Vous dire que j’ai entendu parler de l’exploit du Kényan Eliud Kipchoge cette semaine serait un pâle reflet de la réalité. J’ai plutôt été submergé de commentaires et de questions portant sur cette performance extraordinaire de dimanche dernier (16 septembre) à Berlin. Kipchoge, 33 ans,  est alors devenu le premier coureur de l’histoire à passer sous la barre symbolique des 2h02 au marathon. Son chrono final de 2h01:39 lui permettait de battre par une minute et 18 secondes le précédent record réalisé par son compatriote Dennis Kimetto en 2014.  Un pas de géant!

 

Tout semble avoir été dit cette semaine sur ce record. Les temps de passage de Kipchoge proviennent d’une autre planète. Sa vitesse à la fin de l’épreuve était presque celle d’un sprinter! Il a complété les cinq premiers kilomètres en 14:24. Il s’est présenté au dixième kilomètre en 29 :01, au vingtième en 57 :26 et au trentième en 1h26 :45. Arrivé au quarantième kilomètre en 1h55 :32, il a réalisé qu’il pouvait fracasser le record plutôt que de l’améliorer par quelques petites secondes seulement. Résultat, 2:48 pour le 41e kilomètre et 2:44 pour le dernier. Boum!

 

La vitesse moyenne de Kipchoge sur les 42,195 kilomètres du parcours fut de 20,81 km/h. C’est 2 minutes et 53 secondes par kilomètre! Sans vouloir vous insulter, chers amis lecteurs, bien peu d’entre vous seraient capable d’atteindre et de maintenir une telle vitesse sur un 50 mètres! 

 

Encore une fois, le record du marathon a été amélioré sur le tracé berlinois. Ça devient une habitude, mais ce n’est pas un hasard c’est un endroit où la météo est souvent idéale. Kipchoge a profité de conditions parfaites. 20 degrés celsius, un temps sec et ensoleillé et pas de vent. Le parcours est plat et il comporte peu de courbes ou de virages accentués nécessitant une relance. Ce fut certainement un avantage pour le recordman.

 

Pourtant, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Des « lièvres » l’aidant à maintenir  son rythme de course devaient se relayer à ses côtés jusqu’au trentième kilomètre. Mais Kipchoge est parti tellement rapidement qu’il s’est retrouvé complètement seul au 25e kilomètre. Il a donc couru les 17 derniers kilomètres en solo. C’était totalement imprévu. Heureusement, son entraînement optimal lui a permis de conserver son rythme.

 

Il faut dire qu’il ne lésine pas à accumuler les kilomètres entre ses participations aux marathons les plus prestigieux de la planète. Kipchoge a l’habitude de courir un volume de plus de 200 kilomètres par semaine en variant énormément l’intensité de ses sorties. Et il prend bien soin de ne jamais se brûler pour garder ses énergies pour les grands moments comme ce fut le cas à Berlin.

 

Certains des commentaires émis à la suite de ce record comportaient des allusions au dopage. Selon moi, c’est peu probable. La courbe de progression du Kényan est régulière et son passeport biologique sans faute. Il a été champion du monde sur 5 000 mètres en 2003, champion olympique du marathon de Rio l’année dernière et vainqueur de sept marathons majeurs lors des quatre dernières années. Il a gagné trois fois à Berlin et trois fois à Londres. Sa technique d’entraînement, sa génétique et même sa diététique y sont pour beaucoup. Pas ses fameuses chaussures Nike Vaporfly 4 %!  Nous avons affaire à un véritable athlète de légende.

 

Usain BoltAvec la retraite d’Usain Bolt, le monde de l’athlétisme se cherche une nouvelle grande vedette. Ce titre devrait revenir à Kipchoge. Il est un des meilleurs coureurs de l’histoire et certainement le plus grand marathonien, mais il ne reçoit pas toute l’attention qu’il mérite. Si un homme parvient au cours des prochaines années à courir un marathon en moins de deux heures, ce sera lui! Un exploit que j’ai longuement assimilé à une utopie, mais qui semble pourtant vouloir se réaliser.

 

Un monde sépare Usain Bolt d’Eliud Kipchoge. Le premier est un sprinter massif et musclé doté d’une vitesse explosive. Il est une star planétaire. Le second est tout son contraire. Il mesure 1,67 mètre (30 centimètres de moins que Bolt) pour 57 kilos. Il est doté d’une endurance exceptionnelle lui permettant d’adopter une vitesse de croisière élevée et de la conserver longtemps. Mais il est encore trop peu connu.

 

Même si plusieurs croient que regarder un marathon est beaucoup moins spectaculaire que de suivre un 100 mètres, je crois que le petit homme pourrait prendre la place du géant jamaïcain dans le cœur des amateurs. Il est un homme intelligent qui gère bien sa carrière et qui projette une image de crédibilité. Son sport nécessite de la vitesse et de la stratégie.

 

Pour le moment, le nouveau recordman du marathon veut s’offrir du repos, le temps de digérer sone exploit. Son prochain objectif majeur sera de retrancher une quarantaine de secondes à son chrono de Berlin pour descendre sous les 2h01. Un défi de taille mais qui  n’est pas impossible pour un coureur comme Eliud Kipchoge.

 

Et après? Moins de 2h? On a le temps de s’en reparler.