À l'assaut de la Tour Eiffel
Athlétisme dimanche, 15 mars 2015. 11:23 samedi, 14 déc. 2024. 20:06On les surnomme les grimpeurs de marches. Des stair climbers. Ce sont souvent des adeptes de la course à pied qui, plutôt que de courir sur le plat, cherchent à s’élever vers le haut. Et pour ce faire, les plus hautes tours du monde sont leurs terrains de jeux.
Napoléon C. Woo, un restaurateur de Québec, est un de ceux-là. Il s’apprête à participer à la Verticale de la Tour Eiffel, à Paris. Cette course ascensionnelle chronométrée est un véritable défi sportif. Pour la toute première fois depuis 1906, les meilleurs grimpeurs de la planète (30 hommes et 30 femmes) auront accès à ses escaliers, le 20 mars prochain, pour se livrer bataille. On souhaite ainsi célébrer les 120 ans de la Tour. Monsieur Woo est le seul canadien à y avoir été invité. À l’âge de 58 ans, il sera le concurrent le plus âgé à tenter de réaliser l’ascension la plus rapide.
« C’est l’athlétisme qui m’a fait découvrir ce sport. Lorsque j’étais plus jeune, je participais à différentes compétitions allant du 100 mètres au 3 000 mètres. Lorsqu’il m’arrivait d’être blessé, j’allais grimper des marches d’escaliers pour me remettre en forme. C’est comme ça que tout a commencé. C’est un sport exigeant car quelques minutes après le départ, tu commences à être en anaérobie. Tu dois être capable de soutenir cette douleur pendant toute la durée de l’épreuve », explique-t-il.
Monsieur Woo a été invité par les organisateurs de la Verticale après leurs avoir soumis son palmarès de compétitions et ses résultats. Il faut dire que la liste de ses courses ascensionnelles est impressionnante. « J’ai participé à l’ascension très difficile des 86 étages de l’Empire State Building à New York en 2010 (1576 marches, 13:44). J’ai fait le Willis Tower à Chicago (2 109 marches). J’ai également grimpé le Shanghai Financial Center lors de la plus longue course du genre au monde (2 754 marches). Enfin, l’année dernière, j’ai pris part au Championnat européen présenté dans trois pays différents (République Tchèque, Slovaquie et Autriche) lors de trois journées consécutives. »
Le stair climber de Québec garde un excellent souvenir de sa course à Shanghai. Son avion était arrivé avec du retard en Chine et il n’avait pas eu le temps de dormir plus de quatre heures et de manger autre chose qu’une barre tendre granola avant de débuter sa compétition. Pourtant, même s’il ne se sentait pas au sommet de sa forme, Woo s’était classé en sixième position au classement général. Il avait du même coup devancé de nombreux participants plus jeunes que lui.
À lire également
« Je suis souvent le participant le plus âgé lors des compétitions d’escaliers. Pourtant, je ne tiens pas compte de mon âge puisque je m’entraîne et rivalise avec des plus jeunes. Lorsque je participe à une compétition en Amérique du Nord, je sais que je vais bien faire au classement général. Il m’est déjà arrivé de terminer premier. Mais lorsque je suis en Europe, je jette d’avantage un coup d’œil au classement par catégories d’âges pour évaluer ma performance puisque la compétition est plus forte. »
L’entraînement de Napoléon C. Woo dépend de la compétition à venir et pour laquelle il se prépare. Il explique que pour la Verticale de la Tour Eiffel, il a fait des séances d’intervalles dans les escaliers du Complexe G, à Québec, ou dans les escaliers du Cap-Blanc sur les plaines d’Abraham. Lorsqu’il allait au Complexe G, il gravissait la totalité des escaliers à cinq reprises pour un total d’environ 3 500 marches. Une ascension lui prenait entre 4 h 15 et 5 h 30.
Quelle sera la stratégie du vénérable grimpeur à Paris? Monsieur Woo prend quelques secondes de réflexion avant de répondre. « Je dois faire en sorte qu’il me reste de l’énergie vers la fin de l’épreuve et ce n’est pas évident car tous les compétiteurs ont des fourmis dans les jambes et veulent commencer à monter les marches le plus rapidement possible. Donc, au début, je ne dois pas trop forcer mais ce n’est pas évident à respecter. C’est la raison pour laquelle en entraînement, je pars toujours vite puis je prends une cadence moyenne avant de terminer le plus rapidement possible en accélérant dans les derniers étages. »
L’événement de Paris a ceci de particulier que, contrairement aux événements du même genre qui existent dans le monde, il ne se déroule pas dans des cages d’escaliers fermées puisque l’escalier de la Tour Eiffel est totalement ouvert sur l’extérieur. Exceptionnellement, l’accès du deuxième au troisième étage, fermé d’ordinaire au public, donnera aux participants l’impression de voler!
« J’aurai 1 665 marches à monter pour un dénivelé positif de 279 mètres. J’aimerais le faire en 11 minutes, mais ce n’est pas évident à prédire car je connais le nombre de marches, mais j’ignore la longueur des différents paliers entre les marches. Ça peut gruger de précieuses secondes. Si je termine parmi les 20 premiers, je serais très heureux », affirme celui dont la fille, Jaime Kate, pratique également le tower running. « Elle a participé à la plus récente compétition du Empire Stade Building », ajoute-t-il avec fierté.
Monsieur Woo n’aura pas beaucoup de temps pour se familiariser avec les escaliers de la Tour Eiffel car il arrivera à Paris le 18 mars. Il essaiera de visiter la Tour Eiffel pour voir ce qui l’attend lors de cette compétition dont le départ sera donné en soirée, à 20h30. Chaque participant prendra le départ de manière individuelle, chaque minute suivant un ordre établi par l’organisation. « L’éclairage ne sera pas idéal à ce moment de la journée. Je devrai même porter des lunettes soleil pour ne pas être aveuglé par les nombreux projecteurs de la tour. Je sais également que ce sera très bruyant en raison des marches en métal. »
Le très officiel circuit mondial des courses d’escaliers recense plus de 160 épreuves à travers le monde. Le grimpeur quinquagénaire espère que les courses verticales gagneront en popularité au Québec. Il affirme que de plus en plus de coureurs s’adonnent à ce sport et cite trois événements déjà solidement implantés dans la Vieille-Capitale: le Défi MotivAction, qui demande aux coureurs de grimper le plus de marche en 90 minutes, le Défi des escaliers, où les participants doivent courir et grimper la plupart des escaliers importants à Québec et une compétition de huit heures organisée par l’Université Laval. « Déjà, en Europe, une coupe du monde existe avec de beaux prix. Certains des meilleurs athlètes sont payés pour y participer. Ça fonctionne bien également aux États-Unis. J’espère que ce sera identique un jour au Québec. »
On pourrait être porté à croire que, dans la vie de tous les jours, Napoléon C. Woo n’utilise jamais les ascenseurs. Ce n’est pourtant pas le cas! Il privilégie toujours les escaliers. « Je grimpe déjà tellement de marches en compétitions que je préfère économiser mes jambes et mes forces lorsque j’en ai l’occasion », conclue-t-il.
À noter que RDS diffusera en différé la Verticale de la Tour Eiffel.