Rachel Leblanc-Bazinet a voulu agir après les soupçons d’éviction de la présidente par intérim de la Fédération internationale d’haltérophilie (IWF). Cette athlète qui a rempli les critères pour participer aux Jeux de Tokyo a joint sa voix à un mouvement qui a eu un écho à travers le monde.

« Les athlètes de l’IWF ne resteront plus silencieux pendant que des gens détruisent notre sport et mettent en péril l’avenir de l’haltérophilie », peut-on entendre dans un extrait de ce message vidéo partagé notamment par elle et sa coéquipière Tali Darsigny.

Cette dernière admet avoir ressenti un certain malaise plusieurs jours et estime que les récentes actions du conseil exécutif de l’IWF pourraient avoir des conséquences plus importantes sur son sport que la COVID-19.

« Même avec la COVID, je peux m’entraîner. Je n’ai pas fait de compétition depuis longtemps, mais je trouve la motivation ailleurs, dans des objectifs personnels. C’est tout sur du court terme, dit-elle. Par contre, avec l’IWF, c’est l’avenir de notre sport à long terme qui est mis en jeu. C’est le sort des athlètes propres qui se décide et notre présence aux Jeux olympiques. […] C’est ce qui affecte plus les haltérophiles selon moi. »

Le Comité international olympique a menacé de revoir la place de ce sport aux Jeux de Paris, en 2024, même si l’haltérophilie figure au programme olympique depuis les premiers JO de l’ère moderne. L’athlète de Saint-Simon soutient que depuis le début de son mandat, l’Américaine Ursula Papandrea collaborait avec le CIO pour redresser la situation après le scandale de corruption qui a mené à la démission de son prédécesseur Tamas Ajan. Avec ses actions, elle apportait un vent d’optimisme.

« La goutte de trop »

Cette lueur d’espoir s’est éteinte lorsque Mme Papandrea a d’abord été remplacée brièvement par le Thaïlandais Intarat Yodbangtoey. Ce dernier représente un pays qui ne participera pas aux épreuves d’haltérophilie des Jeux de Tokyo en raison de multiples cas de dopage. Le Britannique Michael Irani a ensuite rapidement été nommé à sa place dans la même semaine.

« Ça démontre que la fédération n’est pas ouverte à faire une réforme et que la corruption et le dopage ne disparaîtront pas », déplore Rachel Leblanc-Bazinet, la représentante des athlètes à la fédération canadienne d’haltérophilie. « C’était la goutte de trop. Avant, ils faisaient un effort de le cacher, mais là, on voit qu’ils ne sont pas gênés de ce qu’ils font et que ça restera comme ça. »

« C’était le comble de l’illogisme, résume Tali Darsigny. Ce que nous voulons, les pays contre le dopage, c’est que l’IWF soit réformée au complet. On ne veut pas qu’elle décide à l’interne. On voudrait qu’il y ait de vraies élections et que ce soit fait dans les règles de l’art. »

Cette dernière a dédié près de 15 ans de sa vie à son rêve olympique pour répéter ce que son père Yvan Darsigny a accompli avant elle, en 1984 et en 1992.

« Personnellement, j’en suis bien fier et c’est en partie leur responsabilité de promouvoir notre sport propre. Le plus nous avons de représentants comme ça, le mieux c’est pour nos futurs haltérophiles », souligne M. Darsigny, leur entraîneur. Il ajoute que la volonté devra venir de l’IWF même.

Rachel Leblanc-Bazinet a ainsi collaboré à un mouvement pour réformer l’IWF qui a été lancé par la Britannique Sarah Davies, à la tête du comité des athlètes de la fédération. Une pétition a rallié près de 15 000 signatures.

Compétitions reportées

En plus du contexte lié à la COVID-19, ces nouvelles provenant de la fédération alourdissaient l’ambiance à l’entraînement. Malgré tout, les haltérophiles progressent et se préparaient notamment pour les Championnats du Québec, qui ont dû être reportés.

« Le moral remonte tranquillement pas vite. À deux reprises, on faisait des préparations et les compétitions ont été annulées, mais Tali et Rachel étaient en forme et on s’attendait à faire de bonnes performances », assure Yvan Darsigny.

Avec ses points accumulés durant la période de qualification olympique, Rachel Leblanc-Bazinet pourra représenter le Canada à Tokyo. Tali Darsigny pourrait aussi gagner sa place à la fin du processus qui doit être complété avec les Championnats panaméricains au printemps prochain. En plus de cette compétition, la suspension de pays en raison de cas de dopage pourrait changer la composition du classement à son avantage.

Et elles continueront de faire entendre leur mécontentement pour réclamer des changements.

« C’est épeurant. Pour nous, c’est la peur de se faire mettre dehors des Jeux olympiques de 2024 et c’est la même situation pour plusieurs. Tokyo 2020, ce n’est pas assuré à 100 %. Mon objectif suivant, ce serait 2024 », conclut Tali Darsigny.