Terry Fox, l'histoire d'un héros
Sports divers dimanche, 26 juil. 2015. 10:23 mercredi, 11 déc. 2024. 22:41Le 12 avril 1980. Un jeune homme de 21 ans plonge sa jambe artificielle dans l'océan Atlantique à St. John's, Terre- Neuve. Il se saisit d'une grosse bouteille de verre translucide et l'emplit à moitié de l'eau salée de ce même océan. Après quelques instants de réflexion et des salutations aux quelques rares personnes présentes, il s'élance vers l'ouest, en direction de l'océan Pacifique. Son objectif, traverser le Canada à la course pour recueillir de l'argent pour la recherche sur le cancer tout en sensibilisant la population à cette maladie. C'est le début du Marathon de l'espoir. Ce jeune homme, c'est Terry Fox. Il marquera les esprits et deviendra une fierté nationale et une célébrité internationale.
Le Musée canadien de l'histoire, à Gatineau, souligne cette année le 35e anniversaire de cet héroïque Marathon de l'espoir en présentant, jusqu'au 24 janvier 2016, l'exposition la plus complète jamais tenue sur la course de Terry Fox et son héritage remarquable qui se perpétue encore de nos jours. Je m'y suis rendu avec l'intention initiale d'y jeter un rapide coup d'œil. J'en suis ressorti, plus de deux heures plus tard, complètement sous le choc.
Au tout début de l'exposition, le visiteur est accueilli par une grande projection vidéo de Terry Fox où on le voit courir. Le son de ses pas sur le sol frappe l'imaginaire. On ne peut qu'être silencieux devant un tel acte de bravoure. Le rythme saccadé et régulier de ses pas, mais surtout le toc toc du talon artificiel sur le bitume, nous font comprendre le défi colossal qu'il s'était lancé.
Il faut dire que la famille de Fox s'est montrée très généreuse dans le prêt de différents artefacts et documents d'archives ayant appartenu au héros canadien. La relationniste auprès des médias du Musée canadien de l'histoire, Stéphanie Verner, explique que les responsables de l'exposition ont eu la chance de les côtoyer tout au long du processus de création. « En plus de nous prêter la majorité des objets, ils ont partagé avec nous leurs souvenirs, ce qui donne une exposition avec un caractère beaucoup plus humain et vraiment touchante. Ce fut un privilège pour nous tous ici de travailler sur ce projet. »
Terry Fox
Terrance Stanley Fox est né à Winnipeg, au Manitoba, le 28 juillet 1958 et il a grandi à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. À l'adolescence, il pratiquait de nombreux sports. Ses talents n'échappaient à personne, mais son esprit de compétition et son éthique de travail surtout retenaient l'attention de tous.
En mars 1977, Terry n'a que 18 ans lorsque les médecins découvrent une tumeur maligne à son genou droit, un ostéosarcome, tumeur qui survient principalement chez les adolescents. Sa jambe est amputée de 15 centimètres au-dessus du genou. L'opération est suivie de 16 mois de chimiothérapie. Il est soigné au service d'oncologie pédiatrique et il est bouleversé par la souffrance des jeunes patients, l'angoisse et le chagrin de leurs familles
Sa propre expérience et la souffrance des autres éveillent chez lui la volonté de contribuer utilement à la lutte contre le cancer. Inspiré par l'histoire d'un amputé qui avait couru le marathon de New York, il décide de se lancer dans une course d'un bout à l'autre du Canada dans le but de recueillir des fonds pour la recherche et mieux faire comprendre ce qu'est le cancer. Il amorce sa préparation en février 1979. Durant son entraînement, Terry court plus de 5 000 kilomètres!
Le Marathon de l'espoir
Lorsqu'il amorce sa traversée, son équipe est composée de son meilleur ami, Doug Alward. C'est tout! Une fourgonnette beige, que l'on peut maintenant admirer à l'exposition, leur sert à la fois de résidence, de bureau, de panneau d'affichage et d'odomètre. Même s'il a reçu le soutien officiel de la Société canadienne du cancer, Terry refuse les commandites d'entreprises ou de toute autre association à teneur commerciale, craignant qu'elle détourne l'attention de sa cause.
Il tente de respecter la même routine tout au long de la course : lever à 4 h du matin, course de 12 milles (19 km), sa distance préférée puisqu'il y a peu de circulation; ensuite c'est le petit déjeuner, suivi d'une longue sieste, puis encore de 16 à 19 km de course. Viennent le repas du midi, une courte sieste et encore quelques kilomètres de course pour arriver en fin de journée à un total de 42 km, soit l'équivalent d'un marathon.
Il rencontre ensuite le public, écrit des cartes postales, parle aux médias et prononce des discours lors de réceptions. Enfin, il dîne, écrit dans son journal et se couche tôt après avoir soigné ses maux et ses douleurs souvent intenses, aspirant à se reposer d'un épuisement presque chronique. Ce sera ainsi jour après jour, semaine après semaine.
