Rester concentré malgré la présence d'orques
Natation jeudi, 21 mai 2020. 15:51 dimanche, 15 déc. 2024. 09:57Gagner une compétition ou réussir une épreuve sur ou dans l’eau implique parfois aussi d’affronter les éléments en plus de ses adversaires. Que ce soit à la nage, en canoë ou en kayak, la course ou l’entraînement ne se passe pas toujours comme prévu. Mais cela fait de bonnes histoires à raconter.
Une nuit en solo dans l’océan Pacifique
Le nageur en eau libre Xavier Desharnais a approché des crocodiles et requins durant des courses ou des entraînements lors de sa carrière. Il a aussi dû nager dans des eaux trop froides ou même trop chaudes. Toutefois, la traversée du canal Catalina tient une place spéciale parmi ces épreuves les plus difficiles.
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C’était une nuit d’octobre en 2018. Le Sherbrookois devait d’abord sauter du bateau en plein océan Pacifique dans une mer couleur d’encre. Il n’avait qu’un maillot, des lunettes et un casque de bain pour affronter une eau entre 14 et 16 degrés Celsius, plus froide que lors de la Traversée du lac Saint-Jean. Ce sont les conditions imposées afin de compléter la traversée en solo du canal de Catalina pour rejoindre Los Angeles, l’une des épreuves les plus difficiles au monde pour un nageur en eau libre.
En se rendant à l’île de Santa Catalina la veille, le traversier avait dû s’arrêter lors du trajet long de 34 km pour attendre le passage de trois orques. Rien de rassurant pour Desharnais, conscient qu’il y a dans ces eaux « toutes les bibittes possibles ». Tout de même, en constatant la présence de ces killer whales, il s’était dit à ce moment « non, je le ferai pas ! ».
« Pour moi, des orques, ce sont des créatures très, très intelligentes et ça peut jouer avec sa nourriture. Si je suis le seul humain dans l’eau à des centaines de kilomètres à la ronde, il y a de bonnes chances qu’ils me sentent et qu’ils viennent voir ce qui se passe », a raconté le double champion de la Traversée du lac Saint-Jean.
Il a su surmonter sa peur. Après une préparation mentale de quelques heures sur le bateau avant de plonger, il a choisi sa stratégie pour oublier les orques, requins et autres dangers.
« Je me suis dit, dès que j’arrive pour sauter dans l’eau, je saute, sans penser à rien. Parce qu’on saute vraiment dans le noir, c’est presque comme sauter dans le vide. Tu ne sais pas s’il y aura un requin ou autre chose en dessous de toi à ce moment-là. Je m’étais dit " tu sautes dans l’eau et après tu comptes tes coups de bras et quand tu arrêtes, tu recomptes tes coups de bras et tu repars à zéro ". C’est ce qui m’a permis de ne pas penser aux requins ou aux orques. »
Seulement accompagné du bateau et d’un kayakiste, il a finalement dû abandonner cette épreuve d’endurance extrême.
« J’étais très malade et je vomissais beaucoup. Il a fallu que j’arrête parce que je n’étais plus capable de manger. Il faisait extrêmement froid et j’étais en train de tomber en hypothermie sévère. Quand je suis sorti, je faisais 31 de température et il me restait un bon quatre heures à nager », a-t-il dit en affirmant avoir pris la bonne décision. Il est toujours prêt à se relever et à aller plus loin.
Touchée-coulée à 5 mètres de la ligne d’arrivée
Les eaux de l’Île-du-Prince-Édouard ont été tumultueuses aux Jeux du Canada de 2009. À ces Jeux, la canoéiste membre de l’équipe du Québec Laurence Vincent Lapointe a fait le plus long 200 mètres de sa carrière. En fait, il s’agit plutôt d’un 195 mètres, car son canoë a tellement pris d’eau qu’il a coulé à cinq mètres de la ligne d’arrivée !
