"Que le meilleur gagne!" Cet adage, qui donne son sens à toute compétition sportive, n'a pas été respecté au Grand Prix d'Autriche.

Premièrement parce que nous avons été privés d'une bagarre, les Ferrari roulant en deça de leurs possibilités, les pilotes ayant consigne de ne pas s'attaquer. Pourtant l'équipe Ferrari est si forte qu'elle ne devrait pas craindre une rivalité entre ses deux pilotes, mieux encore, elle devrait l'encourager.

Comme chez Williams en 1987, alors que Nigel Mansell avait comme principal adversaire son propre coéquipier, Nelson Piquet.

Comme chez McLaren en 1988, alors qu'Ayrton Senna luttait avec son coéquipier Alain Prost.

Comme chez Williams, encore, en 1996, alors qu'on a laissé Jacques Villeneuve, qui en était à sa première saison, se bagarrer avec Damon Hill, dans l'équipe depuis quatre ans, jusqu'au tout dernier Grand Prix de la saison.

L'adage "Que le meilleur gagne!" n'a pas été respecté non plus avec cet ordre intimé à Barrichello de laisser passer Schumacher.

Certes, les consignes d'équipe ne sont pas interdites, une écurie a le droit de favoriser l'un de ses pilotes pour la course au titre. Et tout le monde accepte qu'un pilote laisse passer un coéquipier dans une course qui se déroule en fin de saison.

Par exemple: en 1999, Michael Schumacher, absent de la course au titre en raison d'une fracture à une jambe quelques mois plus tôt, a laissé passer son coéquipier Eddie Irvine, à l'avant-dernier Grand Prix de la saison.

Et jusqu'ici, je dirais que le bon sens a prévalu au sein des écuries de F1.

Mais ça n'a pas été le cas hier. A la sixième course de la saison, alors qu'elle dispose d'une voiture dominante, alors que Schumacher possède déjà 21 points d'avance sur son plus proche adversaire, voilà que Ferrari impose une consigne d'équipe, un geste inacceptable à ce stade-ci de la saison, qui va à l'encontre de l'esprit sportif.

Je vais vous donner un exemple d'une écurie qui respecte son sport: McLaren au Grand Prix de Belgique en 1999.

Le championnat en est à sa 12e épreuve de la saison. Eddie Irvine sur Ferrari mène la course au titre avec 56 points, deux de plus que Mika Hakkinen sur McLaren et 20 de plus que David Coulthard aussi sur McLaren.

Au premier virage, Coulthard attaque Hakkinen et passe en tête. Jamais McLaren n'a pensé invoquer des consignes d'équipe pour que Coulthard cède sa place à son coéquipier, pourtant bien mieux placé que lui au championnat. Voilà du sport dans sa plus pure expression.

Chez Ferrari, on se justifie en disant qu'on aurait l'air stupide de rater le titre en fin de saison par quatre points.

Mais si Schumacher remporte le titre par les quatre, trois, deux ou un point non-mérités en Autriche, que vaudrait son titre sur le plan sportif, sur le plan moral?

Et si Schumacher devait obtenir le record du plus grand nombre de victoires dans une saison, grâce au sacrifice de Barrichello, que vaudrait ce record?

Chez Ferrari on affirme avoir une responsabilité envers les commanditaires, qui dépensent une fortune. Que fait-on de la responsabilité envers le public, auquel s'adressent ces mêmes commanditaires?

Ce public qui se pose aujourd'hui des questions sur la crédibilité du championnat, à savoir si le résultat des courses est arrangé d'avance, si un ennui de Barrichello ne va représenter pas un coup fourré pour favoriser son coéquipier.

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Mon dernier commentaire concerne Michael Schumacher.

Il aurait pu, il aurait dû refuser cette victoire donnée.

Schumacher a affirmé après la course qu'il y avait songé, mais qu'il avait manqué de temps pour y réfléchir, ayant été prévenu "dans les derniers mètres".

Or le directeur sportif Jean Todt a laissé échapper l'information selon laquelle "le message a été passé huit tours avant la fin."

Imaginez que Schumacher, qui pouvait se le permettre de par son importance au sein de Ferrari, se soit opposé à cette consigne, qu'il ait répondu par communication radio qu'il n'acceptait pas cette idée.

Il aurait aujourd'hui l'image d'un véritable champion, d'un véritable sportif.

Au contraire, voilà qu'il s'est fait poser la question suivante en conférence de presse d'après course: "Michael, veux-tu remporter le championnat du monde parce que tu es le meilleur pilote, ou parce que tu possèdes le meilleur contrat?"

Ferrari et Schumacher ont perdu, en Autriche, plus qu'ils ne pourront gagner lors des 11 Grand Prix restants: un standing de champion, qui accepte le défi sportif.

Et je termine sur cette citation: "À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire" -Corneille