MONACO (AFP) - L'annonce du contrôle positif à l'EPO de Marion Jones sonne comme une fin de carrière à 30 ans pour l'athlète américaine, dont le nom n'a cessé d'être prononcé dans des affaires de dopage depuis son triple sacre olympique aux Jeux de Sydney en 2000.

L'Australie: un bon et mauvais souvenir pour Jones, qui encourt une suspension de deux ans si l'échantillon B confirme son contrôle positif.

Elle avait certes établi un record à Sydney en remportant cinq médailles olympiques dans une même édition, trois d'or (100 m, 200 m et 4x100 m) et deux de bronze (longueur et 4x100 m), mais son mari de l'époque CJ Hunter, avait été privé des Jeux en raison d'un contrôle positif aux stéroïdes.

La sprinteuse était montée au créneau pour défendre le lanceur de poids, versant même quelques larmes en conférence de presse, avant de s'en séparer l'année suivante.

Jones était alors à son apogée sportive. Championne du monde du 100 m à deux reprises en 1997 et 1999, elle avait certes cédé son titre en 2001 à l'étonnante Ukrainienne Zhanna Pintusevich-Block, mais s'était immédiatement rattrapée en gagnant le 200 m et le 4x100 m. Sa défaite à Edmonton fut la seule en 60 finales sur la ligne droite entre 1997 et 2002.

Témoignages à charge

Reine des pistes, l'Américaine s'accaparait encore un peu plus la Une des médias en révélant au grand jour sa liaison avec son compatriote Tim Montgomery, en l'embrassant après son record du monde du 100 m (9.78), le 14 septembre 2002 à Paris.

La belle histoire vira rapidement au cauchemar. Trois mois après, Jones et Montgomery décidaient de quitter leur entraîneur Trevor Graham, qui est aujourd'hui au centre d'une enquête de la Fédération internationale à la suite du contrôle positif à la testostérone d'un autre de ses élèves, Justin Gatlin.

Le choix de son remplaçant, Trevor Francis, le dopeur du Canadien Ben Johnson, commença à ternir l'image de Jones.
La naissance de Tim Jr le 28 juin 2003 ne fut qu'une parenthèse heureuse puisqu'à l'automne, elle et son compagnon se retrouvèrent face à un grand jury fédéral californien dans le cadre du scandale du laboratoire BALCO.

L'ancien mari, CJ Hunter, sortit alors de sa retraite prise en 2001 pour déclarer aux enquêteurs qu'il avait vu Jones prendre de l'EPO, qui accroît la capacité du sang à transporter de l'oxygène, de l'hormone de croissance et une dernière substance surnommée "the clear" (la claire) avant les Jeux de Sydney.

Le témoignage fut corroboré quelques mois plus tard par le directeur du laboratoire BALCO lui-même, Victor Conte.

Sans équipementier

Jones démentit véhémentement en s'appuyant sur le fait qu'elle n'avait jamais été contrôlée positive. Sans l'être, Montgomery fut, lui, reconnu coupable d'infraction aux règlements antidopage sur la foi du témoignage d'une autre athlète, sa compatriote Kelli White.

Juste après sa suspension pour deux ans, il mit un terme à sa carrière.

Jones, elle, continua à courir, mais sans équipementier, Nike ayant rompu son contrat. Elle fut en outre boycottée en 2005 par la majorité des grandes réunions européennes, qui sanctionnaient tout autant son implication dans l'affaire BALCO que ses résultats sportifs en chute libre.

L'année 2006 semblait celle du renouveau. Après avoir conclu un accord à l'amiable en février avec BALCO, dans lequel elle renonce à une plainte pour diffamation contre le laboratoire, elle franchit pour la première fois depuis quatre ans la barrière des 11 secondes au Stade de France le 8 juillet (10.92).

Personne ne le savait alors, mais il s'agissait sans doute de son chant du cygne, puisqu'elle avait été contrôlée positive deux semaines plus tôt lors de sa victoire aux Championnats des Etats-Unis à Indianapolis.

