Au-delà des médailles
Athlétisme dimanche, 20 août 2017. 08:41 jeudi, 12 déc. 2024. 01:35À la lecture des nombreux articles ou reportages dédiés à la plus récente performance de la délégation canadienne lors des Championnats du monde d'athlétisme s'étant déroulés à Londres, il y a lieu de se demander si la plupart des experts et analystes ne sont pas tombés un brin dans un marasme profond. Il est vrai que le bilan des médailles est peu reluisant. En fait, aucun de nos représentants n'est parvenu à grimper sur un podium. Pourtant, selon moi, il serait malhonnête de dresser un bilan de ces Mondiaux en se fiant uniquement sur la récolte de médailles.
Rappelons d'abord les faits. L'équipe canadienne se présentait dans la capitale britannique avec une confiance énorme confortée par les résultats obtenus en athlétisme aux Championnats du monde de Pékin en 2015 (huit médailles) et aux Jeux olympiques de Rio (six médailles). Le nouvel entraineur-chef canadien, Glenroy Gilbert, avait même déclaré que l'objectif était de faire mieux qu'en 2015!
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Pourtant non, même pas proche! Si bien que pour la première fois depuis 2001, alors que la compétition se tenait à Edmonton, le Canada est revenu bredouille. Il fallait voir le visage des athlètes canadiens après la dernière journée de compétitions pour comprendre leur désarroi. Plusieurs, dans leurs commentaires aux journalistes, donnaient l'impression d'avoir laissé tomber leur pays. Certains craignaient même que cet échec n'entraîne une diminution de la subvention de 4,1 millions de dollars du programme « À nous le podium ». Ce ne sera heureusement pas le cas.
Comment expliquer la contre-performance canadienne à Londres? Car c'est tout de même de cela qu'il s'agit. Avec une équipe formée de talents aussi exceptionnels, il est difficile de croire qu'aucune médaille n'ait été gagnée. Mais n'allons pas paniquer car tout cela est moins dramatique qu'on pourrait l'imaginer.
Malchance et blessures
La malchance et les blessures sont les deux principaux facteurs ayant joué un tour à nos Canadiens et Canadiennes. Je ne fais pas partie de ceux qui aiment trouver des excuses, mais le cas présent fait figure d'exception.
Avant même le début des Mondiaux, la pire des nouvelles est annoncée : l'étoile montante du sprint, le Canadien Andre De Grasse, doit déclarer forfait en raison d'une déchirure musculaire partielle aux ischio-jambiers. Ouch! En plus de priver le monde entier d'un dernier duel face au Jamaïcain Usain Bolt, c'est également la perte potentielle de trois médailles qui disparaît pour le Canada (100m, 200m et relais 4 x 100m).
Puis, le champion olympique et champion du monde en titre au saut en hauteur, Derek Drouin, se retire en raison d'une blessure au tendon d'Achille gauche. Encore ici, c'est un podium presque assuré pour le Canada qui s'envole.
Et voilà qu'un virus frappe les délégations de nombreux pays logés dans un hôtel de Londres et se répand comme une traînée de poudre. Le comité organisateur ordonne la mise en quarantaine des sportifs et entraîneurs affectés pour enrayer le plus rapidement possible la propagation de ce virus causant des gastro-entérites virales. Mais le mal est fait pour quatre athlètes canadiens de haut calibre.
Pensons au marathonien Eric Gillis qui se présentait aux Mondiaux dans une grande forme, mais qui a dû abandonner au 30e kilomètre trop affaibli par ce virus. Ou au sprinter Aaron Brown qui, seulement trois jours après la fin de sa quarantaine, croyait avoir une excellente chance d'offrir une première médaille au Canada. C'était avant qu'il ne soit disqualifié de sa vague de qualifications au 200 mètres pour avoir déposé un pied sur une ligne de couloir.
