Félix-Antoine Lapointe, entraîneur de champions
Course à pied dimanche, 26 nov. 2017. 07:56 jeudi, 12 déc. 2024. 03:38
Dans le milieu de l’athlétisme canadien, Félix-Antoine Lapointe n’a plus besoin de présentation. À cinq reprises lors des six dernières années, l’entraîneur-chef de l’équipe d’athlétisme du Rouge et Or de l’Université Laval a reçu l’Athlètas d’entraîneur de l’année lors du gala annuel organisé par la Fédération québécoise d’athlétisme (FAQ).
Depuis qu’il est à la barre du Rouge et Or en 2011, Lapointe a toujours guidé la formation masculine de l’université québécoise jusqu’au titre provincial. L’année dernière, il a mené cette même équipe à son premier titre national. En 2016, il faisait partie du personnel d’entraîneur de l’équipe canadienne lors du Championnat du monde d’athlétisme en Ouganda. Malgré son jeune âge, il n’a que 30 ans, sa liste d’honneurs reçus est tout aussi impressionnante que le palmarès des coureurs qu’il dirige.
J’ai eu le grand bonheur de discuter avec lui lors du plus récent gala Athlètas de la FAQ. Une agréable conversation que je partage avec vous cette semaine.
Félix-Antoine, parle-moi d’abord de ton parcours. Avant d’être un entraîneur réputé, tu as toi-même été un coureur.
Lors de mes études collégiales et universitaires, j’étais un coureur de 400 et 800 mètres. Puisque j’étudiais en éducation physique, j’entraînais également des jeunes du secondaire en athlétisme. Alors que je terminais mes études à l’Université Laval, j’ai eu la chance d’agir à titre d’entraîneur adjoint pour cette institution. L’entraîneur-chef de l’époque a quitté au moment où je graduais. Même si j’étais un jeune entraîneur à l’époque, je me suis permis d’appliquer sur le poste. Je suis probablement né sous une bonne étoile car j’étais à la bonne place au bon moment. Imaginez, j’ai été nommé entraîneur-chef du programme du Rouge et Or de l’Université Laval il y a maintenant 7 ans alors que je n’avais que 23 ans! Depuis, je crois avoir beaucoup progressé tout comme le programme du Rouge et Or qui s’est beaucoup amélioré et dont les années à venir sont prometteuses. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs excellents athlètes, dont l’Olympien Charles-Philibert Thiboutot.
Quelle est la clé de ton succès? Quelle est ton approche par rapport à l’entraînement de tes athlètes?
Il y a trois points qui sont importants. Le premier est la communication. Je cherche à avoir une bonne relation avec les athlètes que je dirige et qui sont sérieux dans leurs parcours. Ça devient alors plus facile de créer un climat de collaboration. Le second point est l’individualisation. Un bon programme d’entraînement peut être intéressant pour un athlète X, mais ne sera peut-être pas l’idéal pour un athlète Y. Je dois donc regarder quels sont les besoins exacts de l’athlète et adapter le programme pour lui. Enfin, je prône la constance. Pour réussir et s’améliorer, un athlète doit s’entraîner sérieusement avec une bonne charge de travail semaine après semaine et mois après mois. Je m’assure également qu’il ne se blesse pas et qu’il demeure en santé et motivé.
Crois-tu être un entraîneur qui innove ou si tu utilises de bonnes vieilles techniques d’entraînement éprouvées?
Un mélange des deux. Je regarde ce qui a bien fonctionné au cours des dernières décennies en athlétisme et je l’adapte à la réalité de chaque athlète. Je peux apporter de petites modifications, mais qui peuvent faire toute la différence.
Le 12 novembre dernier, à Victoria, le Rouge et Or a remporté le bronze tant du côté des hommes que des femmes au Championnat canadien de cross-country. L’équipe masculine cherchait à défendre son titre. Est-ce une déception?
Honnêtement, le bronze des hommes est une petite déception. Mais un de nos meilleurs athlètes, Antoine Thibault, avait contracté un virus la veille de la compétition et n’a pu prendre le départ. Ce n’est donc pas si mal de s’en sortir avec une troisième position. Ça fait tout de même six années de suite à l’Université Laval que nous sommes dans le trio de meneurs (top-3) au Canada. C’est une belle séquence. D’ailleurs, nous travaillons très fort pour recruter de bons athlètes qui se joindront à notre programme lors des prochaines années pour poursuivre cette heureuse séquence. Nous avons cependant eu une belle surprise du côté féminin avec la troisième place au niveau national. C’est la première fois dans l’histoire de l’Université Laval que nous avons une médaille de cette importance chez les femmes. Ça faisait plus de 15 ans au Québec qu’il n’y avait pas eu un programme universitaire de cross-country féminin médaillé.
