MONTRÉAL - Jamais une page blanche n'aura été aussi inspirante. C'est du moins de cette manière que l'haltérophile Kristel Ngarlem entrevoit les Championnats du monde qui se dérouleront du 1er au 10 novembre à Achgabat, au Turkménistan.

Ces Mondiaux seront les premiers présentés depuis que la Fédération internationale d'haltérophilie (IWF) a pris la décision de réformer les catégories de poids en juillet dernier, afin d'effacer le livre des records, jusque-là gangrené par le dopage.

« On recommence donc à zéro. Ce seront donc tous de nouveaux records du monde qui seront établis aux Mondiaux de 2018. Au fond, leur façon de contrer le dopage, c'est de dire: " On efface tout et on recommence ", a expliqué Ngarlem en entretien téléphonique mercredi. J'ai hâte de voir ce que ça va donner. Est-ce que les mêmes charges seront soulevées? Est-ce que nous serons dans un monde différent? Serons-nous dans la bonne voie ou non? Je crois qu'il fallait qu'une telle décision soit prise, afin que notre sport demeure au programme olympique. »

Ainsi, après avoir pris le pari de passer de la catégorie des moins de 69 kg à celle des moins de 75 kg au lendemain de son échec à se qualifier pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, la Montréalaise âgée de 23 ans s'est retrouvée, une fois de plus, devant l'inconnu en juillet.

Ngarlem est donc passée de la catégorie des moins de 75 kg à celle des 76 kg, et celle des 69 kg a été abaissée à 64 kg, un poids impensable pour la Québécoise qui fait généralement osciller le pèse-personne entre 74 et 75 kg. De plus, la catégorie supérieure est passée à 81 kg, un objectif inaccessible pour la principale intéressée. Elle croit néanmoins que sa décision lui a donné une longueur d'avance sur ses principales adversaires.

« Nous savions que de nouvelles catégories allaient être adoptées, mais nous n'avions aucune idée quant à savoir si elles allaient être à la hausse ou à la baisse, a confié Ngarlem. Depuis que l'IWF a annoncé les changements, ça m'a confirmé que j'avais fait le bon choix. Si j'étais demeurée chez les 69 kg, actuellement, je serais prise. Deux options s'offrent à toi; ou tu descends chez les 64 kg pour participer aux JO, ou encore tu montes chez les 76 kg. Sauf qu'on vient de l'apprendre, qu'il reste deux semaines avant les Mondiaux et moins de deux ans avant les JO. Ce n'est pas l'idéal pour s'adapter. »

Celle qui étudie la criminologie à l'Université de Montréal assure que l'adaptation à son nouveau poids n'a pas été trop difficile, et qu'elle se sent maintenant mieux dans sa peau.

« Je fais plus de volume d'entraînement, plus de préparation physique et évidemment, je mange pas mal plus, a-t-elle avoué candidement. Mais j'ai l'impression que je subis beaucoup moins de blessures (qu'à l'époque où j'étais chez les 69 kg), et lorsque j'en ai, elles sont beaucoup moins sérieuses. Bref, je suis un petit peu mieux dans mon corps. »

Une dynamique très différente

Les Mondiaux seront la première des six compétitions qui compteront pour les qualifications des Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Ce sera aussi la première à se dérouler depuis que l'Agence mondiale antidopage a décidé de réadmettre la Russie en septembre, mettant ainsi fin à une suspension de près de trois ans pour avoir mis sur pied un système de dopage étatique.

Ce retour, jumelé à l'instauration de nouvelles catégories de poids, contribueront indubitablement à l'imprévisibilité de la compétition.

« La Russie, la Chine, le Kazakhstan sont tous revenus, donc ils vont changer la dynamique de l'an dernier dans notre catégorie », a confié Ngarlem.

Cette dernière n'a d'ailleurs pas voulu s'avancer sur son objectif, en termes de classement, se limitant à dire qu'elle voulait faire un top-6 parmi les haltérophiles canadiens afin de conserver son financement auprès de la fédération nationale. Elle s'est plutôt fixé des objectifs en termes de charges, soit 102 kg à l'arraché et 132 kg à l'épaulé-jeté. Elle avait terminé au huitième rang des Mondiaux l'an dernier après avoir soulevé respectivement 99 kg et 128 kg.

« (Les Mondiaux) seront un bon baromètre. Nous avons réussi de bons résultats aux Mondiaux en 2017, et là, après l'analyse de la liste de départ, nous nous disons toutes: " Mon Dieu, sommes-nous inscrites à la même compétition? " C'est deux mondes complètement différents, mais ça sera un bon indicateur pour le reste du cycle olympique. »

« J'ose croire que des changements bénéfiques ont été apportés, a-t-elle ajouté. Nous, ensuite, nous verrons le nombre de tests antidopage qui seront faits sur place pendant la compétition. Ce sera, pour nous, un indicateur pour les résultats. »

Outre Ngarlem, Marie-Ève Beauchemin-Nadeau représentera également le Canada chez les 76 kg.