PARIS – Sans les rayons de soleil printaniers et les températures agréables qui vont avec, la terre battue parisienne est rendue plus lourde et plus lente par l'humidité et la fraîcheur automnales, et les conditions de jeu sont transformées. Voyage dans un « Roland-Garros différent ».

« Il n'y a pas de secret, tous les joueurs le ressentent : c'est le début de l'automne, la semaine dernière il faisait beau, mais cette semaine, c'est pluvieux, avec entre douze et quinze degrés, et les courts sont super lents, lourds. Et les balles deviennent grosses », décrit le Russe Karen Khachonov, no 16 mondial et quart de finaliste sur la terre battue parisienne en 2019.

« Les balles (Wilson a remplacé Babolat comme fournisseur, NDLR) sont assez lourdes, il fait froid, humide. La combinaison de tout ça n'aide pas », confirme l'Italien Matteo Berretini (8e), stoppé au troisième tour par le 186e joueur mondial, l'Allemand Daniel Altmaier.

Dans ce qu'il avait qualifié de « conditions les plus difficiles (qu'il avait) jamais connues à Roland-Garros » en amont de la quinzaine, Rafael Nadal ciblait notamment la météo exécrable – froid, pluie et vent – et ces nouvelles balles, qu'il avait décrites comme des « pierres » potentiellement dangereuses pour coude et épaule.

Quelle que soit la balle utilisée toutefois, dans ces conditions automnales, elle voyage moins vite, et ça devient plus compliqué de faire la différence.

Elle traduit aussi moins certains effets que lui impriment les joueurs. En particulier, elle rebondit moins haut sous le « lift », habituellement l'arme de destruction massive no 1 de Nadal Porte d'Auteuil.

Patience exigée

Résultat : « c'est difficile de réussir des coups gagnants, il faut beaucoup plus construire les points », résume Khachanov, en anticipant un tournoi avec « plus de rallyes » et « encore plus physique que d'habitude ».

« Au début, je me précipitais, j'essayais de finir vite le point mais c'est impossible dans ces conditions. Après, je me suis dit "OK, peu importe combien de temps vont durer les rallyes, tu vas juste te battre et frapper autant de coups droits que tu pourras" », raconte, de son premier tour, la Néerlandaise Kiki Bertens (8e).

Opposé à un adversaire qui « bouge bien » et « ramène beaucoup de balles », Félix Auger-Aliassime n'a lui pas trouvé la clé pour son premier match. « J'ai essayé de varier, de monter au filet quelquefois. Mais j'ai été passé », constate le jeune Canadien.

Face à ce climat inhabituel, certains, comme Berretini ou Petra Kvitova (11e), ont diminué la tension de leur cordage. L'idée : en augmenter l'effet trampoline, pour gagner en puissance, quitte à perdre en contrôle.

« Au début, j'ai joué avec ma tension normale, mais la balle ne partait pas », rembobine l'Italien pour expliquer son choix de tendre sa raquette à trois kilos de moins.

De l'avis de Khachanov, « ces conditions nivellent beaucoup les chances de tout le monde ». « Ça aide certains joueurs à rentrer plus dans le court parce qu'ils sont moins repoussés par le "lift" (adverse) », argumente le Russe.

Cogneurs et petits gabarits

On connaît au moins un spécimen, aux lourdes frappes de fond de court, qui aime avoir du temps pour décocher ses coups surpuissants, qui y trouve tout à fait son compte : Dominic Thiem.

« En Autriche, on a beaucoup de jours comme ça. Et quand j'étais junior et quand je jouais des Futures (la 3e division du tennis, NDLR), en mars en Croatie ou en République tchèque par exemple, il y avait beaucoup de tournois dans des conditions similaires. Dix, quinze degrés, des balles lourdes, se remémore Thiem. Ce n'est vraiment pas nouveau pour moi. »

« J'adore quand le court n'est pas trop rapide et que j'ai du temps (pour poser mon jeu) en fond de court », poursuit-il.

« Contre des joueurs comme Marin (Cilic, son adversaire au premier tour, NDRL), ça aide : c'est un peu plus facile de retourner et de remettre beaucoup de balles », illustre le no 3 mondial.

Le petit gabarit de Diego Schwartzman (1,70 m), tombeur de Nadal à Rome en soirée dans des conditions similaires à ses yeux, s'en réjouit aussi car « la balle ne rebondit pas trop haut ».

C'est plus délicat pour les gros serveurs. « Ils ne peuvent pas générer beaucoup de puissance et de "lift", ou mettre beaucoup de "kick" », décrypte la Grecque Maria Sakkari (24e).

Novak Djokovic, lui, a sa recette de saison : l'amortie.

« Sur terre battue, les joueurs ont tendance à reculer pour se donner un peu plus d'espace et de temps, parce que la balle rebondit plus haut que sur les autres surfaces. Mais là, le rebond est significativement plus bas à cause des conditions », explique-t-il.

Pas de doute pour le no 1 mondial : « ça va être un coup très important ».