Des excuses pour le système de dopage étatique mis sur pied en Russie sont maintenant prêtes à être présentées. Pas par le pays qui a ordonné cette vaste opération, mais par le chimiste qui a aidé les athlètes russes à tricher.

« Je suis extrêmement désolé envers tous les athlètes propres que nous avons bernés », a déclaré l'ex-directeur du laboratoire antidopage russe Grigory Rodchenkov dans une réponse transmise par son avocat à l'Associated Press.

Des remords similaires n'ont toujours pas été exprimés par les dirigeants russes, qui remettent en doute la légitimité des confessions de Rodchenkov et nient que le dopage ait été commandité par l'État. Rodchenkov, qui s'est enfui aux États-Unis pour dénoncer ce système, estime que les Russes « mentent et nient toujours ».

Rodchenkov a également critiqué le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour avoir avoir annulé les suspensions à vie des Olympiques imposées à des athlètes russes. Pour Rodchenkov, cette décision laisse entendre aux athlètes propres « qu'on ne se soucie pas d'eux ». Rappelant la véracité de témoignages remis en question pendant les audiences du TAS, Rodchenkov a maintenu que les athlètes étaient complices de ce programme de dopage et suivaient des « ordres strictes » de l'État.

Caché aux États-Unis, Rodchenkov nie que des agences américaines soient derrière ses dénonciations, comme le prétend le président russe, Vladimir Poutine.

« Comme d'habitude, Poutine est mal informé, a indiqué Rodchenkov dans son courriel transmis à l'AP. Je dis la vérité. Personne ne m'influence. »

Quand on lui demande si d'autres pays ont mené une campagne de camouflage comme la Russie, Rodchenkov répond : « J'ai assurément quelques doutes, mais il est difficile d'imaginer que quelque pays que ce soit ait eu notre niveau de supercherie ou un appui venant d'aussi haut ».

Rodchenkov a ajouté qu'on n'allait pas le dissuader d'exposer d'autres duperies, bien qu'il admette craindre pour sa vie aux États-Unis, où il vit séparé de sa famille.

Les preuves divulguées par Rodchenkov au sujet du complexe complot d'échange d'urine aux Jeux d'hiver de Sotchi ont mené à l'exclusion d'une grande partie de la délégation russe des Jeux de Pyeongchang. Les seuls Russes présentement en Corée du Sud sont les 168 qui ont été approuvés par le Comité international olympique (CIO) afin de représenter les athlètes olympiques de Russie.

Des doutes au sujet des preuves amenées par Rodchenkov ont toutefois été soulevés le mois dernier, après qu'il eut témoigné devant un panel de juges du TAS lors de l'appel de 39 de ces athlètes exclus. La disqualification de 28 d'entre eux a été renversée, puisqu'on a jugé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves démontrant qu'ils ont contrevenu aux règles antidopage. Ils n'ont toutefois pas été complètement exonérés et 11 sont toujours disqualifiés.

« Cette décision du TAS au sujet de ces 39 athlètes est inacceptable, souligne Rodchenkov. Les exigences étaient trop élevées. Le TAS aurait dû tenir compte de toute la preuve camouflée par la Russie au CIO et à l'Agence mondiale antidopage (AMA), ce qui aurait confirmé davantage leur culpabilité. Tout ce procédé lance un message clair aux athlètes propres: nous ne nous soucions pas de vous.

« Le mépris du TAS à l'endroit (de l'enquêteur de l'AMA Richard) McLaren, (du président de la commission disciplinaire du CIO Denis) Oswald et (du président de la commission d'enquête du CIO Samuel) Schmid est honteux et tellement irrespectueux. »

C'est McLaren qui a initialement vérifié les allégations de Rodchenkov au sujet d'athlètes ayant utilisé un cocktail de produits dopants et qui ont utilisé de l'urine stockée longtemps d'avance, puis échangée avec celle recueillie aux JO 2014.

« Les athlètes russes étaient absolument au courant de ce programme de dopage et ont suivi des ordres stricts des autorités. [...] Aucun de ces athlètes est innocent. »

Le vice-premier ministre russe, Vitali Moutko, qui était impliqué dans ce programme à titre de ministre des Sports à l'époque, a récemment déclaré à l'AP que les allégations de Rodchenkov ont rapidement été taillées en pièces par le contre-interrogatoire du TAS.

« Les commentaires de Moutko sont sans importance et faux, répond Rodchenkov. J'ai donné des preuves solides. Mon journal de bord a raconté l'histoire, comme les documents que j'ai fournis. Tout a été noté, les faits et gestes de tous les hauts dirigeants suivis de près. Le CIO n'aurait pas dû précipiter l'appel. Il aurait d déposer en preuves les résultats du LIMS (Laboratory Information Management System) en preuves: je suis persuadé que des résultats prouvant la culpabilité de ces athlètes ont été sauvegardés. »

Le système mis en place pour les Jeux de Sotchi était supervisé par les services secrets russes, le FSB.

« De l'urine propre a été récoltée sur une longue période, remontant à 2013, a expliqué Rodchenkov. Elle était entreposée à Sotchi par le FSB. Les athlètes, leurs entraîneurs ou quelqu'un de leur entourage devait m'apporter les formulaires de contrôle de dopage à mon bureau. C'était une machine bien huilée. »

Le manque d'empressement de l'Agence antidopage russe à admettre sa culpabilité retarde sa réadmission au sein de l'AMA.

« C'est un plus grand problème encore. La Russie ne coopère pas (avec l'AMA), note Rodchenkov. Ils mentent et nient. Tant que ça ne changera pas, leur comité olympique ne devrait pas être réadmis aux Jeux. »

Quand on lui demande si des dénonciateurs ont tenté de le joindre, Rodchenkov souligne que « dans les circonstances actuelles, il serait impossible pour eux de le faire ».