La Série mondiale de baseball oppose deux équipes qui n’ont pas gouté à la victoire ultime depuis très longtemps. Si le dernier championnat des Indians de Cleveland remonte à 1948, celui des Cubs de Chicago frappe encore plus l’imaginaire tellement il date d’une époque lointaine. Imaginez, les Cubs ont remporté la Série mondiale en 1908. Depuis, plus rien. Niet.

Au cours des derniers jours, les différents médias ont inondé leurs écrans et leurs pages de photos en noir et blanc de cette équipe d’il y a 108 ans dirigée par le gérant Frank Chance. Le premier constat qu’il est facile de dresser lorsqu’on regarde ces images d’une autre époque, c’est que le baseball a bien changé. Avec leurs souliers de cuir, leurs uniformes en laine ou coton et leurs petits gants, pas certain que ces joueurs seraient capables d’affronter les équipes d’aujourd’hui. C’est tout à fait normal puisque l’entraînement, l’équipement et l’alimentation ont tellement évolué en un siècle. Il serait ingrat de faire cette comparaison. C’était une autre époque.

Qu’en est-il de l’athlétisme maintenant? Jusqu’à quel point cette discipline a évolué au cours des 108 dernières années? Est-ce que les athlètes du début du XXème siècle pourraient rivaliser avec ceux d’aujourd’hui?

Voilà plusieurs questions auxquelles il est malheureusement impossible de répondre. Mais il n’est pas faux de croire que si les meilleurs athlètes de l’époque avaient eu accès aux facilités d’aujourd’hui et aux connaissances de la science moderne, ils auraient probablement été parmi les meilleurs également.

Quoi qu’il en soit, amusons-nous à comparer certains des résultats de 1908 avec ceux d’aujourd’hui. Le livre des records de l’athlétisme n’était pas encore très étoffé en 1908, si bien que les données les plus réalistes nous viennent des compétitions qui furent présentées dans le cadre des quatrièmes Jeux olympiques, à Londres. Cette année-là, le White City Stadium fut l’hôte des compétitions d’athlétisme du 14 au 18 juillet. Un peu plus de 2 000 athlètes de 22 nations participèrent à ces Jeux olympiques. La délégation canadienne était composée de 88 athlètes.

Le calendrier de compétitions d’athlétisme était bâti autour de 26 épreuves. Plusieurs de celles-ci ne sont plus à l’horaire de nos jours. Citons en exemple, le 3 miles par équipe, le 3 500 mètres marche, le saut en hauteur et en longueur sans élan ou le lancer du javelot style libre!

En athlétisme, tous les athlètes étaient des hommes. Il faudra attendre en 1928, aux Jeux olympiques d’Amsterdam, pour voir l’arrivée des femmes en athlétisme, et ce, au grand dam du baron Pierre de Coubertin qui s’y opposait avec vigueur.

À Londres, en 1908, c’est le Sud-Africain Reggie Walker qui remporta la course de 100 mètres. Son chrono de 10.8 secondes, un record olympique, est bien loin de la marque mondiale actuelle d’Usain Bolt (9.58). Au 200 mètres, soulignons la belle médaille d’or du Canadien Bobby Kerr en 22.6 secondes. Une éternité sépare ce chrono du record de Bolt, à 19.19 secondes. Kerr terminerait derrière les femmes en 2016 avec son résultat de 1908.

En 1908, un seul athlète est monté sur le podium du 400 mètres, soit le Britannique Wyndham Halswelle. Il termina une course en solitaire en 50 secondes pile! Il s’agissait en fait de sa deuxième course puisque la première avait vu la disqualification du vainqueur, l’Américain John Carpenter. Les officiels avaient jugé que Carpenter avait volontairement bloqué un autre concurrent. À l’époque, les couloirs n’existaient pas sur la piste et une certaine confusion pouvait régner. On décida donc de reprendre la course, mais celle-ci fut boudée par tous les participants en soutien à Carpenter. Seul Halswelle, sentant la bonne affaire, choisit de courir. C’est la seule fois de l’histoire qu’une finale sans adversaire fut courue.

Et le record actuel au 400 mètres? Il appartient au Sud-Africain Wayde van Niekkerk à 43.03 secondes. Il fut inscrit lors des plus récents Jeux olympiques, à Rio, le 14 août 2016. C’est donc 7 secondes plus rapide que le temps de Halswelle.

L’Américain Melvin Sheppard a quitté les Jeux de Londres avec trois titres olympiques et deux records olympiques, au 800 mètres (1 :52.8) et 1 500 mètres (4 :03.4). Il remporta également l’or au relais olympique, une épreuve qui n’existe plus. S’il pouvait ressusciter en 2016, il n’en reviendrait pas de l’évolution de ses records. Sur 800 mètres, c’est le Kenyan David Rudisha qui possède le temps le plus rapide et il l’a obtenu à Londres lors des Jeux olympiques de 2012 (1 :40.91). Au 1 500 mètres, c’est la légende marocaine Hicham El Guerrouj qui est toujours le monarque mondial avec un très rapide 3 :26.00! C’est 37 secondes plus rapide que Sheppard en 1908. Autant dire une éternité.

En ce qui a trait au marathon, c’est aux Jeux olympiques de 1908 qu’on fixa définitivement la distance qui est toujours la référence. La famille royale souhaitait voir le départ de la course être donné au château de Windsor et l’arrivée se dérouler face à la loge royale au stade olympique. Voilà qui explique l’originalité de la distance (42,195 kilomètres)!

L’Italien Dorando Pietri fut le premier à franchir le fil d’arrivée, mais il sera disqualifié quelques heures plus tard puisque des officiels l’avaient aidé à se relever après qu’il se soit effondré, totalement épuisé, à quelques mètres de l’arrivée. Cette « aide extérieure » était, bien sûr, interdite. C’est donc l’Américain Johnny Hayes qui s’est vu créditer de la victoire en 2h 55min 14sec.

S’il y a un record qui a beaucoup évolué lors du dernier siècle, c’est celui du marathon. Il fut fréquemment amélioré au cours des dix dernières années. C’est le Kényan Dennis Kimetto qui le détient grâce à sa performance au marathon de Berlin en 2014 (2h 2min 57sec).

Ces rapides comparaisons permettent de réaliser comment, en un seul petit siècle, les meilleures performances mondiales ont progressé. On court maintenant plus vite, plus loin et plus longtemps. On saute également plus loin ou plus haut. En 1908, l’Américain Frank Irons a fait un saut long de 7,48 mètres. Le record actuel est de 8,95 mètres. En ce qui a trait au saut en hauteur, le 1,90 mètre de l’Américain Harry Porter fait pâle figure face au 2,45 mètres du Cubain Javier Sotomayor. Et que dire du saut à la perche! En 1908, Edward Cook a remporté l’or en passant la barre à 3,71 mètres. Le Français Renaud Lavillenie a réalisé 6,16 mètres en 2014!

À tous ceux qui seraient tentés de sourire en consultant les résultats des Jeux de 1908, gardez-vous une petite gêne. N’oublions pas les différentes réalités de l’époque. Une des plus évidentes est que très peu de nations ont participé à cette olympiade. Qui sait si, dans 100 ans, ce ne seront pas nos records actuels qui feront rigoler nos descendants?