COLLABORATION SPÉCIALE

Décidemment Rafael Nadal est un être exceptionnel qui est capable de se transcender quand la situation l'exige. Son entraineur Carlos Moya constate à juste titre que « Rafa », avec tous ses problèmes au pied gauche cette année, traverse ce Roland-Garros plus dans le rôle d'un guerrier que roi de la terre. Pas évident de subir des infiltrations de xylocaïne aux deux jours pour éradiquer la douleur. Peu importe, aujourd'hui en finale, il n'est pas question de passer à côté de ce 14e titre à la Porte d'Auteuil et encore moins de laisser filer l'opportunité d'ajouter un fleuron Grand Chelem. Il porte ainsi sa fiche à 22 couronnes, deux de plus que Roger Federer et Novak Djokovic.

Le match s'est joué dans une certaine mesure au 2e set alors que Casper Ruud réussit finalement à se faire une petite place pour mener 3-1. Pas de problème pour « Rafa  » qui redouble d'ardeur utilise une stratégie qui lui rapporte beaucoup : l'amener en angle côté coup droit pour ensuite tout bonnement lui pilonner le revers ou s'amener au filet et utiliser sur le 2e coup l'amortie alors que le Norvégien se campe très loin derrière en retour. Fascinant de voir Nadal lui arracher son service autant de fois qu'il le désire ou presque.

Au bout du compte, « Rafa » fait preuve durant tout le tournoi d'une résilience phénoménale, tandis que Ruud n'y croyait pas assez aujourd'hui, obnubilé par l'immense champion celui-là même qui l'a accueilli à son académie de Majorque avec toute sa famille. J'adore les sportifs polis et respectueux, mais trop de gentillesse et d'admiration se traduit rarement en triomphe.

Chez les dames, ce que j'ai aimé suivre les exploits d'Iga Swiatek, qui remporte un 2e titre à Roland-Garros. Quelle bouffée d'air frais la Polonaise amène. Elle est puissante, athlétique et intelligente sur le terrain, ce qui lui permet de faire les bons choix. J'adore la voir prendre la balle tôt et utiliser tout le corps dans chacune de ses frappes. Elle a appris aussi à maîtriser ses énergies et contrôler sa nervosité en faisant un travail de tous les jours avec une psychologue qui la suit en tournoi. À l'inverse, Coco Gauff ,âgée de 18 ans seulement, peine à présenter son meilleur tennis, étouffée par la grandeur du moment. Il faudra aussi continuer de travailler la technique en coup droit et faire de la 2e balle au service un élément plus stable dans son jeu.

Que dire maintenant de notre belle Leylah Fernandez surnommée « Claylah » en raison de ses beaux succès sur la terre battue. Je parle ici de notre princesse qui gagne chez les juniors à Roland-Garros en 2019 et qui grimpe de 70 places en deux ans pour se retrouver au 16e rang maintenant. Je suis très impressionnée par ses victoires devant les puissantes Belinda Bencic et Amanda Anisimova. La qualité de ses retours, sa combativité, la qualité de la main, sa rapidité font d'elle une joueuse que les meilleures redoutent. J'avais cependant de la peine à la voir souffrir autant en quarts de finale en raison d'une fracture de fatigue au pied de grade 3. Courageuse comme mille, elle décide d'aller quand même au combat, malgré les douleurs. Guéris vite Leylah parce que sinon, tu nous manqueras trop! C'est prévu qu'elle revienne au tournoi de Washington début août, on se croise les doigts.

Pour sa part, Félix Auger-Aliassime prouve une fois de plus qu'il a sa place parmi la grande élite. Il n'est vraiment pas loin le jour où il sera en mesure de graver son nom sur un trophée Grand Chelem. Avec un peu de recul, c'est plus facile mettre le doigt sur les moments où il fallait mieux faire. D'abord, Félix s'éparpille un peu trop en première semaine en passant 2:07 de plus sur le terrain que Nadal. Je sais bien que la perfection n'est pas de ce monde et que c'est toujours un petit peu plus difficile lorsque vous n'avez pas encore goûté à la victoire dans un endroit donné. Enfin, cette barrière est abattue.

