Après avoir vu la prière effectuée par les Alouettes dans le vestiaire avant le début de la coupe Grey, j'ose dire à la blague qu'il faut que ce soit la main de Dieu qui ait permis à la formation montréalaise de remporter un championnat dramatique.

Il n'y a aucun doute, je ne me souviens pas d'avoir vu un match de championnat se gagner, pour ne pas dire perdre car je souhaite demeurer positif, de cette façon. Par contre, lorsque tu regardes toutes les défaites et déceptions subies par les Alouettes à la coupe Grey, cette équipe avait besoin d'un répit ou d'un élément de chance pour se débarrasser du gorille de 800 livres qui pesait sur ses épaules.

Je me dis donc tant mieux pour les Alouettes et je suis content pour eux, il s'agit de l'équipe locale et je connais encore plusieurs joueurs.

Je suis aussi particulièrement content de leur victoire pour une raison. Trop souvent, la meilleure équipe de la saison régulière ne parvient pas à triompher au football et j'ai toujours détesté cette réalité. Évidemment, ce contexte rend le football excitant, mais ça demeure frustrant en tant qu'ancien joueur puisque tu te défonces pendant la saison morte et la saison régulière semaine après semaine. Tu deviens ainsi la meilleure équipe, mais tu peux perdre le championnat parce que tu ne joues pas ton meilleur football durant trois heures. J'ai toujours détesté cet aspect cruel sauf que les amateurs apprécient cette réalité qui couronne un champion au terme d'un seul match.

Les Alouettes ont nettement représenté meilleure équipe de la saison et je suis content de voir qu'ils ont terminé cela en beauté avec la conquête de la coupe Grey.

Une punition inoubliable

Plusieurs partisans se posent la question, mais qui est le responsable de la punition qui a coûté la victoire aux Roughriders alors qu'ils avaient envoyé trop de joueurs sur le terrain? La réponse : l'erreur revient à l'entraîneur des unités spéciales même s'il existe toute une mécanique derrière cet incident.

D'abord, cet entraîneur doit décider de la formation et de la stratégie à employer. J'ai cru comprendre qu'il voulait envoyer la formation pour bloquer le placement et non effectuer un retour de placement. Dans un tel contexte, tu veux déployer plus de bœuf au centre de la ligne défensive pour affaisser le mur adverse et tenter de bloquer le botté.

Plusieurs scénarios ont pu survenir pour mener à cette bourde. Il y a souvent des joueurs de la défense qui sont déjà sur le terrain et doivent rester pour le jeu sur les unités spéciales alors que d'autres s'amènent. La communication devient donc une facette cruciale. Les joueurs doivent écouter lorsqu'un entraîneur annonce une formation et se demander s'ils doivent être sur le terrain.

L'entraîneur doit ensuite s'assurer que les bons joueurs sont présents sur le terrain alors que les joueurs doivent s'assurer qu'ils font partie de cette formation et, en dernier recours, le retourneur doit compter les joueurs devant lui. Si ce dernier s'aperçoit qu'il y a un joueur de trop en place, il a l'option de quitter le terrain ou de crier l'erreur à ses joueurs et l'option de demander un temps d'arrêt était éliminée puisque les Riders avaient épuisé leurs temps d'arrêt.

Je peux garantir que les joueurs et les entraîneurs se souviendront de cette pénible défaite toute leur vie. En tant qu'ancien joueur, je serais complètement démoli car les Riders méritaient la victoire surtout qu'ils étaient négligés. On disait des Riders qu'ils formaient une bonne petite équipe impliquée dans un duel à la David contre Goliath alors qu'ils étaient opposés à la meilleure formation en attaque et en défense. Malgré tout, la Saskatchewan avait réussi à surprendre tout le monde avant de perdre de cette façon alors je ne peux m'imaginer ce qui leur passe par la tête. Je ressens même un peu de peine pour eux et j'aimerais mieux me faire écraser par 50 points que de s'incliner de façon in extremis.

Certains joueurs des Riders célébraient déjà et on distribuait même des casquettes de champions avant que la punition soit imposée.

Duval a déçu par sa performance et son attitude

Que penser du botteur des Alouettes, Damon Duval. Je n'ai pas le choix de me dire qu'il est béni puisque c'est lui qui sort le plus gagnant de l'intervention de la main de Dieu. Duval est passé de zéro à héros en obtenant cette deuxième chance sur le dernier jeu de la rencontre. J'ai été très déçu de sa performance et encore plus de son attitude surtout que nous avons vu pu constater sur les reprises qu'il était le seul à blâmer pour ses ennuis. Ceci ne l'a pas empêché de pointer des joueurs du doigt et d'en engueuler d'autres.

J'avais l'impression qu'il n'était pas capable d'accepter ses problèmes devant tout le monde et j'ai trouvé que c'était dégueulasse comme attitude. Imaginez seulement le scénario à Montréal s'il n'avait pas obtenu cette deuxième chance. Bref, je n'ai pas été impressionné par Duval et je sais que certains coéquipiers sont allés lui dire d'arrêter de se plaindre pendant le match.

Comment expliquer la première demie

Au lendemain de la victoire des Alouettes, ça demeure difficile d'expliquer ce qui est survenu en première demie à Calgary. C'est un peu comme si tout avait mal tourné ou que tous les joueurs avaient décidé de jouer leur pire demie de la saison. D'ailleurs, il s'agissait de la pire demie de leur saison avec une faible récolte de trois points. Le pire résultat de la saison avait été un total de sept points en première demie dans un revers de 19 à 12 contre les Lions de la Colombie-Britannique le 4 septembre.

