MELBOURNE (AFP) - C'est avec une logique implacable que Roger Federer a remporté dimanche à l'Open d'Australie son dixième tournoi du Grand Chelem, sans qu'aucun de ses sept adversaires n'arrive à lui ravir le moindre set.

Voilà qui est nouveau. Sur la route qu'il emprunte quotidiennement pour se rapprocher du titre de meilleur joueur de tous les temps, le Suisse n'avait encore jamais remporté un majeur sans perdre un set.

Après cet énième exploit, on pourrait donc croire que le fossé qui le sépare de ses contemporains s'est encore élargi. A voir la correction infligée à Roddick, les difficultés de Nadal ou l'impuissance de Fernando Gonzalez, son valeureux adversaire en finale (7-6, 6-4, 6-4), la thèse prend effectivement du poids.

Car aujourd'hui Federer ne fait plus du Pete Sampras, un de ces modèles et cousins de jeu, mais du Bjorn Borg, qui remportait les tournois du Grand Chelem de manière clinique et qui était d'ailleurs le dernier à ne pas avoir cédé un set en route, en 1980 à Roland-Garros.

A 25 ans, Federer est plus que jamais bien placé pour dépasser tous ses prédécesseurs au livre des records. A commencer par Borg, qui ne possède qu'un majeur de plus, en attendant d'effacer le record de quatorze victoires de Sampras.

Reste Roland-Garros

S'il continue au rythme de trois titres du Grand Chelem par an, Federer aura fini le travail dans deux ans. Si, entre-temps, il arrive à remporter pour la première fois Roland-Garros, il n'aura peut-être même pas besoin d'attendre jusque-là pour devenir définitivement le plus grand de tous.

Son "parrain", la légende australienne Rod Laver, en est d'ores et déjà persuadé. Sa "victime" en finale, Fernando Gonzalez, aussi. "Il est sur la voie de devenir le meilleur. Il rend le tennis très simple et quand il a une chance il la saisit. S'il peut gagner Roland-Garros? Bien-sûr!", estime le Chilien qui, après son parcours à Melbourne, pointera au 5e rang mondial dès lundi.

Après sa 36e victoire de rang (nouveau record personnel), Federer a une nouvelle fois tempéré les ardeurs. Mais il a aussi glissé qu'il était "plus motivé que jamais" et qu'il ne comptait pas prendre sa retraite "avant les JO de Londres" en 2012. Il comptera alors peut-être vingt titres du Grand Chelem.

Sa suprématie actuelle s'explique par plusieurs facteurs. La première raison tient évidemment à son talent. Mais des joueurs comme ça, il y en a d'autres. Sans le physique qui va avec, la meilleure main ne sert à rien.

Or Federer a un corps idéal pour la pratique du tennis: grand mais pas trop (1,85 m), souple et léger. Là-dessus, il s'est forgé une condition physique irréprochable qui lui permet d'être à la fois rapide et endurant, puissant et fluide. Il possède également un jeu de jambes quasi parfait.

Révolution

Avec son style de jeu économique, il ne brusque rien et planifie tellement bien ses saisons qu'il n'a plus été blessé depuis plus d'un an.

La troisième raison de sa suprématie vient de son mental et il l'a encore montré dimanche en finale en faisant fi de deux balles de premier set sur le service de Gonzalez.

Contrairement à un Nadal, qui compte déjà deux Roland-Garros à son tableau de chasse à seulement 20 ans, Federer a mis du temps à s'installer dans les tous meilleurs.

Comme beaucoup de surdoués, il lui arrivait de balancer des matches lorsqu'il ne jouait pas aussi bien qu'il estimait être capable de le faire. C'est sans doute sa plus belle réussite d'avoir réussi à faire sa révolution pour devenir le joueur tout en maîtrise qu'il est aujourd'hui.

"J'ai gagné mon premier Masters Series à Hambourg en 2002. Ce fut une étape cruciale, raconte-t-il. Après il me fallait encore une performance en Grand Chelem, genre une demi-finale. C'est arrivé en 2003 à Wimbledon où j'ai même pu aller au bout. Après, je n'ai plus jamais regardé en arrière."