C'est le retour au boulot pour moi après une période des fêtes encore une fois meublée de nombreux déplacements et rencontres familiales. Pendant une dizaine de jours, je me suis retrouvé au cœur d'un merveilleux tourbillon d'activités qui m'obligeait à réfléchir pour me remémorer quel jour de la semaine j'en étais rendu! Au delà du plaisir de se retrouver en famille et entre amis, je garde le souvenir de tables pleines de plats plus savoureux les uns que les autres et invitant à la démesure culinaire. Tout est délicieux et on mange et bois si bien.

Je tire donc une belle petite fierté d'avoir su conserver un semblant de discipline sportive au milieu de cette période festive à souhaits. En effet, j'effectuais avec une véritable délectation mes sorties quotidiennes de course à pied me motivant à l'idée de brûler à l'avance toutes ces calories que je m'empresserais de regagner à table le soir venu.

Cette année, mon parcours de rencontres et vacances m'a mené dans la très belle région de Lanaudière. La location pour quelques jours d'une belle et grande maison à Rawdon m'a permis d'apprécier les charmes de cette ville pour la première fois. Comme je le fais toujours, c'est par la course à pied que j'aime découvrir un nouvel endroit. Rawdon, malgré des dénivelés parfois ardus, n'y fit pas exception. 

Ma dernière course de l'année restera probablement la plus mémorable de mon séjour mais également une des plus intéressantes de 2014. J'empruntais la rue de la Promenade-du-Lac qui borde le lac Pontbriand lorsque j'aperçus des motoneigistes  déambuler en file indienne sur la glace à peine couverte de neige du plan d'eau d'une superficie de près de deux kilomètres et qui s'étend sur une longueur de six kilomètres. Je les trouvai bien téméraires puisque Dame Nature nous avait offert des journées souvent douces en cette fin d'année. Trois jours plus tôt, j'étais chez mes parents à l'île d'Orléans et à même de constater que le célèbre pont de glace reliant l'île à la Côte-de-Beaupré se ferait attendre car le mercure indiquait régulièrement des températures au dessus de zéro!

Je m'approchai pourtant du lac Pontbriand pour découvrir qu'il fourmillait de vie...humaine! En plus des motoneigistes, des amateurs de VTT y roulaient à vive allure.  Et en plein centre, des patineurs s'adonnaient à un match de hockey improvisé. L'équipe des rouges semblait nettement avantagée avec le vent de dos!  Je n'avais malheureusement pas apporté mes patins à Rawdon.

Frédéric Plante souliers de coursePeu importe puisque j'avais plutôt des chaussures à crampons conçues spécialement pour la course hivernale. Des Gel-Artic de ASICS. Je les utilise lorsque je sais qu'il y a des risques de plaques de glace sur la chaussée. Mais jamais, au grand jamais, je n'avais eu l'occasion de les porter lors d'une course sur une telle plaque de glace que représente un lac gelé! Le moment était venu.

Après m'être fait rassurer par un habitant du coin sur la solidité de la glace (si des motoneiges circulent, tu peux y aller sans crainte mon vieux!) je retournai à la maison de location pour y enfiler mes Gel-Artic. Mes deux jeunes filles, qui avaient leurs patins dans leurs bagages, décidèrent de me suivre lorsque je leurs appris ma belle découverte.

J'étais fébrile à l'idée d'essayer de courir sur la glace du lac. Les conditions climatiques, peu de neige et du froid, firent en sorte qu'une patinoire presque parfaite recouvrait ce grand lac. Du rarement vu aux dires même des gens de la place.

Mes premiers pas furent prudents. J'avais beau voir des gens déambuler sur la glace, je devais m'acclimater à la surface. De plus, un étrange bruit sourd se faisait parfois entendre, comme si le lac respirait. Mes deux filles étaient déjà loin et ne semblaient nullement inquiétées par la solidité de la glace.

Frédéric PlanteÀ mon grand étonnement, les crampons de mes chaussures mordaient parfaitement dans la glace et offrait une surprenante stabilité. Un bruit de glace broyée se faisait entendre à chacun de mes pas et au bout d'à peine 200 mètres j'avais déjà trouvé la foulée et le rythme idéal à adopter. Instinctivement, j'attaquais davantage du talon et courais avec un pied déposé plus à plat. Rien de bien difficile.

L'expérience fut absolument jouissive. Le point de vue qui s'offrait à moi était différent et j'avais l'impression de courir sur une nouvelle planète. Un peu comme si je découvrais les lunes glacées Encelade, qui orbite autour de Saturne, ou Europe, qui tourne autour de Jupiter. Je voyais également dans les regards curieux des patineurs que plusieurs ignoraient pourquoi je ne glissais ou ne chutais pas. Étonnamment, les rares fois où j'ai senti mes pas devenir moins assurés survinrent lorsque je devais franchir de petites bandes de neige recouvrant la glace. Sinon, pas de problèmes.

Ma nouvelle expérience de course, qui ne devait au départ durer que quelques minutes, se prolongea suffisamment pour me permettre de franchir dix kilomètres sur la surface de ce lac formé il y a près de cent ans lors de la construction d'un barrage hydroélectrique sur la rivière Ouareau. C'est à regret que je me résignai à arrêter car mes filles avaient froid aux pieds dans leurs patins.Frédéric PlanteJe n'eus malheureusement pas l'occasion de courir une autre fois sur le lac Pontbriand avant mon départ de Rawdon. Mais ma course du 31 décembre 2014 m'a suffisamment charmée pour m'encourager à récidiver sur un autre plan d'eau du Québec cet hiver.

Une recherche rapide sur internet m'a également permis de constater qu'il n'existait aucune journée de course à pied sur glace en Amérique. En fait, outre une course organisée en Antarctique, rien ne se rapproche de l'expérience vécue sur ce lac de Lanaudière. Pourtant l'idée me semble géniale.

Le territoire du Québec regorge de cours d'eau qui sont facilement accessibles en hiver. La glace y devient tellement épaisse par endroit que de lourds camions y circulent. Pourquoi ne pas profiter de cette véritable richesse pour organiser un calendrier québécois de courses hivernales sur glace? L'organisation qui sera la première à en placer une à son programme fera figure de précurseur.

Des règles de sécurités strictes et rigoureuses entoureraient le déroulement de telles courses. Il serait obligatoire, cela va de soi, de porter des chaussures à crampons. Le port d'un casque pourrait, à la limite, être fortement conseillé pour éviter des blessures s'il y a une chute. Grâce aux puces électroniques, plus besoin de lancer tous les participants en même temps. Des départs par petits groupes pourraient être effectués, un peu comme lorsqu'on lance le volet de natation d'un triathlon. Des étendues glacées parfaitement lisses sont rares et, de cette façon, on s'assure que chaque participant voit bien les imperfections du parcours. Mais surtout, des spécialistes devraient s'assurer de l'épaisseur et de la solidité de la glace. En cas du plus petit doute, pas de départ!

La course à pied connaît une croissance phénoménale depuis quelques années et différentes organisations redoublent d'imagination pour attirer les participants à leurs événements. Courses en raquettes, dans la boue, en forêt, à obstacles, etc. Le tourisme de course à pied génère des centaines de millions de dollars de retombées économiques sur la planète. Ils sont nombreux les coureurs qui cherchent de nouveaux défis. Le Québec pourrait se démarquer grâce à son hiver et ses lacs, fleuves et rivières.

Courir sur de la glace charmerait sûrement plusieurs joggeurs! En tout cas moi je suis tombé sous le charme et me souviendrai longtemps du son des crampons sur la glace.