Réactions

Guy Ontanon (entraîneur de la Française Christine Arron): "Honnêtement, je ne suis pas surpris. Tant qu'il n'y avait pas de preuves, elle était présumée innocente, mais elle avait quand même gravité dans pas mal de secteurs: CJ Hunter, Tim Montgomery, Trevor Graham, l'affaire Balco. Ca fait beaucoup de coïncidences pour elle. J'applaudis encore une fois la Fédération américaine qui fait une vraie chasse aux sorcières. C'est très positif de voir que les Américains sont prêts aussi à attraper leurs propres gros poissons. Cela fait deux signes forts cette année (après l'affaire Gatlin) et cela marque un vrai tournant dans la lutte antidopage. Il reste un travail de longue haleine à fournir aux Etats-Unis, car il y a une culture du beau corps et la prise de "vitamines" est monnaie courante. Ca foisonne dans les salles de musculation et les universités. Je suis déçu par l'attitude de certains organisateurs de meetings. Celui de Berlin a pris une décision courageuse en refusant d'inviter les athlètes de Trevor Graham. Les organisateurs de meetings ont la liberté de choisir leur plateau. Il y a certaines valeurs et moralités à respecter. Il ne faut pas participer à l'escalade. Les organisateurs de meeting sont acteurs du système et la surenchère autour de matches du type Gatlin/Powell peut engendrer certaines dérives."

Kim Gevaert (BEL/championne d'Europe du 100 m et du 200 m): "Je suis quand même surprise. C'était un cas très difficile, car rien n'était clair. Elle n'avait pas été condamnée, donc nous ne savions pas quoi dire, même si tout le monde avait des doutes. Le problème est de savoir ce qu'il faut faire. L'année passée, c'était comme si elle allait être punie, mais cette année elle était de retour. Elle n'avait pas été invitée à Bruxelles l'an dernier, mais cette année il n'y avait pas assez de preuves pour ne pas l'accepter. Tout ça était très vague. Elle était de nouveau là. On n'avait pas le choix."

Michelle Perry (USA/championne du monde du 100 m haies): "C'est malheureux, car il y a des athlètes qui travaillent dur chaque jour. Ca va être dommageable pour notre sport. C'est triste. J'espère que nous pourrons vite tourner la page et nous reconcentrer sur l'athlétisme."

Jean-Pierre Schoebel (FRA/directeur de la réunion de Monaco où Marion Jones devait initialement courir dimanche): "Nous l'avions invitée au meeting. Hier (vendredi) matin, nous avons appris par des bruits de couloir qu'elle avait quitté Zurich pour rentrer aux Etats-Unis. Dès que nous avons eu l'info, j'ai essayé d'appeler son manageur. Je n'ai pas réussi à la joindre donc je lui ai envoyé un courrier électronique et deux heures plus tard, il m'a informé qu'elle était rentrée aux Etats-Unis pour des affaires personnelles urgentes et m'a demandé de la rayer des listes de départ. Avant son départ, rien ne justifiait qu'elle soit évincée. On a été au courant de l'intervention de notre collègue de Berlin, qui a fait embargo sur un groupe (celui des athlètes de Trevor Graham, l'entraîneur de Justin Gatlin, contrôlé positif à la testostérone, ndlr), mais tant qu'un cas n'est pas jugé, il me semble difficile de prendre une telle décision."

Marion Jones en bref

Marion Jones en bref:
Nom: Jones
Prénom: Marion
Date de naissance: 12/10/1975
Lieu de naissance: Los Angeles (Etats-Unis)
Nationalité: américaine

Taille: 180 cm
Poids: 68 kg

Sport/Discipline: athlétisme/sprint

Palmarès:
Jeux Olympiques
100 m: 1re (2000)
200 m: 1re (2000)
4x400 m: 1re (2000)
4x100 m: 3e (2000)
Longueur: 3e (2000)

Championnats du monde
100 m: 1re (1997, 1999), 2e (2001)
200 m: 1re (2001)
Longueur: 3e (1999)
4x100 m: 1re (2001)

Meilleures performances:
100 m: 10.65 (1998)
200 m: 21.62 (1998)
400 m: 49.59 (2000)
Longueur: 7,31 m (1998)