Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Cette célèbre expression, employée par Jules César en 47 av. J-C, semble toute désignée pour décrire mon parcours aujourd’hui lors du marathon de Rome. 42,2 kilomètres de course, c’est tout un combat. Sur la ligne de départ, près du vieux Colisée, je me sentais comme un légionnaire prêt pour la bataille et à vaincre ce long parcours. Il faisait 9 degrés celsius à 9h et le maximum annoncé était de 14 degrés avec du soleil. Les Italiens s’échangeaient des In bocca al lupo ce qui signifie "Dans la bouche du loup". C’est pour souhaiter bonne chance. Un peu comme le "merde" en français ou le break a leg en anglais. Le loup fait référence à la louve qui serait à l’origine de la fondation de Rome.

J’ai souffert et vécu beaucoup d’émotions.

J’y étais aussi pour vaincre certains démons qui m’habitaient depuis le suicide de mon grand ami, Benoît. Il s’était inscrit au programme de Team In Training et devait m’accompagner à Rome. Nos billets d’avions étaient achetés et notre chambre d’hôtel réservée. Idéalement, nous voulions franchir le fil d’arrivée ensemble. J’ai déjà tout dit sur le départ de mon chum.

Ce que je n’avais pas dit cependant, c’est ce que je voulais faire pour lui rendre un dernier hommage, pour lui montrer que, finalement, lui aussi l’avait terminé ce marathon. Qu’il courait à travers moi. Je ne l’avais pas dit car je ne la savais pas encore. Je me disais que je trouverais bien une façon de le saluer.

Sa mère m’avait remis sa montre GPS, celle qu’il utilisait à chacun de ses entraînements. Je l’ai porté tout au long de la course. Je courais avec une photo de Benoît dans ma poche. Elle n’avait plus très fière allure à la toute fin. Elle était comme moi, un peu maganée. Je portais également un brassard noir au bras.

J’avais inscrit son prénom sur mon chandail. Tout au long du parcours, j’ai souvent entendu les Romains scander son nom. Ils croyaient que c’était le mien et voulaient m’encourager. Ca me faisait sourire.

Mais surtout, surtout, je me suis arrêté pour penser à lui. Voilà peut-être ma plus grande marque de respect. Ben le savait, je ne m’arrêtais jamais. Jamais. La moindre seconde perdue me hantait longtemps après une course. Je connais les chronos de toutes les courses importantes auxquelles j’ai pris part. Pourtant, à Rome, je me suis arrêté souvent.

Benoît était croyant, je ne le suis pas. Mais à la vue de toutes ces églises le long du parcours, je ne pouvais faire autrement que de m’arrêter pour penser à lui. En arrivant devant St-Pierre de Rome (18e km), la plus grande église du monde, j’ai constaté que le pape, Benoit XVI, était à diriger une messe pour la foule nombreuse. Incroyable, je n’en revenais pas. Je courais avec le pape devant moi. J’ai posé un genou par terre et ai salué mon chum. S’il est, comme il le souhaitait, près du seigneur, il devait alors me voir. Je n’ai pas prié, mais juste pensé à mon grand ami disparu. .

J’ai également fait des pauses à des lieux que nous aurions visités ensemble. La Basilica di San Paolo, Forco Italico, Piazza des Popolo, Piazza di Spagna et la fontata di Trevi.

Le parcours étaient relativement plat, mais avec de nombreux faux-plats. Rome a été fondée sur 7 collines et je l’ai réalisé rapidement. Ma cheville droite m’a fait souffrir et j’ai senti que j’allais devoir courir avec deux ampoules sous chacun de mes gros orteils. En fait, la plante des mes pieds ressemble présentement à un champ fraichement labouré! Tout cela en grande partie en raison des pavés inégaux des chemins romains.



Les Romains et nombreux touristes ont été généreux de leurs encouragements tout au long du parcours. Beaucoup de sourires et d’applaudissements. La république italienne fêtait le 150e anniversaire de sa création et les drapeaux italiens étaient accrochés partout.

Franchir le fil d’arrivée fut la partie la plus émotive de mon marathon. Après 4h11, mon temps le plus lent en raison de mes arrêts, j’ai pointé le ciel et dit adieu à Benoît. On m’a ensuite remis une superbe médaille et de la nourriture.

Merci



Mon chemin de croix, celui que je vivais depuis le suicide de Ben, est maintenant terminé. Courir ce marathon en son honneur fut comme d’étendre un baume apaisant sur des blessures encore vives. Je tiens à remercier tous les participants et organisateurs de Team In Training du Québec qui étaient ici ou qui s’entraînent présentement en vue d’un prochain événement. Leur support a été énorme. Le côté humain de ce programme visant à amasser des sous pour lutter contre les cancers du sang fut impressionnant. Je suis fier d’en être le porte-parole.Merci à vous tous, je vous adore.

Je termine en saluant Nanie, Robert, Annette, Marie-France et Geneviève. Le souvenir de votre Benoît m’a permis de terminer aujourd’hui. Maintenant, pour moi, il repose vraiment en paix.