C’est un chrono absolument irréel. Un chrono de 2 h 02:57. Le Kényan Dennis Kimetto est devenu, dimanche le 28 septembre 2014, l’homme le plus rapide à courir un marathon. L’exploit a été réalisé à Berlin, en Allemagne. Il est ainsi devenu le premier homme de l’histoire à passer sous la barre des 2 h 03 min. Pour vous donner une petite idée de l’exploit, ce même dimanche, l’Américain Ben Bruce franchissait en premier le fil d’arrivée du Marathon de Montréal en 2 h 22:38.

Kimetto, qui a commencé à s’entraîner pour le marathon en 2010 seulement, ne s’est pas contenté d’améliorer l’ancien record appartenant à son compatriote Wilson Kipsang. Il l’a fracassé par 26 secondes en conservant une vitesse moyenne de 20,59 km/h (2:55/km)! C’est énorme. Le parcours de Berlin, un des plus roulants du monde, semble sourire aux coureurs élites puisque c’était la sixième fois de suite que la meilleure marque y était battue.

Ce qui est surtout fascinant, c’est le rythme avec lequel le record du marathon a été battu au cours des dernières années. Tellement que la nouvelle de la course de Dennis Kimetto a été reçue avec une certaine indifférence. Après tout, ce n’était qu’un autre Kényan qui améliorait un record de course à pied. Certains spécialistes ont même émis un doute et affirmé ne pas y croire. C’était là une allusion à peine voilée sur le dopage.

À la vitesse où ce record est battu, il est légitime de se demander si nous assisterons dans un avenir rapproché à un marathon couru en moins de deux heures. Vous m’auriez posé la question il y a une dizaine d’années et je vous aurais répondu que je n’allais probablement jamais voir cela de mon vivant. J’en suis maintenant beaucoup moins certain. Déjà, Kimetto a déclaré qu’il pouvait courir plus vite. Même chose pour son compatriote, Emmanuel Mutai, qui a terminé en deuxième place en 2 h 03:13 pour également battre l’ancien record.

Je dois avouer que je trouve particulier que la meilleure marque du marathon soit si régulièrement abaissée. Dans un monde, celui de l’athlétisme, où la moindre seconde et le moindre centimètre sont si difficilement grappillés, les coureurs du 42,195 kilomètres sont présentement dans un monde à part. Et je dis bien les coureurs, car il s’agit d’un phénomène purement masculin puisque la même tangente n’est pas observée chez les marathoniennes.

En 2003, le Kenyan Paul Tergat était devenu le premier homme à terminer un marathon en moins de 2 h 05 (2 h 04:55). Onze ans plus tard, ce record a été amélioré à de nombreuses reprises et le dernier à l’avoir fait est Kimetto à Berlin. La situation est complètement différente chez les femmes. En 2003, la Britannique Paula Radcliffe profitait du marathon de Londres pour établir une nouvelle marque (2 h 15:25). Depuis, plus rien. Aucune femme n’a réussi à améliorer ce chrono. De nos jours, les coureuses élites gagnent des marathons avec des temps se situant entre 2 h 20 à 2 h 25. Ce sont là des chronos qui étaient réalisés par les femmes dans les années 80. À Berlin, c’est l’Éthiopienne Tirfi Tsegaye qui a été la plus rapide en 2 h :20:18. On est loin du record de Radcliffe.

Pour vous donner une autre idée de la lente progression du record féminin, seulement 16 marathoniennes ont réussi à terminer leur course en moins de 2h20 depuis la Japonaise et détentrice du record mondial en 2001, Naoki Takahashi. Au cours de cette même période de 13 ans, plus de 50 coureurs ont amélioré le record de l’époque du Marocain Khalid Khannouchi (2 h 05:38). Encore mieux, 16 des 20 meilleures performances mondiales ont été enregistrées lors des trois dernières années.

Les plus grands spécialistes du marathon se perdent en conjectures. Paula Radcliffe a-t-elle tout simplement placé la barre trop haute avec une course parfaite en 2003? S’agit-il d’un record qui tiendra aussi longtemps que celui du saut en longueur de Bob Beamon aux Jeux olympiques de Mexico en 1968? La relève est-elle plus difficile à trouver chez les femmes pour le marathon? Les hommes sont-ils dopés? Impossible de répondre clairement à ces questions.

Entretemps, la progression des hommes se poursuivra très probablement avec le passage de vedettes du demi-fond vers le marathon. Le Britannique Mo Farah et l’Éthiopien Kenenisa Bekele sont les deux prétendants les plus sérieux. Ils ont déjà obtenu des résultats prometteurs qui laissent envisager une année 2015 rapide sur la distance.

Un marathon en moins de deux heures chez les hommes? Au rythme où vont les choses, ce n’est plus qu’une question de temps!