard. Quand ils m’ont prise en charge, leur objectif principal était de me redonner une qualité de vie. Boxer de nouveau? Rien de moins sûr », a raconté celle qui est devenue championne du monde après cette leçon de vie.Claressa Shields et Marie-Ève Dicaire

 

De son côté, Toutant a eu la sagesse de se retirer de la finale d’une compétition importante pour les qualifications olympiques.

 

« Encore aujourd’hui, ça demeure l’une des décisions les plus difficiles de ma carrière. L’enjeu était grand : les Jeux olympiques ! », a-t-il admis.

 

Les experts du livre ont salué sa décision puisque les conséquences d’une deuxième commotion cérébrale peuvent être graves lorsque le cerveau ne s’est pas remis du premier choc.

 

La perspective des athlètes de haut niveau est fascinante, mais ce livre n’aurait pas atteint la cible aussi précisément sans des histoires pouvant arriver au commun des mortels comme celle d’Élyse Marquis.  

 

« C’est comme si j’étais à côté de mon corps. C’était troublant. Tout allait trop vite pour moi. Il n’était pas question de me plaindre. Je me suis mis énormément de pression pour que ça ne paraisse pas. Tout le monde a ses problèmes dans la vie et à chacun de les régler. Je tenais à rester fidèle à moi-même. Alors, j’ai gardé ça pour moi. Pas un mot », a décrit Marquis qui s’est cognée la tête par malchance.

 

Au fil des pages, ce livre démontre que la culture du sport, selon laquelle il était mal vu de se plaindre, doit encore évoluer. Après tout, le risque est énorme car les « données scientifiques indiquent qu’après une troisième commotion, les risques de conséquences à long terme augmentent de façon significative. »

 

Sébastien ToutantCela dit, la véritable conclusion qui en émane, c’est que le corps humain, et particulièrement le cerveau dans ce cas-ci, est une sublime machine de résilience. À condition d’en prendre soin quand une commotion cérébrale vient nous jouer un mauvais tour.