PARIS (AFP) - Roger Federer atteindra le sommet absolu du tennis, détenir les quatre tournois du Grand Chelem en même temps, s'il triomphe de Rafael Nadal dimanche en finale de Roland-Garros.

Certes le Suisse ne serait que le troisième à remporter à la suite les quatre "majors" - Wimbledon, l'US Open, l'Open d'Australie et le "French Open" - après Donald Budge (1938) et Rod Laver (1962, 1969).

L'Américain et l'Australien avaient même accompli cette prouesse dans le cadre d'une année calendaire, ce qui constitue à proprement parler le Grand Chelem, alors que Federer la réussirait à cheval sur 2005 et 2006.

Mais la mondialisation du jeu et la diversification des surfaces, survenues dans les années 70, donneraient à son exploit une dimension unique.

La concurrence s'est considérablement intensifiée sur le circuit par rapport au temps où les Etats-Unis et l'Australie se partageaient l'essentiel des titres. Au dernier classement ATP, les 20 premiers mondiaux venaient de 13 pays différents.

Jusque dans les années 60, trois des quatre levées du Grand Chelem se disputaient sur gazon. En dominant les débats sur une seule surface, un champion avait déjà fait les trois-quarts du chemin, alors que les prétendants modernes doivent s'imposer sur quatre terrains totalement différents: le gazon (Wimbledon), la terre battue (Roland-Garros), un dur plutôt rapide (US Open) et un autre plutôt lent (Australie).

Nadal favori

L'envergure de l'exploit à portée de la raquette de Federer donne une idée de l'énormité de la pression qui pèse sur ses épaules. Le Bâlois est trop féru d'histoire du tennis pour convaincre entièrement lorsqu'il affirme que tout ira bien tant qu'il gagnera à Wimbledon, le tournoi qu'il place au-dessus de tous les autres.

Federer, sept fois titré en Grand Chelem mais jamais à Roland-Garros, va avoir 25 ans, l'âge où des champions comme John McEnroe, Mats Wilander ou Bjorn Borg ont remporté leur ultime tournoi du Grand Chelem et rien ne dit qu'il aura encore 36 occasions de briller à Paris. Et pour couronner le tout le Suisse n'est pas favori face à Nadal, qui mène 5 à 1 dans leurs face-à-face et reste sur un record de 59 victoires consécutives sur terre battue.

Les deux ogres du circuit, N.1 et N.2 mondiaux, se sont déjà rencontrés à trois reprises cette saison, pour des rencontres qui, à chaque fois, ont tourné en faveur de l'Espagnol. Par rapport à leurs deux précédents affrontements sur terre battue, à Monte Carlo et à Rome, les données n'ont pas fondamentalement changé.

Phénoménale résistance

Federer a passé beaucoup moins de temps sur le court, mais rien ne dit que l'élément physique puisse jouer en sa faveur dimanche. Nadal est précisément réputé pour sa phénoménale résistance et ses deux derniers matches, contre Novak Djokovic en quarts de finale et Ivan Ljubicic en demie, ont été les plus courts de sa quinzaine.

Le Majorquin, 20 ans, a donné l'impression de monter en puissance au fil des tours, alors que le Suisse a connu une alerte très sérieuse en demi-finale contre l'Argentin David Nalbandian, contraint à l'abandon après avoir dominé pendant un set et demi.

La tactique qu'emploiera Federer ne fait guère de doute. Il s'agira d'agresser Nadal sur son revers et de tenter le plus possible de terminer les points au filet, pour éviter que l'adversaire ne dicte le rythme du match avec ses grands lifts de gaucher du fond du court.

Le défi équivaut à réussir des acrobaties sur un fil tendu pendant plusieurs heures, en sachant qu'au moindre faux-pas un rouleau-compresseur lui passera sur le corps.

A Rome, le N.1 mondial avait approché la perfection face à un Nadal jouant souvent trop court, et pourtant cela n'avait pas suffi... à un point près.