Je salue le courage d’un athlète lorsqu’il décide de prendre des risques, d’abandonner une gloire durement acquise de même que la plus haute marche des podiums pour se lancer dans une aventure nouvelle sur un chemin pavé d’incertitudes et de doutes.

C’est exactement ce que fera le champion du monde et olympique de saut en hauteur, le Canadien Derek Drouin, qui a confirmé qu’il se consacrerait désormais au décathlon. Son objectif premier est de représenter le pays dans cette discipline lors des Jeux du Commonwealth l’année prochaine à Gold Coast, en Australie.

Au cours des dernières années, Drouin s’est imposé comme un des plus grands sauteurs de la planète grâce à sa médaille de bronze aux Jeux olympiques de Londres en 2012, une médaille d’or aux Jeux panaméricains de Toronto en 2015 et une médaille d’or au Championnat du monde quelques mois plus tard à Pékin. Le point culminant de la carrière du jeune homme de 26 ans fut ce titre olympique aux Jeux de Rio l’été dernier avec un formidable bond de 2,38 mètres.

La nouvelle de ce passage au décathlon n’a toutefois surpris personne puisque le champion avait déjà annoncé il y a deux ans qu’il en serait ainsi. Lorsque la Fédération canadienne d’athlétisme a embauché l’entraîneur Jeff Huntoon en 2015, un homme avec qui Drouin avait déjà travaillé lors de sa période de compétitions universitaires pour les Hoosiers de l’Indiana, il était prévu que Drouin se concentrerait avec lui sur le décathlon après les Jeux de Rio.

Il faut dire que le longiligne athlète de 1,94 mètre (6 pieds et 4 pouces) en avait assez de courir et de sauter à droite. Il voulait varier sa routine et retrouver le plaisir qu’il avait à l’université alors qu’il s’entraînait justement au décathlon avec Huntoon. S’il y a une compétition qui offre aux athlètes de la variété dans leur entraînement, c’est bien le décathlon grâce à son calendrier de dix épreuves sur deux jours qui permettent de couronner le dieu du stade.

Derek DrouinComme décathlonien avec l’Université de l’Indiana, Drouin, de ses propres dires, affichait la meilleure forme de sa vie en plus d’éprouver un réel plaisir à pratiquer des épreuves aussi variées que le 100 mètres, le lancer du disque, le saut à la perche ou le saut en longueur. En se consacrant uniquement à sa spécialité au cours des dernières années, le saut en hauteur, il en était venu à développer un certain ennui et avait le goût de sortir de sa zone de confiance. Tout pour éviter la monotonie. 

Même s’il ne prenait part qu’à des compétitions de saut en hauteur, il n’était pas rare de voir l’Ontarien se délier les muscles d’une manière pour le moins originale avant le début de ses essais. On le voyait prendre des courses d’élans sur la piste d’appel du saut en longueur, courir un 1 500 mètres ou franchir les haies installées pour la course de 110 mètres.

Drouin a participé à la plus récente édition des réputés Millrose Games à New York, le 11 février, remportant la compétition du saut en hauteur. Après quelques jours de congé, Drouin doit bientôt se rendre à un camp d’entraînement en Australie pour amorcer sa préparation en vue de son premier décathlon. Il est déjà inscrit à celui de la réunion de Santa Barbara, les 7 et 8 avril prochains. Un événement attendu par les amateurs d’athlétisme.

Bien sûr, il ne gagnera pas. Mais il pourra se comparer aux autres athlètes et noter quelles sont ses forces et ses faiblesses. Le saut en hauteur ne posera pas de problèmes puisqu’aucun décathlonien n’a jamais réussi un saut de plus de 2,27 mètres. Drouin a déjà franchi 2,35 mètres en salle et 2,40 mètres en plein air. Il survolera facilement cette épreuve du décathlon.

Derek DrouinIl devrait également aller chercher des points précieux au 110 mètres haies. À sa dernière année universitaire, il avait enregistré un bon chrono de 13.89 sur cette distance. Et il se débrouillerait bien au lancer du javelot. Ça reste à voir pour les autres épreuves. 

Quoi qu’il en soit, saluons le courage de Derek Drouin puisqu’il en faut une bonne dose pour abandonner une discipline que l’on domine pour se lancer à la poursuite d’une qualification dans une tout autre épreuve beaucoup plus complexe. Si tout va bien et que Huntoon juge les progrès de son poulin encourageants, Drouin parviendra probablement à être des prochains Jeux du Commonwealth.

Qui sait où cela peut le mener par la suite? Le jeune Canadien possède des qualités athlétiques indiscutables. Chose certaine, son parcours sera intéressant à suivre.

Et si jamais il réalise qu’il peine à suivre les meilleurs décathloniens de la planète, il pourra toujours retourner au saut en hauteur. Un univers certes routinier, mais où il est l’homme à battre.