Dans une bonne partie du Canada atlantique et du Québec, l'intérêt des médias, la réaction du public et les dons sont plutôt modestes. Mais le Marathon de l'espoir commence à atteindre sa vitesse de croisière le 28 juin quand Terry traverse la frontière entre le Québec et l'Ontario. Il est accueilli à Hawkesbury par une fanfare, des milliers de ballons et une foule de 200 personnes.
Il revit cette scène dans presque chaque ville de son parcours grâce au travail effectué en amont par la Société canadienne du cancer. Au moment où le Marathon atteint Toronto, le 11 juillet, Terry est connu de tous et fait l'objet d'une passion nationale en raison de son humilité, de sa ténacité et de son esprit d'abnégation. Les dons commencent à affluer de toutes les régions du pays.
Après avoir couru 5 373 kilomètres en 143 jours, Terry est contraint d'interrompre le Marathon de l'espoir près de Thunder Bay, en Ontario. Il tousse sans arrêt et on constate alors que le cancer qui a mené à l'amputation de sa jambe en 1977 se propage dans ses poumons. Souffrant terriblement et trop affaibli pour continuer, Terry part en avion chez lui, en Colombie-Britannique, pour subir une chimiothérapie et des traitements à l'interféron. C'est couché sur une civière qu'on le voit quitter l'Ontario pour se faire soigner. Réfrénant ses larmes, il promet qu'il reviendra terminer sa course si c'est humainement possible de le faire. Le sort en décidera autrement et il décèdera au Royal Columbian Hospital de New Westminster neuf mois plus tard, le 28 juin 1981, un mois seulement avant son 23e anniversaire, mais cinq mois après avoir atteint son objectif visant à récolter 24 millions de dollars, l'équivalent d'un dollar par Canadien.
Honneurs et distinctions
Durant les dernier mois de sa vie, et ensuite à titre posthume, Terry Fox a été couvert d'honneurs et reconnu par diverses distinctions. Il est le plus jeune canadien à être désigné comme Compagnon de l'Ordre du Canada. La Monnaie royale canadienne a émis une pièce Terry Fox et Postes Canada, des timbres Terry Fox. Le plus grand service de nouvelles du Canada l'a consacré Canadien de l'année en 1980 et 1981. En 1990, le réseau TSN l'a nommé Athlète de la décennie. En 1999, Terry a été proclamé le plus grand héros du Canada lors d'un sondage national. Partout au Canada se dressent des statues de Terry Fox; des écoles et des rues portent son nom, de même qu'une montagne de la chaîne des Rocheuses, en Colombie-Britannique.
Aujourd'hui encore, 35 ans après le début du Marathon de l'espoir, des canadiens de partout au pays s'emploient à poursuivre la quête de Terry Fox. Quelques semaines seulement après sa mort, le 13 septembre 1981, la première édition de la course Terry Fox s'est déroulé dans plus de 760 endroits au Canada et ailleurs dans le monde. L'événement avait attiré 300 000 participants et les organisateurs avaient recueilli 3,5 millions de dollars. Reprise chaque année, la course Terry Fox a donné l'occasion de récolter jusqu'à maintenant près de 700 millions de dollars pour la recherche sur le cancer.
Une exposition incontournable
Il est à souhaiter que le plus grand nombre d'entre nous puisse visiter l'exposition Terry Fox, Courir au cœur du Canada. Mes trois enfants, que j'ai peine parfois à entraîner dans les musées, ont été littéralement happés par celle-ci. Tellement que j'ai du me résoudre à les forcer à quitter pour voir autre chose au bout de près de trois heures de visite. Mon fils de 15 ans y est retourné quelques heures plus tard pour s'assurer d'avoir tout vu!
Il est impressionnant d'observer la fameuse fourgonnette beige du Marathon de l'espoir, le journal personnel de Terry, la bouteille d'eau de l'océan Atlantique à moitié pleine qu'il avait l'intention de verser dans le Pacifique, des coupures de presse et des extraits d'entrevues avec des médias, ses chaussettes trouées et usées à la corde de même que ses souliers bleus.
Et puis il y a cette jambe artificielle, celle de Terry Fox. On ne peut qu'être ému lorsqu'on la voit. Comment a-t-il fait pour courir 5 000 kilomètres en entraînement et 5 373 kilomètres de St. John's à Thunder Bay sur ce bout de bois? On comprend mieux alors le courage et la force de caractère absolument hors-norme qui habitait cet athlète en mission. 35 ans plus tard, grâce à ce récit intime exceptionnel mis sur pied par le Musée canadien de l'histoire, Terry Fox parvient encore à toucher une corde sensible de notre âme. Une corde qui vibrera encore très longtemps. Il occupera toujours une place à part dans notre mémoire collective.