Félix Auger-Aliassime se présente à Cincinnati déterminé à retrouver rythme, passion et constance. Après des défaites face à Max Purcell, Jason Brooksby et Dusan Lajovic, il faut rebondir et être capable de rétablir l'équilibre mentalement pour ainsi retrouver le chemin de la victoire. On sait bien que physiquement et tennistiquement, notre Québécois a tout ce qu'il faut, mais gagner sur une base régulière sur ce grand circuit exige beaucoup plus que cela.

D'entrée, face au coriace Marton Fucsovics, FAA reste suffisamment neutre malgré le fait qu'il tire de l'arrière 5-3 au premier set. Chaque joueur a ses forces et faiblesses et du côté du Hongrois, il est rapide et solide dans l'échange, mais a souvent tendance à manquer d'assurance quand se profile l'opportunité de fermer les livres. Félix ajuste son jeu et devient constant dans l'excellence jusqu'à remporter le bris d'égalité 7-0. J'y vois là un déclic, celui qu'il attend depuis sa belle prestation jusqu'aux quarts à Wimbledon.

En Masters 1000, surtout celui de Mason, en Ohio, cette année, le tableau est d'une densité incroyable. Si on veut aller loin, il faut beaucoup d'intensité jour après jour, après jour...Se dresse maintenant devant lui le dur de dur, 8e mondial pré-COVID et médaillé d'argent aux Olympiques Karen Khachanov. Malgré la perte du premier set au bris d'égalité, Auger-Aliassime reste présent physiquement et surtout mentalement. Cela lui amène suffisamment de solidité et stabilité pour aller arracher la victoire des griffes du Russe 6-4 au 3e set. Pour moi, il s'agit là d'un de ses plus beaux combats à vie parce que cela se joue sur un fond d'excellence, d'acharnement pour aller chercher le premier bris tard au 2e set et de confiance pour finalement indiquer la porte de sortie à l'insatiable sangsue après presque 3 heures de jeu. Wow!

Pas le temps de trop se réjouir, il faut résoudre un autre problème : non seulement continuer sur cette si belle lancée, mais surtout, ne pas, bien malgré lui j'en suis certaine, être généreux envers son bon ami et finaliste de Wimbledon Matteo Berrettini. C'est visible dès le début que Félix est supérieur et qu'en plus, l'Italien n'est pas aussi rapide sur la balle qu'à l'habitude en raison d'une cuisse endolorie. Dès le premier set scellé, la voie est libre et Félix s'approprie du match. Cela étant dit, même dans ce genre de rencontre, rien n'est donné. Si on reconnaît la valeur d'un homme par son courage, Félix nous démontre cette semaine qu'il en possède une bonne dose.

Pas de repos en vue, car le plus difficile reste à accomplir soit d'essayer de déboulonner le dieu grec, qui en plus, a un match de moins que Félix dans les pattes, heureux privilège des 8 premières têtes de série. Stefanos Tsitsipas compte 47 victoires cette saison, ce qui le place au premier rang dans cette catégorie et il comprend de mieux en mieux ses forces. Pendant un set et demi, Tsitsi domine, alors que je trouve Félix un peu pâle, moins explosif en jambes et donc moins combatif. On a notre réponse au milieu du 2e set lorsque le soigneur s'amène pour tenter de lui débarrer le bas du dos.

Cette manipulation divine lui permet de rebondir et de sauver de façon spectaculaire 2 balles de match avant que le Grec ne prenne de façon définitive le contrôle du 3e set gagné 6-1. Le long arrêt après la 2e manche n'a pas aidé la cause de notre Québécois. Il avoue candidement qu'il est très frustré de sa piètre performance à la manche ultime. Les mêmes erreurs refont surface alors qu'il n'arrive plus à bien finir les points. À sa décharge, Stefanos est monstrueux physiquement et jamais il ne lâche. Peu importe, fabuleuse semaine pour Félix dans des conditions d'extrême chaleur qui perdurent. Pour ce qui est du malaise ressenti au dos, Félix croit que cela n'est rien de grave et qu'après une ou deux journées de repos, cela ira.

Finalement, un mot sur Denis Shapovalov qui s'incline d'entrée pour un troisième tournoi de suite. Je ne veux rien enlever à Benoît Paire, qui vient de sortir de son hibernation qui dura un an et demi et qui surprend tout le monde avec cette poussée jusqu'en quarts de finale, mais Denis retombe dans ses problèmes de jeunesse en manquant de patience. Disons que ce n'est pas la préparation idéale pour les Internationaux des États-Unis qui commencent le 30 août, mais en même temps, il sera sûrement hyper motivé à l'idée d'aller chercher le plus de points possibles dans le dernier Grand Chelem de l'année.

En ce jour, Denis est 13e au classement de la course pour participer au Championnat de fin de saison, qui regroupe les 8 meilleurs, tandis que Félix est juste derrière lui au 14e rang. Tout est possible pour ceux qui se situent aux alentours de la 20e place. On n'a qu'à se souvenir de Jack Sock en 2017, alors qu'il se présente à Paris-Bercy au 22e rang, alors qu'il file tout droit vers le titre de ce Masters 1000 pour assurer in extremis sa qualification au prestigieux grand party de fin d'année.