VICTORIA, Seychelles - L'Agence mondiale antidopage (AMA) a réadmis la Russie malgré une vague de protestations, mettant fin à une suspension de près de trois ans pour avoir mis sur pied un système de dopage étatique.

L'AMA a précisé que sa commission exécutive de 12 membres a voté en faveur de la réadmission de la Russie « sous strictes conditions ». Elle a été qualifiée de « la plus grande trahison envers les athlètes propres de toute l'histoire olympique » par l'avocat du lanceur d'alerte qui a aidé à mettre à jour le complot russe.

La Russie réinstaurée, « déception et trahison »

L'agence a décidé de réadmettre la Russie après avoir fait marche arrière sur deux conditions clés qu'elle avait elle-même exigées, soit que la Russie accepte un rapport qui a conclu à l'implication du gouvernement dans ce système de dopage et de camouflage de cas positifs, et que la Russie donne accès aux preuves qui lui ont servi pour discréditer le laboratoire de Moscou.

En annonçant que l'Agence russe antidopage (RUSADA) était maintenant conforme, l'AMA a indiqué qu'elle serait soumise « à de strictes conditions ». Il y a maintenant « un échéancier clair » pour que la Russie donne accès aux échantillons entreposés dans son laboratoire de Moscou à l'AMA, a déclaré son président, Craig Reedie. Mais aucune date n'a été annoncée.

Aucune mention d'une admission de conspiration de l'État afin d'aider des athlètes russes de la part de la Russie dans ce dossier n'a par ailleurs été évoquée.

Reedie a affirmé qu'une majorité des membres de la commission exécutive avait voté en faveur de la réadmission de la Russie, sans préciser le décompte des votes.

Des signes avant-coureurs de l'assouplissement de la position de l'AMA étaient survenus la semaine dernière, quand l'un de ses principaux comités a soudainement changé son fusil d'épaule et recommandé la réadmission de la Russie. Cette suggestion a entraîné de féroces critiques de la part du mouvement, certains au coeur même de l'agence, et d'athlètes de partout dans le monde opposés à la réadmission de la Russie.

La vice-présidente de l'AMA, la Norvégienne Linda Helleland, a indiqué qu'elle allait voter contre.

La RUSADA a été suspendue en novembre 2015 après qu'il eut été révélé qu'un système de dopage et de camouflage de résultats positifs avait été mis en place afin d'aider des athlètes russes à gagner des médailles aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014.

Aussi tôt qu'en mai dernier, l'AMA et la Russie semblaient dans une impasse dans ce dossier, tandis que les Russes refusaient de se plier aux deux conditions de l'agence.

Cette décision a été interprétée par certains comme étant une façon pour l'AMA, ainsi que pour le Comité international olympique, d'apaiser une superpuissance du monde du sport qui refuse d'admettre ses torts. La commission qui a voté en faveur de la réadmission de la Russie est composée de six personnes provenant du Mouvement olympique et de six autres des autorités gouvernementales.

« Les États-Unis gaspillent leur argent en continuant de financer l'AMA, de toute évidence impuissante à régler le problème de dopage étatique de la Russie », a déclaré Jim Walden, l'avocat de l'ex-directeur du laboratoire de Moscou Grigory Rodchenkov, à la source de cette affaire.

La Russie est heureuse

La vice-Premier ministre russe chargée des Sports Olga Golodets a salué  la levée de la suspension de l'agence russe antidopage Rusada par l'Agence mondiale antidopage (AMA), assurant qu'elle était le fruit d'un énorme travail réalisé ces dernières années dans la lutte contre le dopage.

« Nous saluons la décision de l'AMA. La Russie confirme son attachement aux principes d'un sport propre. Ces dernières années, un énorme travail a été effectué en Russie pour créer des conditions transparentes et claires » de lutte contre le dopage, a-t-elle déclaré, citée par des agences de presse russes.

L'avocat du diable : le retour de la Russie en athlétisme

Les autorités ont durci la politique antidopage, introduisant une responsabilité pénale au fait de se doper. En février 2016, l'AMA avait autorisé Rusada à mener de nouveau des programmes de contrôle antidopage, sous tutelle de l'agence antidopage britannique.

Le patron de Rusada, Iouri Ganous, a de son côté salué un premier pas, disant espérer que « nous avons commencé à tourner cette page sombre du sport russe et soviétique ».

« Nous avons beaucoup de travail devant nous. En premier lieu, il est nécessaire de rétablir la confiance, a-t-il poursuivi, assurant que nous ne pouvons plus nous permettre de tels scandales. Les sportifs doivent jouer selon les règles ».

L'AMA a annoncé jeudi la levée de la suspension de l'agence russe antidopage (Rusada), de nouveau déclarée "conforme" au code mondial antidopage après quasiment trois de suspension en raison du système de dopage institutionnel mis en place en Russie entre 2011 et 2015.

