Fantasme pédestre
$content.firstChildCategorie mercredi, 9 juil. 2014. 19:30 mardi, 12 juil. 2011. 19:58C’était un vieux fantasme que j’entretenais depuis des années. J’avais ce grand désir de le réaliser cet été. Alors, ne reculant devant aucune distances (!), j’ai roulé jusqu’à l’Île-du-Prince-Édouard (à 1200 km de Montréal) pour aller à la rencontre de certaines des plus belles plages de sable de l’est du continent. Et c’est là que j’ai enfin pu assouvir ce fantasme qui me dévorait tant. Courir pieds nus sur une plage!
Et oui, juste cela. Je vous sens un peu déçu. Pour un coureur comme moi, cela relève du fantasme. J’en avais tellement entendu parler et lu sur le sujet. Oh, bien sûr, j’avais déjà fait quelques petites courses sans mes chaussures sur des plages sablonneuses du Québec, mais seulement pour de très courtes distances. Et j’avais toujours l’impression de déranger les gens qui s’y prélassaient.
Je cherchais des plages désertes s’étendant sur des kilomètres. Des plages qui donnent sur la mer, pas sur un lac ou une baie. Il y en a dans le sud, mais même les merveilleuses plages des Club Med sont trop populeuses. Et dès qu’on en sort, on réalise que la réalité des habitants est toute différente de celle des touristes qui s’y rendent.
L’Île-du-Prince-Édouard est la plus petite province du Canada. Après avoir franchi le pont de la confédération, on peut en faire le tour en une seule journée à bord de notre voiture. Cette île est bordée de plages de sables blanc ou rouge, de falaises et de dunes à couper le souffle. Il n’y a qu’à rouler et à s’arrêter le long du littoral pour découvrir des paysages saisissants. Si on dit qu’au Québec il y a un lac pour chaque habitant, à l’Île-du-Prince-Édouard c’est probablement une plage pour chaque insulaire. En 4 jours de visite, je n’ai vu qu’une seule piscine derrière une résidence.
Armé d’une carte routière et de mon GPS je suis parti à la chasse de ma première plage déserte. Mon épouse m’accompagnait dans ma quête. Nous nous sommes surtout concentré sur la pointe est de l’Île. Notre premier arrêt nous a mené à une plage faite de gravier, celle de Stewart Point, près de Flat Creek. Complètement déserte. Je me croyais au paradis. Mais il y avait tellement de coquilles de différents mollusques vides ou cassés que j’aurais pu me blesser la plante des pieds en courant. J’ai fait quelques pas avant de finalement me tremper les pieds dans la mer en complète admiration avec le paysage.
Pendant les jours qui ont suivi, nous avons visité de nombreuses plages, utilisant des routes de gravier qui coupaient à travers les champs rouges de pommes de terre. À chaque fois, nous découvrions des plages magnifiques, complètement libres. Seul le bruit des vagues venait troubler le silence. Avions-nous le droit de venir ici? On s’est souvent posé la question. Pourtant oui. Les plages appartiennent à tous.
C’est finalement sur la plage de Naufrage Harbourg que j’ai réalise mon rêve. Après un arrêt à St-Peters pour goûter à la chaudrée de fruits de mer mondialement connu de The Chowder Factory, nous avons stationné notre voiture près des centaines de cages à homard qui jonchaient le petit quai de ce village de moins de 100 habitants. Pas du tout un coin à touristes. Et pour s’y rendre, on doit faire une confiance totale au GPS. Pour en revenir aussi!
Il n’y avait personne. Les pêcheurs étaient en mer et le petit village semblait endormi. Seul un immense oiseau de proie, un jeune pygargue à tête blanche, nous observait perché sur le haut du petit phare. Il semblait songeur. Étions-nous comestibles?
Après avoir contourné le quai, nous avons aperçu cette plage de plusieurs kilomètres composée uniquement de sable rouge. Wow. Un sable fin et doux. Le vent soufflait et poussait de grosses vagues d’eau froide jusqu’à nos pieds. Comme dans un rêve, j’ai retiré mes chaussures et suis parti. En m’éloignant, j’ai jeté un coup d’œil par dessus mon épaule pour voir mes ASICS 2160 délassés reposant dans le sable. Je les trompais pour la première fois!
Premier constat, courir sur une plage est vraiment différent d’une course sur route. L’angle incliné du rivage et le sable qui s’enfonce légèrement à chaque pas réduit considérablement notre vitesse. Deuxième constat, sans GPS il est très difficile d’évaluer la distance courue. La plage de sable rouge de Naufrage Harbourg n’offre aucun point de repère. Après une quinzaine de minutes de course je me suis retourné. Était-je loin de mon point de départ? Je ne voyais plus mes chaussures sur le sable. N’eut été de mon épouse que j’apercevais au loin, il m’était impossible d’évaluer la longueur de mon parcours. Pas de gros arbres ou d’édifices me rappelant mon passage. Même mes traces de pas étaient immédiatement effacées pas les vagues. J’ai adoré ce sentiment d’immensité.
Si c’est à Naufrage Harbourg que j’ai réalisé mon fantasme, c’est cependant sur la plage de sable blanc de Crowbush Cove, derrière le complexe de golf de renommée internationale, que j’ai connu mon plus beau moment. Cette fois, mon épouse a couru avec moi. Encore une fois, personne sur cette longue plage, si ce n’est quelques touristes égarés. Pas de pygargues à tête blanche mais trois petits pluviers siffleurs. Ces petits oiseaux rares ont vu leur habitat naturel détruit par l’homme sur de nombreuses plages de l’île.
Nous avons couru trente minutes. Le vent, les vagues, le sable chaud… nous étions au paradis. J’aurais aimé courir d’avantage dans l’eau, mais je redoutais les méduses rouges qui pullulaient. Tous les deux, nous avons couru avec un large sourire sur le visage. L’eau avait damée le sable si bien que nos talons s’enfonçaient à peine dans le sable.
C’est avec regret que nous avons mis un terme à notre petit jogging. Nous ne ressentions pourtant aucune fatigue, mais nous devions faire nos bagages et revenir à Montréal.
Depuis, je suis à la recherche d’un autre fantasme que je pourrais offrir à mes pieds. Pas facile de battre la douceur du sable.