Jeux paralympiques : Marco Dispaltro, le passeur
Amateurs vendredi, 3 sept. 2021. 11:43 jeudi, 12 déc. 2024. 07:36Montréal – On ne fait pas de passes au boccia, mais Marco Dispaltro est assurément un passeur. Un passeur dans le sens où il est une personne qui transmet sa passion, ses connaissances et qui veut voir son sport grandir encore plus. Marco Dispaltro est à Tokyo où il a pris part à ses cinquièmes Jeux paralympiques, ses troisièmes à titre d’athlète.
Portrait d’un homme dont le rayonnement déborde du cadre sportif.
L’évolution sous ses yeux
« J’aurais adoré connaître le sport pour les personnes handicapées quand j’étais plus jeune. Quand j’ai découvert ça, j’ai voulu le partager le plus possible. Oui, je fais ma part au Canada, mais ma vision est plus globale que ça », indique-il d’entrée de jeu en entrevue avec Sportcom.
Il cite en exemple son coéquipier de l’équipe nationale Danik Allard, 20 ans, qui vit ses premiers Jeux au Japon.
« Ce petit gars-là, je l’ai rencontré en 2014 lorsque je me suis impliqué avec l’équipe junior des Laurentides. Là, il est aux Jeux et c’est super trippant de le voir ici ! Les gens me disent “ si tu continues à aider au développement comme ça, tu vas perdre ta place de joueur. ” Je n’ai pas peur de ça et si un jour il y en a d’autres qui me remplacent, ce sera ça. »
Dispaltro a aussi vécu l’expérience paralympique à titre de gérant de l’équipe canadienne de rugby en fauteuil roulant aux Jeux d’Athènes (2004) et de Pékin (2008).
À Tokyo, le joueur a fait une courte présence à la compétition de double BC4 où le pays était représenté par Alison Levine et Iulian Ciubanu qui ont vu leur parcours s'arrêter en ronde préliminaire avec une fiche de 1 victoire et 3 défaites.
À l’âge de 54 ans, Marco Dispaltro est un témoin privilégié du chemin fait par le mouvement paralympique, mais aussi de la reconnaissance du grand public envers ses participants. Comme il l’indique, l’ère n’est plus à la polyvalence, mais bien à la spécialisation. « Les athlètes sont devenus plus performants et c’est ça qui m’impressionne. »
Le Jérômien constate aussi une différence dans les services offerts aux athlètes paralympiques. Alors, que les Olympiens recevaient des paquets cadeaux qui contenaient un téléphone cellulaire à leur arrivée au village olympique, ceux des Paralympiens se résumaient souvent à des échantillons de shampooing et de dentifrice.
« Maintenant, nous sommes traités de la même façon que les athlètes olympiques et c’est vraiment cool ! »
S’arrêter ? Pas question !
Marco Dispaltro doit vivre avec la dystrophie musculaire de Becker, qui cause notamment une dégénérescence et une atrophie musculaire. Son quotidien a changé au fil des ans en raison de sa condition physique, mais s’en plaindre, pas question ! Au contraire, cela est pour lui une source de motivation pour la suite des choses.
« Je n’aurais jamais imaginé être encore sur la terre à l’âge de 54 ans. Mais là, je ne suis plus capable de m’asseoir dans mon lit, de m’habiller par moi-même et j’ai de la difficulté à me nourrir. Éventuellement, quand je ne serai plus capable de lancer une balle de boccia, je vais faire la transition avec une rampe (pour laisser rouler la balle). »
À ses débuts, il pouvait lober la balle en fond de terrain (10 mètres). Aujourd’hui ses lancers surpassent rarement les 4 mètres.
« On s’adapte tout le temps et je joue maintenant plus en précision. Je trouve ça merveilleux ! Tant que mon intellect va demeurer intact, je vais jouer au boccia et j’ai déjà de grosses attentes quand je vais faire la transition (vers la rampe). Je me vois aux Jeux paralympiques jusqu’à ce que mon corps me le permette. Avec une bonne tête et du sang froid, je me vois jouer facilement jusqu’à Brisbane (2032). Je fais souvent peur aux jeunes en leur disant que mon rêve c’est de mourir sur le terrain… mais c’est juste pour les effrayer un peu », lance le joueur en riant.
Cette confiance en soi et dans la vie l’a bien entendu aidé à passer à travers la pandémie et surtout, à surmonter la difficulté encore plus grande de recevoir de l’aide à domicile.
Dispaltro dit parfois regretter ne pas avoir fait les démarches pour obtenir sa citoyenneté suédoise, il y a quelques années, lorsqu’il dirigeait l’équipe de rugby en fauteuil roulant de ce pays. Là-bas, les ressources pour les personnes en perte d’autonomie sont plus généreuses, explique-t-il.
« Je ne veux pas me retrouver en CHSLD. La pandémie, ç’a été rough pour tout le monde. La qualité des services (à domicile) que j’ai reçus n’était plus la même. […] Par contre, ç’a été assez incroyable tout ce que les gens ont mis en place pour que l’on puisse continuer à s’entraîner et arriver aux Jeux paralympiques où on peut enfin croiser des gens que l’on n’a pas vus depuis deux ans », continue celui qui a arrêté de douter de sa présence à Tokyo juste au moment de prendre son vol pour le Japon.
Grâce à son réseau de contacts internationaux, il continue à partager sa passion et ses enseignements dans divers pays. Lors d’une présentation faite en Russie, il a constaté le traitement différent qui était réservé aux personnes handicapées dans ce pays, mais aussi comment la pratique sportive pouvait faire une différence pour elles.
« Mon plaisir le plus fou, c’est de voir qu’un de ces jeunes sera un jour aux Jeux paralympiques. Oui, ma mission première est d’aider le Canada en premier, mais ma mission globale, c’est de faire découvrir le sport. »