Sur papier, impossible de ne pas piaffer d'impatience pour cette finale entre le roi de l'ocre Rafael Nadal et le numéro 1 mondial Novak Djokovic. Depuis la demie à Madrid, le Serbe est redevenu déterminé, combatif et cosmique. Pour sa part, depuis le début de la grande saison sur terre battue à Monte Carlo, l'Espagnol cherche désespérement à retrouver son meilleur niveau, ce qui l'amène plus souvent qu'autrement à tenir le trophée du vainqueur à bout de bras en fin de tournoi. Mais jusqu'ici il est bredouille alors qu'il est stoppé trois fois de suite en demi-finale.

Très en appétit donc depuis le début du tournoi, ses premières victimes sont forcées de se contenter de miettes seulement. Jeremy Chardy et Nikoloz Basilashvili ne gagnent qu'une maigre partie chacun. Fernando Verdasco qui bat Dominic Thiem et Karen Khachanov, deux gros morceaux, a toutes les chances du monde d'arracher le premier set à Nadal mais passe à côté du moment. Tout comme les deux sbires avant lui, sa punition sera de perdre le second set 6-0. Il s'agit d'une troisième roue de bicyclette en trois rencontres pour Rafa, assez révélateur merci!

Dans le carré d'as, Nadal a une revanche à prendre. Oh comme il déteste perdre contre les jeunes de la nouvelle génération et Stefanos Tsitsipas avait été tellement volant et mordant à Madrid que le 2e mondial n'avait pas les premiers rôles. Cette fois-ci à Rome, Nadal trouve le fil conducteur en ouvrant le terrain et en utilisant son coup droit matraque pour finir le point. Les conditions rapides de Madrid permettaient au Grec de passer à l'attaque avec aisance avec son coup droit mais à Rome avec l'humidité en plus, il n'est pas si facile de déjouer señor Nadal qui a fait beaucoup, beaucoup de gammes à l'entraînement et qui mouline les jambes plus facilement maintenant. À sa décharge, Tsitsipas joue un troisième tournoi de suite après le titre à Estoril et la finale à Madrid. C'est déjà extraordinaire qu'il enchaîne avec une demie à Rome après cette folle débauche d'énergie. Visiblement, il manque de fraîcheur et lucidité cette fois-ci face à l'Espagnol. Il voulait jouer beaucoup avant Roland Garros, mission accomplie alors et je suis certaine qu'il sera à surveiller à Paris dans moins d'une semaine.

Pour une première fois cette année, Novak Djokovic se retrouve en finale pour un deuxième tournoi de suite. Enfin une période de stabilité et d'excellence pour le numéro 1 mondial. Heureusement qu'il s'économise en début de tournoi face à Denis Shapovalov et Philipp Kohlschreiber puisque la suite des choses devient incroyablement compliquée! Juan Martin Del Potro livre un match d'anthologie et se procure même deux balles de match à 6-4 au bris d'égalité de la 2e manche. L'Argentin rate l'immanquable avec son coup droit sur la première balle de match en plus de rater trois balles de bris en début de troisième manche.

Peu importe ce qui lui arrive, Djokovic est imperturbable, lucide, audacieux et très en jambes, ce qui se traduit par une couverture de terrain incroyable. Il nous montre pendant plus de trois heures du jeu d'une qualité inouie. Même scénario aussi en demie face à l'autre Argentin Diego Schwartzman. Novak est brillant avec ses angles, attaques et amorties. Mais l'adversaire s'ajuste et prend même une autre dimension pour pousser Djoko dans ses derniers retranchements. Là où le Serbe m'impressionne, c'est lorsqu'il accepte le défi de souffrir pour aller chercher la troisième manche et le match. Donc tout près de 6 heures de jeu de très, très haut niveau en moins de 48 heures. C'est beaucoup avant une finale qui sera jouée le jour dans des conditions différentes.

D'ailleurs, au premier set en finale aujourd'hui, Novak est une bien pâle copie du compétiteur féroce qu'il est redevenu et cela se comprend. Il faut dire que Rafa a bien des choses à prouver face à celui qui l'a battu 13 fois lors des 16 derniers matchs. Alors que Roland Garros est à nos portes, Nadal a tellement travaillé et sué un bon coup pour retrouver ses armes, glissades et confiance sur cette surface. Il est prêt, frais comme une rose et déterminé à retrouver le haut du pavé. Pour une 4e fois cette semaine, c'est au tour de Novak de devoir avaler un bagel : 6-0 premier set! Nadal distribue les caramels de tout bord, tout côté. Bing, bang, pif, paf, attention Nadal est armé et dangeureux!

Je ne sais donc pas pourquoi, Rafa devient poussif au 2e set. D'où vient toute cette nervosité? Est-ce le fait de trop vouloir gagner qu'il devient si tendu? Il se procure quatre balles de bris dont trois de suite à 3-3 sans pouvoir en profiter. Bizarre quand même que son jeu change autant d'une manche à l'autre. Oui, Djokovic s'implique plus surtout lorsqu'il réalise que Nadal n'a pas la même qualité de balles dans l'échange. Nadal finira par gagner parce qu'il est plus en jambes que Djokovic. Le Serbe ne me donne pas l'impression de vouloir y mettre toute la gomme au troisième set pour aller chercher la victoire. Mais attention à Roland Garros, soyez assuré que Djokovic poussera la machine à fond pour rentrer dans la tête de TOUS ceux qu'il aura sur son chemin!!!

Un mot sur Denis Shapovalov et Félix Auger-Aliassime. Denis est merveilleux lorsqu'il produit son tennis explosif. Le problème c'est que contre les meilleurs, c'est difficile de jouer ainsi sur une base régulière. Notre blondinet se décourage et devient une pâle copie du merveilleux tennisman que l'on connaît. Il faut aller chercher de l'aide pour corriger cela parce que déjà ça fait quelques fois que cela arrive. Du côté de Félix, il n'y a pas de honte à perdre en trois manches devant le 15e mondial Borna Coric qui bouge si bien sur terre. D'ailleurs, Coric aurait dû battre Roger Federer au 3e tour puisqu'il s'est offert deux balles de match donc loin d'être manchot le Croate. Mais il faut continuer de faire beaucoup de paniers de balles pour que la 2e balle de service de FAA ne le laisse pas tomber lorsque la pression est grande. Le reste consiste à rester vaillant à l'entraînement et de prendre de l'expérience à ce si haut niveau.

Allez, on se donne rendez-vous à la Porte d'Auteuil dimanche prochain pour le début du 2e Grand Chelem de l'année! Woo-woo!