PARIS - Une double page s'est tournée samedi à Roland-Garros, où deux des personnages qui ont écrit les plus beaux chapitres de l'histoire récente du tournoi ont fait leurs adieux à la terre battue parisienne.

Ils l'ont fait chacun à leur manière, à la fois proche et dissemblable, mais Justine Henin et Gustavo Kuerten ne se présenteront plus à Paris dans les années à venir la raquette à la main.

Pour la reine belge de la terre battue de la décennie écoulée, victorieuse en 2003 et ces trois dernières années, la décision est intervenue avant le tournoi. Et elle ne reviendra pas dessus.

"Si j'avais le sentiment que j'étais au bout du chemin, pourquoi jouer ce tournoi encore une fois?", a-t-elle lancé lors d'une dernière conférence de presse.

'Guga', pour sa part, a décidé de faire durer le plaisir, ou la douleur, un match de plus. Car c'est un joueur diminué, miné par des blessures répétées à la hanche, qui affronte dimanche Paul-Henri Mathieu sur le central. Bien loin du triple vainqueur flamboyant de 1997, 2000 et 2001.

"Demain (dimanche) sera certainement mon dernier match, on verra", a-t-il estimé, sans illusion, n'ayant obtenu le droit de participer une dernière fois au grand tableau que sur invitation des organisateurs.

On peut difficilement imaginer deux joueurs plus différents que le Brésilien souriant et fantasque et la jolie blonde un peu froide, aussi déterminée qu'émotive. Et pourtant, les points communs sont plus nombreux qu'il n'y paraît.

Tous deux ont dû surmonter un handicap de taille pour s'illustrer au plus haut niveau du tennis. 'Guga' a franchi un cap culturel, issu d'un pays sans tradition tennistique, et ses premières années, en junior puis en qualifications, furent autant de galères. Sa première victoire, en 1997, fut l'une des sensations inédites que réserve souvent le tournoi parisien.

Justine, si elle impressionna par sa hargne dès ses premiers coups de raquette à Paris, en 1999, a dû imposer sa petite taille dans un circuit féminin qui, à l'époque, basculait dans la démesure.

"Il fallait que je me batte pour montrer qu'un petit bout de femme comme moi pouvait réussir. J'ai mis beaucoup d'énergie dans ma carrière. Ce que je voulais prouver, je l'ai prouvé. Maintenant, il est temps de passer à autre chose", a-t-elle rappelé.

L'un comme l'autre ont joué pour eux-mêmes, mais aussi pour un être cher, absent ou incapable d'être là. Justine a perdu sa mère dès son plus jeune âge. C'est le père de Gustavo qui est parti trop tôt, et le joueur de Florianopolis a depuis perdu ce frère handicapé qui fut pour lui à la fois un exemple et une inspiration.

"J'ai beaucoup appris de mon frère. D'abord la chance que j'avais, et ensuite la motivation qu'il ma donnée en me poussant toujours à aller de l'avant", explique le Brésilien.

L'un comme l'autre avaient su créer leur petit rituel sur le court central. Justine regardait le ciel pour dédier sa victoire à sa maman. Guga, lui, conscient de ce que Paris lui avait apporté, traça un coeur sur l'ocre du central le soir de sa dernière victoire.

"J'espère arriver à démontrer à quel point cela a compté pour moi de jouer, pas seulement ici, mais surtout sur le court central. Cela m'a apporté non seulement le succès, mais aussi une connaissance de la vie et de moi-même. J'espère que demain, il me viendra une idée mais je ne redessinerai pas un coeur. Le moment était inoubliable, mais c'est du passé", a confié Guga.

Justine, elle, a déjà fait ses adieux, anticipés, l'an dernier en finale.

"Tout ce que j'ai voulu vivre dans ma carrière, je l'ai vécu et plus d'une fois ici à Roland-Garros. J'en ai profité surtout l'année dernière, peut-être que je sentais que c'était le dernier. L'année dernière, Roland-Garros avait un goût spécial. Je ne pourrais rien revivre d'aussi beau que ce que j'ai connu l'année dernière ou en 2003."

Pour l'un comme pour l'autre, Roland-Garros aura été une étape essentielle. Ils veulent désormais bâtir leur vie d'homme et de femme.

"Je n'ai aucun regret. Je veux être maintenant Justine, je veux être moi-même, faire autre chose et j'en ai besoin maintenant", confie la Belge, qui a fait son deuil de Wimbledon, le seul grand chelem qu'elle n'a pas gagné.

"Je pense que l'émotion va augmenter au cours du match parce que je saurai que c'est la dernière fois", prédit Kuerten d'un match contre Mathieu qu'il n'espère pas vraiment gagner.

Car sa vie, désormais, est ailleurs: "Ma santé s'améliore et j'espère, dans l'avenir, être capable de jouer avec mes enfants. Ce sera ma prochaine victoire."