MONTRÉAL - Alors qu'elle s'apprêtait à vivre le point culminant de sa carrière, elle a subi la pire tragédie de sa vie. Mais le courage et la détermination de la patineuse Joannie Rochette ont contribué à mettre de côté la douleur éprouvée par le décès soudain de sa mère pour lui permettre de grimper sur la troisième marche du podium aux Jeux olympiques de Vancouver.

Rochette a touché le coeur des Canadiens lors de cette pénible semaine de février, et cette épreuve n'est pas étrangère au fait que les directeurs de l'information des médias canadiens lui aient attribué le titre de l'athlète féminine de l'année de La Presse Canadienne.

La patineuse de 24 ans de l'Île-Dupas a reçu 57 votes de première place, 11 de deuxième et 12 de troisième pour un total de 205 points au scrutin. Elle a devancé les patineuses de vitesse Clara Hughes (15-23-14, 105 points) et Christine Nesbitt (9-13-8, 61 points). La planchiste Maëlle Ricker et la skieuse acrobatique Jennifer Heil ont complété le top 5.

«C'est un super bel honneur, a déclaré Rochette, rencontrée quelques jours avant Noël. Je ne m'attendais vraiment pas à ça. Depuis les Jeux olympiques, j'ai reçu tellement une grande dose d'amour des Canadiens et des Québécois, j'ai de la difficulté à y croire. Mais c'est ce qui m'a aidée à passer au travers des Jeux de Vancouver. Ça me fait vraiment chaud au coeur que les gens pensent encore à moi et qu'ils m'aient accordé cet honneur.»

Plus que jamais, le scrutin 2010 aura forcé les électeurs à mettre de côté les résultats sportifs pour attribuer ce prix. Cette année, ce prix est devenu affaire de courage, de persévérance et d'abnégation.

«Pour une rare fois, je me suis senti obligé d'apprécier l'athlète de l'année au pays à partir de critères objectifs et subjectifs. Compte tenu de l'épreuve que Joannie Rochette a dû surmonter, il était difficile de ne pas mettre dans la balance son courage et sa force de concentration, deux ingrédients innés aux grands athlètes, a indiqué Denis Bouchard, rédacteur en chef du Quotidien du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elle a fait vivre de grands moments aux Canadiens et attiré l'admiration de la planète olympique.

«Elle a transcendé son sport, offert une performance athlétique extraordinaire et bâti son exploit autant sur son talent que sur des valeurs humaines chères aux amateurs, à une époque où tout se décline en chiffres. Nul doute, qu'elle est la personnalité qui a fait le plus grand bien à sa discipline. Elle règne dans la cour des grands de 2010 avec Sidney Crosby, Ryder Hesjedal et Alexandre Bilodeau.»

«On lui aurait pardonné de se retirer de la compétition de Vancouver pour pleurer le décès de sa mère, a ajouté Kevin Jesus, de Global Saskatoon. Mais elle a plutôt décidé de persévérer et de partager ses émotions avec tous. Elle s'est avérée une source d'inspiration pour de nombreuses personnes à travers le monde et pour cela, elle mérite pleinement d'être nommée athlète de l'année au Canada.»

Rochette, qui n'a participé qu'à une seule autre compétition officielle en 2010 (l'Omnium du Japon, qu'elle a remporté), est bien consciente qu'on lui a remis ce prix en raison de la force de caractère qu'elle a démontré lors des Jeux de Vancouver. Loin de s'en formaliser, elle l'accepte avec philosophie.

«Le patinage artistique, c'est tout sauf objectif! La subjectivité, il y en a partout dans la vie: qu'on se présente en entrevue pour obtenir un emploi ou que notre performance soit jugée, chaque petit détail peut influencer. C'est correct. Je sais que (le décès de) ma mère fait partie de tous les prix et de tous les honneurs que l'on me remet. C'est donc aussi en partie à cause du décès de ma mère que je suis athlète de l'année.

«Ça fait partie de mon histoire, je l'accepte. En même temps, c'est aussi grâce à ma mère que j'ai été capable de passer au travers. Je suis consciente de ce fait, mais ça ne m'empêche pas d'être très contente que les gens aient voté pour moi.»

Elle ne soupçonnait d'ailleurs pas qu'elle possédait en elle une telle force de caractère.

«Je pense qu'on ne sait jamais la force que l'on a tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas d'événements comme ça qui nous arrivent. Quand je repense à Vancouver, je me demande — encore aujourd'hui — comment j'ai fait pour passer à travers.

«On dirait que j'étais tellement prête pour ces Jeux-là, que je m'étais tellement entraînée. J'avais aussi une belle équipe de soutien autour de moi — mon psychologue sportif, mon entraîneure, ma famille, mon copain, le Comité olympique canadien. Et j'ai tellement reçu de messages de soutien de partout au Canada qui m'ont aidée à passer au travers. C'est à cause de toutes ces personnes-là que j'ai pu prendre position au centre de la glace pour mon programme court.

«De gagner une médaille après ces événements, c'était un peu au-dessus de mes espérances. D'être capable de patiner comme je l'ai fait, je me suis surprise moi-même.»

On sent la jeune femme encore fébrile, à la limite fragile. Toujours inactive au niveau amateur — elle participe toutefois à des spectacles professionnels — on sent que la page n'est pas tournée et qu'elle ne le sera jamais complètement.

«Je ne crois pas que des prix ou ma médaille olympique vont m'aider à passer au travers cette épreuve. Ce sont deux choses totalement distinctes. Oui, elles se rejoignent à un moment donné, mais ce sont deux choses totalement différentes.

«Je n'ai pas besoin de ma mère que dans ma vie sportive, j'ai besoin d'elle pour tout: mon mariage, les enfants que j'aurai un jour, etc. C'est certain qu'elle me manquera dans ces moments autant qu'elle me manque présentement.

«Ces prix font plutôt partie de l'aspect professionnel de ma vie, mais je les accepte avec beaucoup d'humilité. Je suis consciente de la façon dont mon histoire a pu toucher les gens.»