PARIS (AP) - Le tennis masculin vivra dimanche un vrai tournant avec le choc attendu entre Roger Federer et Rafael Nadal en finale de Roland-Garros. Car cette finale pose beaucoup de questions auxquelles le génie suisse et la force de la nature espagnole ne pourront répondre que sur le court.

Rod Laver sera-t-il encore, la semaine prochaine, le dernier joueur à avoir remporté les quatre tournois du Grand Chelem d'affilée? Ou Roger Federer lui aura-t-il ravi ce titre de gloire, 37 ans après?

Yannick Noah restera-t-il le dernier attaquant à avoir triomphé de la terre battue parisienne? Ou l'actuel numéro un mondial aura-t-il mis fin à cette malédiction des serveurs volleyeurs Porte d'Auteuil?

Parce que les amateurs de tennis aiment les chiffres, l'histoire et les statistiques, leur coeur penche pour Federer. Gagner à Roland-Garros son huitième tournoi du Grand Chelem serait un pur exploit et ouvrirait au Bâlois, à 24 ans, la voie d'une carrière sans égale.

"Je me suis créé l'occasion d'y arriver", commentait-il calmement après sa demi-finale contre David Nalbandian, à la fois satisfait du devoir accompli et conscient que cette occasion ne se représenterait sans doute pas si souvent.

S'il gagnait dimanche, Federer ne ferait pas que rejoindre Laver ou Donald Budge, il vengerait les Pete Sampras, John McEnroe, Jimmy Connors, Boris Becker ou Stefan Edberg, tous incapables de s'imposer à Paris.

Il éclipserait Ivan Lendl, Mats Wilander ou même Bjorn Borg, qui avaient tous un tournoi talon d'Achille.

Pour la grandeur de l'exploit et la beauté du jeu, Federer ferait un vainqueur idéal. Et c'est sans doute ce que voulait dire le Croate Ivan Ljubicic après sa défaite en demi-finale contre Nadal: "J'aimerais voir Roger gagner. Comme tout le monde, je pense, parce que ce serait bien. Il est sans doute le meilleur joueur de tennis de tous les temps et ce serait bien de le voir soulever le trophée ici."

Mais l'histoire récente du tournoi et d'autres statistiques, peut-être moins spectaculaires mais tout aussi parlantes, plaident en faveur de Nadal, qui a fêté ses 20 ans à Paris.

Le jeune Majorcain a porté sa collection de victoires sur terre battue à 59 d'affilée, effaçant des tablettes Guillermo Vilas. Il ne connaît pas la défaite à Roland-Garros. Il est de cette lignée de cogneurs espagnols qui, depuis 20 ans, de Sergi Bruguera à Juan-Carlos Ferrero, en passant par Carlos Moya et Albert Costa, trustent les succès sur l'ocre de la Porte d'Auteuil. Et de tous, il est sans doute le plus doué, le plus complet, le plus puissant et le plus fort.

Les trois grands combats que les deux hommes ont livré sur la surface ces deux dernières saisons, Nadal les a tours remportés. A Roland-Garros l'an dernier en demi-finale, à Monte-Carlo puis à Rome cette année.

Chaque fois, dit-on, Federer est passé plus près de la victoire. Mais pour l'heure il n'a trouvé la solution qu'une fois en six tête à tête, à Miami, sur surface rapide.

Alors qui?

"Il ne gagnera pas toute sa vie", ont répété à l'envi les victimes successives de Nadal à Paris. L'Espagnol lui-même le rappelle sans cesse: "Ce qui est normal, c'est de perdre, pas de gagner."

Pour tenter de trouver des critères objectifs, les experts avancent que Nadal a passé quatre heures et demie de plus sur les courts que Federer cette quinzaine. Qu'il a paru moins flamboyant, moins tranchant.

Et avant même que le tournoi débute, les deux meilleurs joueurs du monde avaient déjà échangé des balles.

Federer: "C'est le tenant du titre, il m'a toujours battu sur terre. C'est donc lui le favori."

Nadal: "Il est le numéro un, et moi le numéro 2, c'est moi qui doit tenter de me rapprocher de lui et non l'inverse."

Disons pour les mettre d'accord que Federer est le favori du coeur et Nadal celui de la raison.[[PUBPC]]