Âgé de seulement 24 ans, Marko Medjugorac était en droit d’espérer que ses prochaines années de tennis de table seraient ses meilleures. Il a toutefois décidé de mettre un terme à sa carrière en mars, essoufflé de devoir se battre pour progresser en tant que joueur.

C’est après avoir raté sa qualification olympique que le pongiste de Sherbrooke a choisi d’accrocher sa raquette. Des résultats qui l’ont déçu et qui l’ont fait songer à son avenir en tennis de table. « J’ai pris deux semaines pour réfléchir et pour évaluer comment je voyais les choses. »

Pour passer à la prochaine étape du processus de qualification, Medjugorac devait remporter un des deux tournois nationaux présentés à Toronto. Le 5 mars, il s’est incliné au deuxième tour devant le futur vainqueur de la journée, Eugene Wang. Le lendemain, le Québécois a baissé pavillon en grande finale face à Jeremy Hazin.

« Je faisais juste ça de ma vie et ça demandait beaucoup d’argent, mais ce n’était pas ça la question. J’avais juste perdu confiance que ça pouvait aller mieux, confie-t-il. Je ne croyais plus que c’était possible de prendre une grosse coche à mon niveau avec l’encadrement qu’on a au Canada versus celui des Européens et des Asiatiques. »

« C’est comme si tu allais à la guerre avec une cuillère alors qu’eux ont des sabres. » - Marko Medjugorac

Au cours de sa carrière, Marko Medjugorac a notamment obtenu une médaille de bronze à l’épreuve par équipe des Jeux panaméricains de Toronto, en 2015. Il a aussi représenté le Canada aux Jeux du Commonwealth à Gold Coast, en 2018, ainsi qu’aux Jeux panaméricains de Lima, en 2019.

Un dur coup

Ses performances dans la Ville Reine lors de la première étape des qualifications olympiques en mars ne sont toutefois pas les raisons premières expliquant sa décision. « Je sentais que je m’en faisais beaucoup pour le politique, pour des points qui ne sont pas liés à mon jeu. Ç’a puisé dans mon énergie et dans ma motivation », explique-t-il.

Après avoir passé six ans à jouer et à s’entraîner en Europe, Marko Medjugorac a quitté la Belgique l’été dernier pour revenir au Québec afin d’avoir droit à un encadrement plus adéquat. « En tant que joueur, tu n’as jamais le même soin quand tu n’es pas chez toi. Un Canadien qui joue bien en Belgique, ça ne change pas grand-chose pour l’entraîneur de l’équipe nationale belge. »

Les choses ne se sont toutefois pas déroulées comme il le prévoyait et la déception s’est davantage fait sentir en janvier lorsqu’il a perdu son brevet de la fédération canadienne, une aide financière d’environ 20 000 $ que Medjugorac touchait annuellement pour payer transport, hébergement et autres dépenses liées à sa carrière.

« Je me suis mis à me poser beaucoup de questions et à revoir tous les sacrifices que j’avais faits au cours des dernières années. Aurais-je dû rester en Europe ? Tout ce que j’ai fait n’était pas suffisant ? »

Pas le premier

Selon Rémi Tremblay, directeur général de la Fédération de tennis de table du Québec, Marko Medjugorac avait encore de bonnes années devant lui, alors qu’un joueur atteint généralement son plein potentiel vers l’âge de 27 ans. Medjugorac n’est pas le premier joueur canadien à tirer sa révérence à un si jeune âge, lorsque le meilleur reste à venir. Pierre-Luc Thériault l’a fait à 22 ans et Alicia Côté a annoncé sa retraite à seulement 20 ans, il y a quelques mois à peine.

Pierre-Luc Hinse, qui a participé aux Jeux olympiques de Londres en 2012, a mis fin à sa carrière en 2013 à 25 ans.

« Il faudrait qu’ils soient plus patients, mais les jeunes n’ont pas nécessairement l’encadrement qu’un athlète de haut niveau devrait avoir non plus », affirme M. Tremblay.

Sans bénéficier de soutien constant tout au long de leur développement, les athlètes prennent plus de temps à atteindre leurs objectifs comparativement à d’autres pays, selon Marko Medjugorac. « J’ai l’impression que tout se fait sur le tard chez nous et pour avoir la patience de se rendre à son peak, il faut vraiment être déterminé », constate celui qui a joué durant 14 ans.

De plus, des joueurs moins expérimentés que lui, de calibre junior, ont eu droit à l’aide financière de Sports Canada, brevet que Medjugorac touchait depuis quelques années.

« Je n’en veux pas à personne et ils méritent cette aide, mais quand j’avais leur âge, on m’a dit que je devais faire mes preuves pour avoir mon carding. J’ai fait le choix de ne pas aller à l’école, de partir pour l’Europe à 17 ans et j’ai montré que j’étais prêt à m’investir, ce que les autres n’ont pas nécessairement eu à faire. »

Rémi Tremblay estime que si l’encadrement était bonifié et que l’aide était offerte plus longtemps aux athlètes, c’est tout le sport qui en sortirait gagnant.

« En ce moment, ça aide et ça avantage les plus jeunes, mais c’est fait au détriment des vétérans. Pour le bien de notre sport, il aurait été préférable que Marko ait son brevet afin qu’il puisse tirer la relève vers le haut. C’est triste pour lui, mais aussi pour le tennis de table au Canada, parce que ça freine le développement. »

« On espère qu’il va revenir »

Du côté de la fédération nationale, le président Adham Sharara assure que ce n’est pas un plan axé sur la jeunesse qui justifie la distribution des trois brevets, mais différents critères que les athlètes doivent satisfaire pour être admissibles.

La Britanno-Colombienne Mo Zhang et l’Ontarien Jeremy Hazin ont chacun eu droit à cette précieuse aide. Pour le troisième et dernier brevet disponible, aucun des athlètes seniors ne répondaient aux critères.

« Dans cette situation, Sports Canada passait aux athlètes de 18 ans et moins. On avait quatre athlètes admissibles chez les juniors et au lieu de trancher, ils se sont séparé le montant à quatre », mentionne M. Sharara, qui voulait éviter toute forme de favoritisme. « C’était ça, ou bien personne n’y avait droit », ajoute-t-il.

Somme toute, Adham Sharara garde espoir de revoir Marko Medjugorac en action. « Il n’aurait pas dû se décourager et on espère qu’il revienne. En raison de la COVID-19, tout le monde a été tenu à l’écart du jeu, alors ça faciliterait son retour à la compétition et il pourrait être des trois ou quatre meilleurs au pays. »

Pour le moment, Medjugorac a rejoint l’entreprise familiale et travaille dans l’immobilier. « J’ai vécu mon premier 1er juillet cette année. Je ne fais pas toujours la même chose, je rencontre des gens, je fais quelques tâches plus physiques aussi. J’apprends aux côtés de mes parents et j’espère les aider », partage-t-il.

Le tennis de table garde une place dans son quotidien, alors qu’il a accepté de donner un coup de main au Club de Sherbrooke à titre d’entraîneur. « Ça fait du bien de revenir dans ça par pure passion. J’avais perdu un peu de l’amour pour le sport. J’espère donner un second souffle au club et voir de futurs champions et de futures championnes en Estrie ! »