Une tempête sur la côte Atlantique avait forcé les organisateurs de la régate à constamment repousser les épreuves en raison de la forte houle sur le plan d’eau. Les journées de substitution étant épuisées, les dernières courses avaient finalement été présentées dans des conditions loin d’être idéales.
Au départ des qualifications du C-1 200 mètres, l’eau avait déjà commencé à s’infiltrer dans les bateaux des participantes à cause des vagues passablement hautes. Les officiels ont pu échopper l’eau de certaines embarcations avant le départ, mais pas pour toutes, dont la Québécoise.
« Je suis au départ et le bateau se remplit encore et encore. J’avais au moins trois pouces d’eau à la grandeur avant que la course commence. Et quand je commence à ramer, toute l’eau se retrouve en arrière. Plus j’accélérais, plus le derrière de mon bateau était lourd et plus il calait. »
La canoéiste qui est alors en deuxième place était en fait davantage dans une course contre la montre pour franchir la distance que pour devancer ses adversaires.
« Je criais après mon bateau pour l’encourager, mais petit à petit, je sentais qu’il calait. À une bouée de la fin, il s’est complètement rempli et j’étais comme le Titanic. J’essayais d’être positive, mais ça n’a pas fonctionné. Je poussais et je n’ai pas lâché, ce qui me décrit pas mal », se remémore-t-elle en riant en prenant soin d’ajouter que tout de suite après cette journée où elle avait aussi coulé à l’épreuve de 2000 mètres, elle s’est acheté un nouveau bateau.
Après les qualifications du 200 mètres, l’équipe du Québec a déposé un protêt, car toutes les participantes n’avaient pas pu prendre le départ avec un bateau vidé de leur eau. La demande a été acceptée et Vincent Lapointe a pu participer à la finale où elle a décroché la médaille de bronze.
Florence Maheu perd un kayak
La sélection nationale de 2016 est loin de s’être déroulée comme prévu pour la kayakiste en eau vive Florence Maheu. La compétition se déroulait aux installations de Rutherford Creek, un parcours artificiel près du village de Pemberton, en Colombie-Britannique.
Lors d’un entraînement, l’athlète de Salaberry-de-Valleyfield a chaviré et, devant les prochains rapides, a dû abandonner son embarcation pour sortir la tête de l’eau et gagner la rive à la nage. Toutefois, son bateau a coulé et les sauveteurs n’ont pas été en mesure de le repêcher à temps.
« J’ai essayé d’escamoter plusieurs fois et je savais que l’autre rapide approchait et je ne voulais vraiment pas passer ça à l’envers et j’ai décidé de sortir de mon kayak, a-t-elle raconté. Au bout de la rivière artificielle, rien n’empêche l’eau de se déverser dans la rivière naturelle. Il a continué et on ne l’a jamais retrouvé. »
Sans kayak, d’une valeur d’environ 2500 $, elle ne pouvait prendre part à la sélection qui avait lieu quelques jours plus tard. Si certains étaient prêts à lui prêter une embarcation pour l’entraînement, ce n’était pas possible pour la compétition.
« J’avais vendu mon ancien kayak à quelqu’un que je connaissais à Valleyfield. Mon père est entré en contact avec cette personne-là et elle a accepté que je l’utilise. Il a alors pris l’avion avec mon kayak et me l’a amené à Whistler le lendemain », s’est-elle souvenue.
Après la première journée, elle était tout juste à court d’une sélection et lors de la deuxième, elle a malheureusement chaviré à nouveau sans qu’elle puisse escamoter, mais son kayak a pu être rattrapé cette fois-ci. Si elle n’a pas fait partie de l’équipe canadienne senior cette année, elle était tout de même de la formation des moins de 23 ans. Depuis, elle n’a jamais raté une sélection chez les seniors et a également obtenu sa qualification pour les Jeux de Tokyo.
Autre point important, une grille est maintenant installée à la fin du parcours de Rutherford Creek pour retenir les bateaux.