Roger Federer est un homme à part. Qui, outre lui, peut à 35 ans s'absenter du circuit pendant 6 mois et revenir plus fort que tous les autres qui se sont arrachés en compétition pendant tout ce temps? Pas un tournoi d'importance il gagne à son retour, mais trois de suite en début d'année : Melbourne, Indian Wells et Miami. On s'est émerveillé, cela a beaucoup alimenté les conversations et soudainement Roger Federer prend une autre dimension : l'homme qui se réinvente donne aussi de l'espoir partout où il passe.

Mais encore plus impressionnante cette décision en plein milieu de l'année de zapper complètement la saison sur terre battue qui s'échelonne principalement du milieu avril à Monte Carlo jusqu'à Roland-Garros le 11 juin. Bien qu'il soit très sage de prendre un temps d'arrêt pour se reposer de cette débauche soudaine d'énergie, il se retire pendant deux mois et demi pour se préparer à piqueniquer sur herbe. Cela prend beaucoup de courage pour oser s'arrêter en plein milieu de l'année. Cela prouve jusqu'à quel point Roger a confiance en ses moyens.

Il se prépare donc pendant plusieurs semaines de façon très spécifique pour exceller dans le jardin du roi. Le temps est venu de commencer plus tôt que tous les autres à faire des exercices spécifiques pour rendre les adducteurs, les abducteurs, les quadriceps plus forts, réapprendre à courir en étant bas, pas aérien, toujours se souvenir de garder des petits appuis dans la course  tout en étant pas trop écarté à la frappe. Il faut aussi faire appel à sa mémoire et se souvenir que sur herbe il ne faut pas trop se prendre au sérieux, que l'aspect ludique reste important et que ça prend une petite tranche de chance pour se sauver avec la victoire sur certains matchs.

Autre élément de grande importance durant la quinzaine, Federer est efficace et précis au service et opportuniste en retours. Bien positionné plus proche de la ligne de fond tout en coupant les longues préparations, il prépare tous les aspects du jeu sur herbe sans oublier ceci, qui fait toute la différence : pour exceller sur herbe, IL FAUT AIMER ÇA! Il ne faut pas se battre avec cette surface si particulière, il faut l'accepter, vivre avec et la comprendre.

Aujourd'hui en finale, Marin Cilic est le meilleur en début de rencontre. Roger est nerveux et tendu mais il a la justesse de sauver la seule balle de bris que le Croate s'offrira à 2-1 premier set. Tout de suite après avoir survécu à ce moment délicat, Federer lui arrachera son service trois fois pour se forger une belle avance de 6-3, 3-0. Le match est soudainement à sens unique et surtout n'a plus aucune saveur tellement Cilic n'arrive plus à remettre la balle en jeu.

Au changement de côté, il fond d'ailleurs en larmes, tellement déçu de son manque de moyens pour gérer son jeu et cette douleur sous le pied gauche qui le tenaille. J'ai l'impression que Cilic voulait trop donner une autre tranche de bonheur aux gens de son pays et à son clan. Il s'est mis trop de pression sur les épaules. C'est quand même très rare qu'un joueur pleure après un set et trois parties. Le pauvre est au bout du rouleau. Il ne faut pas oublier qu'il a joué 4 h 32 de plus que Federer durant la quinzaine.

Cilic va bien tout tenter au troisième set, mais le mal est fait. Roger le magnifique gagne Wimbledon pour une huitième fois, le seul à remporter autant de couronnes au All England. Il s'agit également d'un 19e Grand Chelem dépassant Chris Evert et Martina Navratilova. C'est fantasmagorique!

Au-delà des exploits, Roger Federer sème la joie et le bonheur. Plus on veillit, plus on réalise que dans la vie cela prend un peu de talent, beaucoup de travail et énormément de constance pour exceller. Personne ne s'est préparé mieux que Federer pour jouer les deux Grands Chelems qu'il a remportés cette année. Il nous rappelle aussi que l'âge n'est qu'un chiffre et que dans la vie, quand on y croit et qu'on prend les moyens, RIEN n'est impossible. Merci Roger, cela m'interpelle grandement quand je te vois gambader comme un p'tit jeune. Non seulement tu es un cadeau du ciel mais tu nous donnes à tous aussi le goût de vieillir en beauté...