« Aujourd'hui, une grande majorité du comité exécutif de l'AMA a décidé de rétablir la Rusada comme conforme au Code, et ce seulement sous strictes conditions », a déclaré le président de l'AMA, Craig Reedie, cité sur le compte Twitter officiel de l'institution.

Le Canada exige une réforme de l'AMA

 

Le Centre canadien pour l'éthique dans le sport (CCES), en charge de la lutte antidopage au Canada, a réagi jeudi à la levée des sanctions contre la Russie en réclamant une réforme de l'Agence mondiale antidopage (AMA).

« Il est temps pour tous ceux et celles qui croient aux valeurs du sport et qui les placent avant les intérêts politiques et économiques d’exiger publiquement une réforme du sport international », indique le CCES dans un communiqué.

« Cela commence par une réforme de l’AMA. Par l’élimination du conflit d’intérêts inhérent à l’AMA. Par le retrait du CIO de l’AMA afin que celle-ci puisse réglementer le dopage de façon indépendante. Et, surtout, par la mobilisation et l’écoute des athlètes que l’AMA sert. Le CCES luttera pour ces réformes au nom de tous les athlètes canadiens, » a-t-il ajouté.

Le CCES a regretté la décision de l'AMA de réintégrer l'agence russe antidopage, suspendue depuis novembre 2015 pour son implication dans le système de dopage d'Etat dans le sport russe entre 2011 et 2015.

« Les athlètes propres du monde entier seront scandalisés par la décision du Comité exécutif de l’AMA", note le CCES, qui accuse l'AMA d'avoir agi "en secret et avec un manque total de transparence ».

« L’AMA a essentiellement dit aux athlètes du monde qu’elle se fiche de leur droit de concourir à chances égales », estime le CCES.

Autres Réactions :

La vice-présidente de l'AMA, la Norvégienne Linda Helleland a voté contre cette décision. « C'était une erreur de réintégrer Rusada (l'agence russe antidopage) avant qu'ils n'aient rempli toutes les conditions de la feuille de route de l'AMA, a aussi regretté la ministre norvégienne, candidate à la présidence de l'AMA en 2019. Aujourd'hui, nous avons échoué à l'égard des sportifs honnêtes dans le monde », a-t-elle insisté.

L'agence américaine antidopage (Usada) a sévèrement condamné jeudi la décision « déroutante et inexplicable » de l'Agence mondiale antidopage (AMA) de réintégrer la Russie.

Cette décision « porte un coup terrible aux athlètes propres dans le monde, a affirmé dans un communiqué Travis Tygart, le patron de l'Usada, alors que l'agence russe (Rusada) n'a pas rempli deux conditions restantes » fixées par l'AMA.

L'instance internationale demandait que les autorités russes acceptent publiquement les conclusions du rapport McLaren sur l'existence d'un système institutionnel de dopage et que le gouvernement russe donne accès à l'AMA au laboratoire antidopage de Moscou, au coeur de la triche pendant des années.

L'AMA « a envoyé un message clair au monde: nous faisons passer les désirs d'une petite poignée de dirigeants sportifs avant les droits de millions d'athlètes propres et avant les rêves de milliards d'amateurs de sport », a ajouté M. Tygart.

Il a également appelé à « réformer l'AMA pour lui donner le pouvoir de règlementer, comme tout bon comité de surveillance mondial doit le faire ».  

Le comité exécutif a décidé d'une date butoir - non précisée - d'ici laquelle la Rusada devra donner accès à l'AMA à ses échantillons et ses données provenant de son laboratoire de Moscou. Si cette date n'était pas respectée, le comité exécutif a pris un « engagement clair » à suspendre de nouveau l'agence russe, selon le compte Twitter de l'AMA.

La présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Dominique Laurent, s'est déclarée « très déçue » après la décision de l'Agence mondiale antidopage (AMA) de lever les sanctions contre la Russie.

La levée de suspension de la Russie, une onde de choc mondiale

« Je suis très déçue par cette annonce. Je trouve regrettable que l'AMA n'ait pas su écouter la communauté antidopage et les nombreux sportifs qui s'étaient élevés d'une même voix pour lui demander de différer sa décision », a déclaré la présidente de l'AFLD dans un communiqué.

« Tout ceci s'est fait dans une précipitation que je ne comprends pas. Si l'AMA a des raisons d'agir ainsi, elle aurait dû les exposer clairement et non pas donner l’impression qu'elle changeait les règles en cours de route », a poursuivi Dominique Laurent.

« Cette absence de transparence nuit gravement à la crédibilité de la lutte contre le dopage et risque de diviser ses acteurs », a-t-elle conclu.