Au niveau individuel, Yves Sikawubo a terminé premier pour une seconde année de suite. Est-il le genre de coureur dont rêvent tous
les entraîneurs?
Je le confirme. C’est un jeune homme au talent exceptionnel et c’est un plaisir de travailler avec lui! Lorsqu’on le regarde courir, on réalise que c’est naturel. Sa foulée est très fluide. Il a une belle efficacité, est technique et relâché. Dans les 20 dernières années, il n’est arrivé qu’à trois reprises qu’un coureur soit sacré champion deux années consécutives. Il termine sa période d’admissibilité universitaire et son défi sera de se tailler une place sur la scène civile nationale et internationale. D’ici quelques années, il peut aspirer à être suffisamment compétitif pour participer à des Jeux olympiques s’il travaille fort. Nous allons cibler le 10 000 mètres, lui qui était habitué de faire des 1 500 mètres et 5 000 mètres sur piste. Je le ferai également participer à des demi-marathons pour améliorer son endurance. Il me fait penser, en termes de talent, à Charles Philibert-Thiboutot.
Parlons-en de Charles Philibert-Thiboutot. Tu travailles avec lui depuis tes débuts chez le Rouge et Or. Sous ta gouverne, il a participé aux Jeux olympiques de Rio, à des courses de la Diamond League et au Millrose Games. Il est le champion canadien du 1 500 mètres. Est-il l’athlète qui t’a le plus impressionné depuis que tu es entraîneur?
Oui, sans hésitation! Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, j’étais un jeune entraîneur et il était un jeune athlète. Nous avons appris l’un de l’autre et progressé ensemble. C’est véritablement un travail d’équipe. C’est stimulant de travailler avec lui. Malheureusement, 2016 fut une année difficile. Il a été victime de blessures et a été incapable d’améliorer ses meilleures marques personnelles. Mais il a connu un bel automne 2017 et nous voulons prouver qu’il a ce qu’il faut pour rivaliser avec les meilleurs au monde. On espère qu’il connaitra une bonne saison intérieure, ce qui le mettrait en confiance pour la prochaine saison estivale où il souhaite refaire sa place parmi les meilleurs au monde au 1 500 mètres. C’est dommage que l’on se base sur les chronos de 2017 pour déterminer les participants aux prochains Jeux du Commonwealth de 2018, en Australie. Charles n’y sera donc pas. Par contre, s’il fait bien en salle cet hiver, il pourrait participer aux Championnats du monde intérieur sur 1 500 ou 3 000 mètres qui se dérouleront en mars prochain en Angleterre. On travaille également pour qu’il retrouve sa forme à temps pour les Championnats du monde de 2019 au Qatar et les Jeux olympiques de 2020 à Tokyo.
Partages-tu cette impression que l’athlétisme est en train de devenir un sport cool auprès des jeunes des niveaux secondaire, collégial et universitaire?
C’est effectivement un sport qui gagne de plus en plus en popularité. On ne se fera toutefois pas de cachettes, au secondaire ce sont les sports collectifs qui sont encore les plus attrayants. Mais l’athlétisme se démarque de plus en plus dans ce groupe d’âge. Pour ce qui est des athlètes d’âge collégial ou universitaire, la popularité augmente encore plus. C’est aux différents intervenants du secondaire, des cégeps et des universités de même qu’à la Fédération québécoise d’athlétisme de continuer à faire connaitre ce sport. L’athlétisme est sur une bonne lancée. D’avoir des leaders ou des modèles comme Charles Philibert-Thiboutot aide beaucoup à influencer les jeunes à se tourner vers l’athlétisme.
Serait-il possible lorsqu’on repère de jeunes talents, d’avoir un système qui permettrait de mieux les accompagner tout au long de leurs parcours scolaire?
On doit être capable au Québec d’offrir à ces jeunes athlètes un encadrement allant du secondaire jusqu’au niveau international. On s’améliore de plus en plus avec la structure des clubs civils, via les clubs au secondaire ou à l’université, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Ça pourrait passer, par exemple, par la création d’un réseau d’athlétisme sur la scène collégial. Il faut qu’on soit capable de garder au Québec les athlètes talentueux qui s’y trouvent.