TOULOUSE (AP) - Michel Fournier se prépare au "Grand saut": cet ancien militaire, parachutiste et sportif de haut niveau, compte basculer dans le vide à 40 000 mètres d'altitude, pour tenter de franchir le mur du son en chute libre, c'est à dire dépasser la vitesse de Mach 1.

S'il devient le premier homme à franchir ainsi le mur du son, Michel Fournier, qui a présenté jeudi son projet au cours d'une conférence de presse à la Cité de l'Espace de Toulouse, battra par la même occasion quatre records du monde: ceux de vitesse et de temps en chute libre, ceux d'altitude de saut en parachute et de vol humain sous un ballon.

Ce défi, qui pourrait paraître insensé, est mûrement réfléchi et préparé depuis plus de dix ans, et devrait avoir lieu dans l'hémisphère nord, en mai ou septembre prochains, selon les conditions météorologiques. Michel Fournier, qui fêtera ses 57 ans le 4 mai, souhaiterait réaliser sa tentative aux alentours de son anniversaire.

Il prendra place à bord d'un ballon stratosphérique transportant une nacelle fermée, pressurisée, oxygénée et munie de quatre caméras. Il lui faudra trois heures pour atteindre le plafond de 40.000 mètres, pour ensuite redescendre, équipé d'une combinaison spéciale et de deux caméras, en huit minutes et demie.

Trente secondes après s'être laissé basculer, il devrait passer le mur du son et, au bout de six minutes et 25 secondes de chute libre, il ouvrira son parachute.

Pour ce "Grand saut", il a fallu mettre au point une combinaison à triple épaisseur, de la laine, un équipement pressurisé, une surcouche isolante qui puisse protéger le corps également contre le froid encore accru par la vitesse (moins 100 degrés pendant 10 minutes).

En 1988, le lancement d'un mannequin équipé de capteurs à 40.000m d'altitude avait permis d'observer qu'à cette hauteur (où la masse volumique de l'air est beaucoup plus faible que l'atmosphère terrestre), un objet va certes très vite, mais le franchissement du mur du son n'entraîne pas d'onde de choc aussi forte qu'un avion à basse altitude.

L'idée du "Grand saut" est née en 1987 sous le nom de S38 (à l'origine, un saut de 38.000 mètres d'altitude) appuyé par le ministère de la Défense. Michel Fournier a repris à titre privé ce projet abandonné en 1989, qui doit permettre de battre notamment le record de Kittinger en 1960 (31.000 mètres d'altitude et 0,9 Mach).

"Ce saut devait, à l'origine, participer à l'élaboration d'un équipement de sauvetage des astronautes en cas d'expulsion au décollage. Maintenant, il aura surtout pour but d'aider à la sécurité des vols stratosphériques", a-t-il expliqué.

Passionné depuis tout petit par l'aviation, ce lieutenant-colonel à la retraite a fait le choix très tôt de s'engager dans l'armée, mais dans celle de Terre. A défaut de pouvoir piloter, il devient parachutiste, tout en pratiquant une multitude de sports (pentathlon, tir Olympique, marathon...). Il compte à son actif plus de 8.200 sauts en parachute, dont une centaine à très haute altitude, et est titulaire du record de France de saut en chute libre à 12.000 mètres.

Parfaitement sûr de sa condition physique, grâce à un suivi médico-physiologique très poussé et un entraînement spécifique (musculation, footing, yoga, nombreux sauts, passages en caisson à basse pression et en chambre thermo-physiologique), Michel Fournier est plus impatient qu'angoissé "de réaliser ce rêve, qui sera à la fois un grand plaisir et un petit pas pour la science, pour la connaissance du corps humain dans de pareilles conditions".

Il a déjà récolté 3,28 millions d'euros (21,5 millions de ff) de différents sponsors et il ne lui reste plus qu'à trouver encore un million (152.449 euros) pour acheminer son équipe logistique.