Et comment ne pas être attristé par le sort de Damian Warner au décathlon? Le médaillé d'argent à Pékin en 2015 et de bronze aux Jeux de Rio l'an dernier est parvenu à terminer cette redoutable discipline au cinquième rang malgré l'attaque du virus et sa mise en quarantaine.
Pas juste les médailles
Il est malheureux qu'on évalue le rendement de la délégation canadienne d'athlétisme en se basant uniquement sur la récolte des médailles. C'est joli les médailles, mais ça n'explique pas tout. Car si on laisse de côté la malchance et les blessures, plusieurs performances remarquables furent enregistrées à Londres par nos représentants.
Le Qatar ou la Tanzanie ont obtenu une médaille. Croyez-vous vraiment que cela signifie que ces deux pays comptent sur un groupe d'athlètes supérieur à celui du Canada?
Je préfère me concentrer sur les nombreux top-10 réalisés à Londres et qui laissent entrevoir un bel avenir à l'athlétisme canadien car plusieurs de ceux ayant réussi ces performances sont des athlètes encore très jeunes.
Plutôt que de parler des revers de fortune du Canada, il faut absolument qu'on mette de l'avant des coups d'éclat tels que ceux de l'Ontarien Mohammed Ahmed qui a pulvérisé le record national au 10 000 mètres en terminant huitième. Quelques jours plus tard, il récidivait avec une formidable sixième position au 5 000 mètres.
L'Acadienne Geneviève Lalonde, malgré une fin de grippe,a battu le record canadien au 3 000 mètres steeple et terminé avec une excellente 13e place. Soulignons également deux exploits réussis par des Torontoises : au lancer du poids, Brittany Crew est devenue la première Canadienne à participer à la finale des Mondiaux. Elle a terminé sixième. Et la sprinteuse Crystal Emmanuel a mis fin à une longue disette canadienne de 34 ans en se qualifiant pour la finale du 200 mètres féminin. Elle a finalement pris le septième rang.
Enfin, Melissa Bishop, dans une des épreuves les plus disputées de ce championnat, a terminé au huitième rang du 800 mètres. À mes yeux, ce résultat et ceux précités valent bien des médailles.
Un classement différent
Le magazine spécialisé de course à pied Canadian Runninga récemment proposé un tableau d'analyse différent pour évaluer la performance canadienne et j'y souscris totalement!
En gros, on accorde plus d'attention au classement des athlètes qu'à leur récolte de médailles. Ainsi, des points sont accordés à tous ceux ayant terminé dans le top-8 en ordre croissant d'importance. Par exemple, un médaillé d'or obtient huit points pour sa première place et celui ayant terminé en huitième position un seul point.
Le Canada a vu deux de ses athlètes finir en cinquième place, cinq en sixième, deux en septième et trois en huitième place. Les points obtenus par ces 12 top-8 permettent au Canada de se classer au 15e rang mondial. C'est beaucoup plus réaliste qu'une 44e position, derrière le Burundi ou la Syrie, deux pays ne comptant que sur une minuscule délégation d'athlètes, mais qui avaient tout de même réussi à gagner une médaille.
Un avenir prometteur
L'entraîneur-chef canadien Glenroy Gilbert a maintenant une lourde tâche devant lui. En poste depuis peu, il devra trouver une façon de motiver ses troupes à travailler encore plus fort en vue des prochaines compétitions d'envergures. Les relais, entre autres, auraient avantage à être pratiqués plus souvent.
Les prochains Championnats du monde d'athlétisme auront lieu à Doha en 2019 et, l'année suivante, Tokyo sera la ville organisatrice des Jeux olympiques. Si la progression de nos athlètes se poursuit normalement, on peut s'attendre à de beaux résultats. Et si certains réussissent à se hisser sur le podium, tant mieux pour la fierté de notre pays. Mais n'oublions jamais que les médailles ne résument pas toujours de la meilleure façon le déroulement d'une compétition. On en a eu un bon exemple à Londres.