Bienvenue au All England Club, site légendaire dans le cossu petit village de Wimbledon en banlieue de Londres. J'ai eu l'énorme privilège de jouer à peu près tous les tournois d'importance sur le circuit, mais chaque fois que le temps était venu de pénétrer dans l'enceinte du SW19 sur Church Road, je ressentais une telle fierté, excitation, bref un réel bonheur de pouvoir vivre ce moment qui marque une carrière, qui définit une vie.

Je me suis qualifiée en simple en 1985. Quelle joie de survivre aux trois matchs de qualification disputés à Roehampton. Pour vous donner une petite idée, Roehampton dans ces années-là, était principalement un club de cricket que l'on « transformait » pour l'occasion en terrains de tennis.

Bref, c'est comme si on prenait un terrain de baseball en gazon naturel, qu'on le hachurait de lignes et qu'on enfonçait les poteaux de filet. N'importe quoi finalement! D'abord un vrai, beau, « Wimbledonesque » terrain de tennis, cela ne s'improvise pas. Comme un merveilleux green de golf à Augusta ne nait pas en une journée, un court demande beaucoup, beaucoup de soins et des années de travail.

Premièrement, cela exige des semences de très grande qualité pour produire un gazon dense et épais. Il faut aussi un drainage adéquat pour chaque court et un regarnissage des endroits souvent visités. Donc criquet et tennis sur la même surface? Oh dear, dear, dear, mais quel affront!

Ce que cela donnait, en termes concrets, c'est une ruée au filet de toutes les manières possibles et impossibles. Tu sers et tu montes. Tu retournes et tu montes. Tu n'échanges pas longtemps, car tu montes. Cela prend une bonne main, car sur ces terrains de Roehampton le rebond était en option! Dieu merci, même le tournoi de Wimbledon a été forcé de s'ajuster au fil des années. Dans un pays que j'aime beaucoup, mais qui est énormément structuré sur la hiérarchie, les bonzes de la fédération britannique ont été forcés de respecter un peu plus les joueurs des qualifications et de leur offrir un milieu de travail de plus grande qualité.

Heureusement, car au premier tour du grand tableau devant la grande et fabuleuse Allemande Bettina Bunge sur le merveilleux show court 5, j'avais beau monter à toutes les sauces, je me suis fait passer à en attraper la grippe! Fini les faux bonds, les volées crapoteuses gagnantes et les ruées exagérées vers l'avant. Au All England, on joue du VRAI tennis. On construit, on ne démolit pas. Certes on peut dominer avec un gros coup, mais il faut aussi savoir caresser la balle, suivre son jeu vers l'avant et demeurer flexible pour arriver à improviser. Ah, la belle affaire puisque les artistes sont donc aussi invités...

Et notre finaliste de l'an passé Eugenie Bouchard va-t-elle retrouver l'inspiration qu'il faut pour faire honneur à son rang? Malgré sa pauvre récolte cette année (8 victoires seulement), je crois sincèrement qu'elle peut au moins se rendre au 3e tour pour défier Madison Keys, la fabuleuse jeune Américaine, demi-finaliste en Australie cette année, mais qui n'a pas fait grand-chose depuis, tiens, tiens...Eugenie Bouchard

Pour Genie, il faudra d'abord battre la Chinoise Ying Ying Duan et prendre une revanche sur l'Allemande Tatjana Maria. C'est quand même très faisable. Pour la suite cela sera compliqué devant Makarova et Kvitova... Mais quand on joue dans le temple du tennis, cela inspire sûrement la championne junior 2012 et la finaliste 2014. Moi en tout cas, j'y crois. I'm a « Belieber », pardon a « believer »...

C'est la puissante Serena avec ses cinq titres qui est la grande favorite, mais il y a tout de même du beau monde dans sa portion de tableau : Garcia, Venus (elle aussi cinq fois titrée), Bencic (qui vient de gagner Eastbourne) et trois « A » qui frappent à plat et lourd comme Pliskova, Safarova et Sharapova. Pas un pique-nique vous en conviendrez.

Chez les hommes, Novak Djokovic aura trois excellents joueurs sur herbe pour ses trois premiers tours : Kohlschreiber, Hewitt et Tomic. Puis possiblement deux machines à as : Anderson et Isner en quarts. Après cela? Wawrinka? Il faudrait d'abord qu'il se rende en demie pour une première fois. Pas certaine qu'il a ça en lui puisque toute sa puissance dépend d'abord d'un jeu de jambes plus difficile à contrôler sur herbe. Mais le Suisse n'a pas de top-4 à jouer avant le carré d'as. Raonic? Est-il prêt? J'ai trouvé qu'il se cherchait pas mal pour ce qui est de la bonne stratégie à utiliser dans ses trois matchs au Queen's Club devant James Ward, Richard Gasquet et Gilles Simon. Il faut retrouver ses repères quand on revient de blessures.

Andy Murray

Ce que je note aussi dans le bas du tableau, c'est que Rafael Nadal est 10e tête de série. Les grandes pointures arrivent vite avec ce classement. À Roland Garros, Rafa avait Djokovic dans les pattes dès les quarts de finale. À Wimbledon, ce n’est pas mieux : celui qui selon moi est LE favori cette année, l'homme à battre, se nomme Andy Murray.

À moins que le plus beau jardinier de tous les temps, Roger Federer, sept fois champion au All England, étale toute sa science du jeu sur herbe et nous épate. Ses adversaires probables : peut-être le pétaradant Jack Sock au 3e tour, fort probablement Tomas Berdych en quarts et bien sûr l'enfant du pays Murray en demie. Toute l'année de Federer est bâtie avec ce Grand Chelem en tête. À presque 34 ans, c'est tout un mandat pour Roger, mais quand même dans le domaine du possible pour celui qui allie quatre éléments d'importance pour exceller sur cette surface : légèreté, rapidité, agression et imagination.

Bonne quinzaine à tous! Lundi matin 10 h. Soyez-y avec vos fraises dans la crème à 35 %!