Quel beau défi représente d'affronter Stefanos Tsitsipas présentement. Titré pour une première fois en Masters 1000 la semaine dernière à Monte-Carlo, le Grec étale sa science du jeu avec stabilité et confiance. D'ailleurs, certains chiffres ne mentent pas et surtout, démontrent immanquablement qu'il est le meilleur joueur du moment. Celui que l'on surnomme affectueusement le « dieu grec » est numéro un mondial au classement de la course et qui ne tient compte que des résultats de l'année en cours.

Aujourd'hui en quarts de finale, j'avais bien hâte de voir quelle stratégie Félix Auger-Aliassime utiliserait pour essayer de le contrer. Je vous rappelle que ces deux-là ont déjà une belle histoire alors que FAA a remporté les trois face-à-face chez les juniors, et ce, même s'il est deux ans plus jeune que Stefanos. Chez les pros, FAA conserve sa supériorité face au Grec en gagnant les deux premières rencontres, mais s'incline lors des trois dernières. Crève-cœur cette année à Acapulco alors que les deux hommes sont nez à nez au 3e set avant que Félix offre le bris à la toute fin en raison d'erreurs bien malvenues.

La bonne nouvelle cependant, c'est qu'à chaque tournoi, une nouvelle histoire peut s'écrire. Comme c'est le cas pour chaque personne, peu importe le métier, c'est toujours comment on réagit après un échec qui fait toute la différence. Souvenez-vous de Tsitsipas à Miami qui voulait tellement gagner en quarts de finale qu'il a pèté les plombs lorsqu'il a perdu son avance face à Hubert Hurkacz. Après réflexion, il s'est présenté dans la Principauté avec un désir toujours aussi grand d'exceller, mais cette fois en mettant plutôt l'accent sur le contrôle de ses états d'âme. Les résultats sont probants et je dirais même que je ne l'ai jamais vu aussi brillant pour museler tous ses adversaires. 

Et Félix lui, où en est-il côté confiance? Difficile à dire. Ce que l'on sait c'est qu'à Monaco face Christian Garin, il avait mainmise sur le premier set, mais l'a échappé. Cette semaine à Barcelone, il est super nerveux après un début de match échevelé, mais réussit tout juste à se garder la tête hors de l'eau face à  la jeune merveille Lorenzo Musetti. L'italien se blesse au dos au milieu du 2e set ce qui permet à Félix d'avancer dans le tableau en trois manches.

En ronde des 16, c'est Denis Shapovalov qui l'attend. Au tour précédent l'Ontarien démontre par moments toute son explosivité et supériorité face à Jeremy Chardy. En fait Shapo aurait dû gagner 6-1, 6-1, mais se perd puisque son existence est à nouveau pourrie par de mauvais lancers de balles au service. Bon, il gagne quand même en deux sets mais cela crée de l'instabilité dans son jeu.

À un point tel que face à Félix, Denis perd son service à trois reprises dans le premier set et à chaque fois sur une double faute!!! Les choses ne s'arrangent pas au début du 2e set pour Shapo qui laisse filer son service pour une 3e fois de suite. Cependant du côté de Félix, je lui lève mon chapeau parce que dès le départ du match, c'est évident qu'il est le patron, que c'est lui qui imposera son jeu. On le voit dans son attitude, ses choix tactiques et de la manière qu'il exécute. Il le provoque et reste aux aguets jusqu'à la dernière balle pour s'assurer que Denis ne puisse pas renverser la situation.

Or donc, j'étais bien contente de réaliser qu'il s'est présenté aussi sur le terrain avec une attitude de conquérant aujourd'hui en quarts face à Tsitsipas. Après une excellente partie au service, Félix s'offre trois balles de bris de suite. La porte est ouverte et il faut en profiter, car Stefanos est fébrile. Malheureusement Félix n'arrive pas à allier puissance et contrôle pour se donner le départ canon tant espéré.

Après avoir évité le bris, le Grec étale son jeu avec précision, régularité et confiance pour finalement l'emporter 6-2, 6-3. Et c'est bien cela la différence entre les deux protagonistes. Tout ce que Tsitsipas entreprend, il le fait avec une très haute dose de conviction. Parfois dans ce match, Félix a démontré qu'il possède lui aussi des schémas de très haut niveau, mais pas toujours sur un bon fond de régularité. C'est une chose de posséder de la puissance, mais il faut savoir la contrôler. Félix  a donné trop de points aujourd'hui. Je crois que plus il prendra de l'expérience et qu'il se développera une identité propre à sa personnalité sur le terrain et qu'il y croira à 100%, il avancera. Lentement pour les derniers échelons, mais surement.