Étape par étape, ronde par ronde, il fait son chemin d'abord face à deux Sud-Américains ce qui est toujours un peu compliqué sur terre. Puis, devant le serbe Filip Krajinovic, sa bravoure l'amène à triompher en 3 manches consécutives, mais le bris d'égalité de la 2e manche aurait pu être évité alors qu'il sert pour la manche à 5-4. Je peux paraître un peu dure dans mes commentaires, mais sachez que les trophées Grand Chelem ne tombent pas du ciel et demandent une discipline, un acharnement et un sens de l'opportunisme hors de l'ordinaire. Surtout chez les hommes, alors que l'on joue au meilleur des 5 sets. Il faut donc forcément savoir s'économiser quand c'est possible.

Face à Nadal en ronde des 16, Félix commence bien alors que le Majorquin n'arrive pas à être constant. Il bousille d'ailleurs 6 balles de bris sur 7 et fait plusieurs fautes inhabituelles. Je me demande même si son pied le fait souffrir ou si les anti-inflammatoires qu'il prend avant le match font effet. Quoi qu'il en soit, c'est le temps pour Félix de mettre le pied (sans jeu de mots faciles) sur l'accélérateur et de profiter des largesses et maladresses de Nadal quand ça arrive. Malheureusement, le Québécois montre un peu de fébrilité alors qu'il sert pour le set à 5-1. Il gagne la manche quand même 6-3 mais en retenant un peu son souffle plutôt qu'en dégageant beaucoup de confiance.

Même chose au début de la 2e manche quand à 1-1, « FAA » s'offre 2 balles de bris alors que « Rafa » redevient vulnérable. Encore un moment important dont il faut profiter. Félix ne se bat pas bien sur ces deux points-là alors qu'il les offre trop facilement à Nadal. Nervosité? Fébrilité? Manque de lucidité ou trop de respect pour le grand champion? Lui seul pourrait nous dire comment il se sentait physiquement et émotivement cette journée-là. Ce fut tout de même extraordinaire de le voir pousser Nadal jusqu'à la 5e manche dans un combat d'une très grande qualité. « Rafa » s'est levé avec un niveau de jeu époustouflant quand il le fallait. Un spectacle dantesque qui se situe dans le même registre que son quart de finale en Australie devant Daniil Medvedev. Il s'agit finalement d'une expérience de haute voltige de plus. Félix veut faire sa place au Championnat de fin de saison cette année alors il joue à 'S-Hertogenbosch cette semaine, un tournoi de la série 250 avant d'enchainer avec Halle, épreuve de la série 500.

La citation de la quinzaine revient à la merveilleuse championne Swiatek qui nous surprend en faisant cet aveu après avoir peiné pour disposer de la chinoise Qinwen Zheng en 3 sets : « J'avoue que je chante parfois pendant un match. Aujourd'hui c'était du Dua Lipa, une sorte de plaisir coupable! »

On se donne maintenant rendez-vous dès le 27 juin pour le tournoi de Wimbledon qui se jouera sans point cette année et sans joueurs de la Russie. La reine ne voulait surtout pas d'une cérémonie de fermeture qui honorerait un ou même deux Russes sur son gazon divin. Cela voudrait dire, par la bande, offrir une forme de crédit à vous savez qui. En coulisses cependant, sachez qu'une pétition circule chez les hommes, alors que les joueurs veulent forcer la main de leur organisation (l'ATP) pour que celle-ci réitère les points glanés au fil des rondes. J'ai bien hâte de voir si les joueurs et leurs agents mettront de côté leurs différences pour monter au front d'un même accord...

« Je serai à Wimbledon si mon corps le permet »
Nadal poursuit son histoire d'amour avec Roland-Garros