Montréal - Dimanche le 6 mars 2005, l'Hippodrome de Montréal honorera l'ambleur Wayne LA à titre de "Cheval par excellence en 2004". Non seulement ce jeune cheval âgé de deux ans a-t-il conquis le coeur des amateurs par ses performances uniques mais son histoire peu banale ne laisse personne indifférent.

Pour Ronald McBrearty, le sport des courses de chevaux n'est plus qu'un simple divertissement, c'est sa raison de vivre. C'est le baume qui apaise la douleur de la perte d'un être cher. Lorsque son fils Wayne a vu le jour, un défi de taille attendait autant le père que le fils. Suite à une naissance difficile, le nouveau-né est demeuré handicapé, une déficience locomoteur ne lui permettrait pas de se déplacer facilement. Marcher ou courir allait devenir une lourde tâche pour un jeune débordant de vigueur et de désir de vivre. Mais la nature n'avait pas privé Wayne McBrearty de gages de réussite: la détermination et la ténacité.

Dès son jeune âge, Wayne a refusé de se laisser abattre, croyant que la vie mérite d'être vécue. Avec intensité et muni de la même volonté de gagner que ses coéquipiers, il est devenu un joueur de soccer talentueux. Il a même participé à un marathon de course à pied. Il a surmonté son handicap avec courage et entêtement. Du caractère, il en a démontré pour rivaliser avec ses camarades de jeu de la région de Blainville. Un tenace que l'on vous dit!

À l'âge de 12 ans, afin de récupérer son ballon à la rue, le malheur survint. Il fut happé par une auto et il perdit la vie. Pour sa famille, ce fut un choc atroce. Douze années de combat pour vivre et vaincre un handicap venaient de se terminer d'une façon injuste. Wayne n'avait toutefois pas vécu 12 ans sans laisser une leçon de vie.

"C'était un jeune plein de vigueur et surtout d'un courage peu commun. Il fallait le voir dépenser son trop plein d'énergie malgré son handicap. Sa ténacité nous a tous marqués. C'était une force de la nature", de dire d'un commun accord tous celles et ceux qui ont côtoyé le jeune homme.

Tous les parents vous diront que la perte d'un enfant, surtout tragiquement, est probablement l'épreuve la plus difficile à affronter. Pour Ronald McBrearty, la blessure est effectivement lente à cicatriser. Pour y arriver, il porte son dévolu sur les chevaux de courses aux côtés de son neveu, un éleveur à qui il offre une précieuse collaboration.

Quelques années plus tard, lorsque la jument Gigi Ray No donne naissance à un poulain, Ronald demande à son neveu comment s'appellera le poulain. Le neveu affirmant ne pas avoir pris de décision, Ronald rétorque: Wayne Le Tenace!

À l'enregistrement du poulain auprès de Standardbred Canada, organisme canadien de qui relève cette tâche, le nom est refusé puisqu'il ne rencontre pas les critères exigés. Qu'à cela ne tienne, Wayne Le Tenace deviendra Wayne Thetenacious. Il va sans dire que Ronald McBrearty allait avoir dorénavant un attachement particulier pour le poulain, un fils de Yankee Cam.

À l'âge de 18 mois, le poulain est offert à la vente aux enchères de la Coopérative des encans Standardbred du Québec. Wayne Thetenacious fut adjugé à Madame Lorraine Auger pour la somme de 25 000 $. L'expérience fut pénible pour Ronald McBrearty qui perdait une autre fois un complice de tous les jours. Mais cette fois, mince consolation, ce serait pour le voir grandir.

Les acheteurs de poulains préfèrent souvent identifier leurs acquisitions au nom de leur entreprise. Aussi, Ronald McBrearty, qui s'était lié d'amitié avec l'entourage de la nouvelle propriétaire du poulain, a expliqué au père de Madame Auger l'origine du nom du cheval et lui a souligné que, advenant un changement, il apprécierait que le poulain conserve Wayne dans son appellation. Wayne Thetenacious est devenu Wayne LA (pour Lorraine Auger).

Wayne LA a donc pris le chemin de l'écurie de l'entraîneur Michel Coutu, celui qui allait lui inculquer les rudiments de la course, et comme beaucoup de jeunes chevaux, il a connu des hauts et des bas tout au long de son apprentissage. Mais il n'allait tout de même pas faire rougir celui en l'honneur de qui il portait le nom. D'autant plus qu'il pouvait compter certainement sur ses grâces.

Le 19 juin 2004, Wayne LA fait sa première apparition en piste, à l'Hippodrome de Montréal, et il remporte facilement une course de qualification. Il est sur le bon chemin. À son premier départ officiel, il prend la troisième place et par la suite, il a remporté 10 de ses 11 départs suivants. Il a terminé l'année avec un dossier de 10-1-1 en 12 départs pour des gains de 112 160 $. Et à chacun de ses défis, Ronald McBrearty était là comme il le faisait avec son fils Wayne lors de compétitions sportives.

Wayne LA est devenu la coqueluche de sa catégorie et vendredi le 27 août, une semaine avant de remporter la Coupe de l'Avenir, emblème de la suprématie chez les jeunes chevaux, il a atteint son apothéose. Poussé par une énergie débordante, il a arrêté le chronomètre à 1:51.4, un chronométrage jamais réalisé par le passé à l'Hippodrome de Montréal par un poulain ambleur de deux ans. Cette performance frénétique lui a valu plusieurs fleurons à sa couronne: record de piste, record de saison au Canada et record de vitesse pour un cheval de deux ans issu de l'élevage québécois.

Le nom de Wayne LA est maintenant sur toutes les lèvres. Il fait partie de la richesse de tout l'élevage de chevaux de courses au Québec. Bref, il est la vedette de sa catégorie. À un point tel que l'Hippodrome de Montréal en a fait son "Cheval par excellence en 2004". Et pour un cheval qui n'est qu'au printemps de sa carrière, c'est tout un honneur.

Aujourd'hui, Wayne LA mérite un repos avant d'entreprendre une nouvelle saison d'ici quelques semaines. Les attentes seront énormes en 2005, il va de soi. Mais à deux, c'est toujours mieux. Car si les ennemis des Canadiens de Montréal redoutaient les "Fantômes du Forum", les adversaires de Wayne LA devront, eux aussi, vaincre l'ange qui veille sur lui...Wayne le Tenace!