Retirée dans la province de Frise, au nord des Pays-Bas, la ville d’Heerenveen n’est pas un arrêt obligé pour le touriste moyen. Mais pour les patineurs de vitesse longue piste, leur présence dans cette campagne d’un peu plus de 50 000 habitants représente bien souvent le moment le plus fort de leur saison.

Aux dires d’Antoine Gélinas-Beaulieu et de Laurent Dubreuil, rien n’équivaut l’expérience de vivre l’ambiance d’une compétition au Thialf, un anneau de glace bâti en 1967 et réaménagé dans les années 1980 pour en faire une surface intérieure. Dans cet endroit devenu mythique, quelque 12 500 spectateurs y célèbrent l’élite du patinage de vitesse longue piste.

« On ne vit pas ça souvent », rapporte Antoine Gélinas-Beaulieu, qui malgré plusieurs années d’expérience sur courte piste, peine à trouver le bon comparatif. « C’est un peu comme aller à un match des Canadiens au Centre Bell pour la première fois, sauf que là, on fait partie du spectacle. C’est incroyable ! » 

Bien préparé par ses parents, Robert Dubreuil et Ariane Loignon, deux patineurs de l’équipe canadienne durant les années 1980, Laurent Dubreuil avoue lui aussi vivre cette euphorie avec grand plaisir depuis sa première présence à Heerenveen, en 2012, à l’occasion de ses tout premiers Championnats du monde.

« Mes attentes étaient grandes, mais dès que j’y suis allé, je suis tombé en amour avec la place. Toutes les fois, c’est une expérience incroyable. La ville vibre au rythme du patinage et c’est toujours plein à craquer. Il y a de l’ambiance et les gens font un party dans les estrades. Ils sont vraiment contents d’être là ! »

Des anecdotes éloquentes

Certes, le Thialf se démarque par l’unicité de son ambiance, mais celle-ci ne serait rien sans l’amour inconditionnel que le peuple néerlandais voue au patinage de vitesse sur longue piste. « Pour eux, c’est culturel », rapporte Dubreuil, dont le livret d’anecdotes ne cesse de s’épaissir.

Il se souvient avoir assisté en 2012 à une scène particulière mettant en vedette la légende locale Sven Kramer, neuf fois médaillé olympique, de même que la Reine Béatrix. « Elle (Béatrix) s’était déplacée en hélicoptère spécialement pour le 5000 m de Kramer et elle était repartie tout de suite après la course. Le patin, c’est gros à ce point là-bas. »

Dubreuil a aussi eu la chance de plonger dans la culture néerlandaise à quelques occasions depuis 2019, en logeant chez des habitants qui avaient gentiment répondu à sa demande lancée dans les médias sociaux.

« J’avais envoyé un message pour trouver un endroit où demeurer pendant certaines compétitions. En Norvège, j’avais eu deux ou trois réponses en quelques jours, mais pour Heerenveen, c’était une quarantaine de retours en à peine deux heures. Tout le monde était prêt à recevoir un patineur de vitesse », explique le Lévisien qui se promet d’y retourner dans le cadre de ses compétitions futures.

L’athlète de 28 ans aimerait également compléter l’expérience néerlandaise en participant au Tour des 11 villes (Elfstedentocht), une classique vieille de 111 ans qui, lorsque les conditions le permettent, réunit près de 15 000 patineurs pour parcourir les 200 km de canaux gelés reliant les 11 villes de la Frise.

« La dernière fois, c’était en 1997 et si l’occasion se présente, j’aimerais y participer, même si ça risque d’être difficile pour un sprinteur, lance-t-il à la blague. C’est une tradition pour eux et quand ça arrive, le pays au complet a une journée fériée. C’est là que tu te rends compte à quel point le patinage est important pour eux. »

Des athlètes respectés

Non seulement les Néerlandais vibrent-ils au rythme du patinage de vitesse longue piste, mais leur passion pour ce sport se démarque aussi par le respect qu’ils vouent aux athlètes. Dans les bons comme dans les moins bons moments, comme le raconte Antoine Gélinas-Beaulieu.

« En 2019, j’avais chuté au départ du 1500 m. Je savais que ma course était terminée, mais comme sur courte piste, je me suis tout de suite relevé pour finir et les gens n’ont jamais arrêté de m’encourager. Après ça, je suis allé dans les estrades et tout le monde venait me voir pour des autographes et des photos », se rappelle le Sherbrookois.

Lieu de premières pour Dubreuil

En dépit de quelques passages plus difficiles, Heerenveen s’est avérée fructueuse pour Laurent Dubreuil, qui y a remporté sa première médaille en Championnats du monde lors de l’édition 2015, de même que sa seule et unique médaille d’or individuelle en Coupe du monde (2017).

« Juste le fait d’être là, ça me rend heureux. J’ai toujours été capable de me servir de l’énergie de la place pour obtenir de bons résultats », indique Dubreuil, qui a remporté cinq de ses onze médailles individuelles en Coupe du monde au Thialf.

Son passage à la Finale des Coupes du monde 2020, en février dernier, demeure toutefois son souvenir le plus précieux. Il gagnait alors trois médailles d’argent, deux au 500 m et une autre au 1000 m, devant ses proches. Mais surtout, pour une première fois devant sa petite Rose, alors âgée de 8 mois.

« C’est probablement la meilleure Coupe du monde de ma vie. Pour une première fois, ma famille au complet était là, mes parents, ma copine et ma petite fille. De vivre l’expérience de gagner ça devant eux, c’était vraiment spécial », conclut-il.

Laurent Dubreuil et Antoine Gélinas-Beaulieu espèrent renouer rapidement avec Heerenveen, ville sélectionnée par l’Union internationale de patinage (ISU) afin de créer une « bulle » et y disputer trois compétitions au début de 2021. Deux Coupes du monde y seront présentées entre le 22 et le 31 janvier et seront suivies des Championnats du monde, prévus du 11 au 14 février.