Dimanche, Anthony Calvillo et Kerry Carter ont échappé le ballon et Jamel Richardson a échappé quelques passes sans oublier que l'attaque au sol n'était pas convaincante lors de ses quelques tentatives.

Bien sûr, il faut donner crédit aux Riders qui ont multiplié les stratégies défensives ce qui forçait Calvillo à garder le ballon plus longtemps en hésitant. En raison de son historique à la coupe Grey, il ne devait pas forcer le jeu surtout avec une défense de la trempe de celle des Alouettes. AC préférait lancer le ballon dans les gradins ou encaisser un sac et c'était la bonne approche.

J'ignore si cette demie s'explique par l'anxiété ou le désir de trop en faire ou le fait que les joueurs sont conscients de l'historique de l'organisation à la coupe Grey. Mais la beauté dans tout cela demeure un tableau élaboré par David Arsenault lors de l'émission d'avant-match démontrant que les Alouettes avaient joué seulement une bonne demie à leurs sept présences à la coupe Grey dans cette décennie. Je disais donc à la demie que la bonne nouvelle était que la mauvaise demie était derrière eux.

Le fait d'avoir marqué le premier touché au troisième quart a joué rôle très important et le porteur de ballon Avon Cobourne a été un élément essentiel. Je m'époumonais à dire que Cobourne devait avoir la chance de faire la différence et ce fut le cas grâce à de belles courses ainsi que quelques passes. Cobourne possède une énergie très contagieuse et tous ses coéquipiers aiment le voir toucher le ballon car il crée un effet rassembleur.

Calvillo, le plus grand

Grâce à Cobourne, Calvillo a été en mesure de prendre son rythme et il a été meilleur en deuxième demie et ses receveurs avaient retrouvé leur aplomb. Le quart des Alouettes a été particulièrement solide en fin de match. Il est parvenu à faire avancer le ballon même s'il était au quatrième quart à la coupe Grey ce qui a permis de combler un déficit de 16 points. Je dis donc Bravo à Calvillo qui a fait taire bien des dénigreurs.

À mon avis, il poursuivra sa carrière et il parlait même de disputer deux ou trois autres saisons cette semaine.

Tout cela m'amène à dire que Calvillo est maintenant le meilleur quart de l'histoire des Alouettes. J'ai toujours dit qu'il était le meilleur passeur en raison de ses statistiques enviables sauf que Sonny Wade avait trois victoires en trois présences à la coupe Grey avec des titres de joueur par excellence. En raison de sa deuxième victoire, Calvillo mérite ce titre, il a été excellent en deuxième demie dans des conditions dans lesquelles il est habitué de s'effondrer. Je trouve qu'il est un homme transformé et on peut mettre fin à ce débat!

Quelques observations intéressantes

Outre Cobourne et Calvillo, j'ai adoré la performance de Brian Bratton qui a été le héros obscur en captant des passes cruciales. Bien sûr, Étienne Boulay a évité une grave erreur de sa part en recouvrant son échappé.

Les Alouettes ont démontré toute une force de caractère en deuxième demie. Ils ont réussi une succession de gros jeux par plusieurs joueurs comme l'interception de Billy Parker, le touché de Richardson, le touché de Ben Cahoon, l'interception de Jerald Brown…

Avant ce revirement de situation, je peux vous dire que les journalistes se regardaient sur la galerie de presse à la mi-temps en se disant : pas encore!

Je dois aussi féliciter la décision de l'entraîneur Trestman de modifier ses éléments en défense; il a eu raison. Les arrivées de Brown, Parker ainsi que le changement de position de Chip Cox (un sac du quart et six plaqués donc un très important aux dépens de Rob Bagg) ont eu un effet positif et très payant ce qui démontre que les entraîneurs ont eu du flair.

Parlant de la défense, elle m'a beaucoup impressionné en fin de match après une séquence très difficile menant au touché de Darian Durant par la course. Après ce touché, j'avoue que je me disais que ça ne regardait pas bien.

Vous savez, j'ai toujours pensé que le football était un sport stratégique avec un aspect physique très important. Quand une équipe se fait dominer stratégiquement, elle peut se dire qu'elle n'avait pas vu venir le coup, mais quand tu te fais piler sur le corps et dominer, ça devient très démoralisant et c'est ce qui arrivé sur le touché de Durant.

Mais l'unité défensive montréalaise a prouvé sa force de caractère avec les interceptions de Parker et de Brown en plus de freiner l'attaque des Riders. Au moment où je pensais que la défense commençait à plier l'échine, ils sont revenus plus forts que jamais.

Je ne peux m'empêcher de dire bravo aux Riders pour leur performance. C'était plaisant de voir un affrontement entre les deux équipes ayant terminé au premier rang ce qui n'est pas fréquent. Ce match était aussi un duel entre les deux équipes les plus unies et ce fut évident puisque les Riders ont démontré un effort colossal. Ils n'ont pas à rougir de leur performance, mais cette conclusion est dévastatrice et je ne sais pas quel sera l'impact la saison prochaine ce que j'ai hâte de découvrir. Chose certaine, les entraîneurs n'oublieront jamais cela, ils vivent une déception à 100%.

En terminant, pourquoi ne pas souligner la statistique la plus incroyable de cette coupe Grey. Techniquement, les Riders n'ont jamais tiré de l'arrière lors des 60 minutes de la partie parce que le botté de précision de Duval a eu lieu alors qu'il ne restait plus de temps au cadran et ils perdent le match, c'est tout simplement fou!

*Propos recueillis par Éric Leblanc