La fin de l'ère de glace
Amateurs dimanche, 16 août 2015. 10:55 jeudi, 12 déc. 2024. 00:05Lorsque je pense à mon premier marathon à vie, celui d'Ottawa en 2004, ce n'est pas tant de l'événement dont je me souviens, mais plutôt des nombreuses heures d'entraînement consacrées à ma préparation et au bonheur ressenti lorsque j'ai finalement franchi le fil d'arrivée après près de quatre heures d'un effort soutenu et drainant. Pour la seule et unique fois de ma modeste carrière de coureur, j'ai eu rendez-vous avec le fameux « mur » vers le 33e kilomètre, si bien que j'ai dû compléter les neuf derniers kilomètres en courant moins rapidement.
Heureusement, il ne s'agissait que d'un petit mur, un « muret », et j'avais encore toute ma tête à moi pour comprendre que la chaleur infernale de cette matinée-là me jouait un très vilain tour. C'est donc dans la douleur que j'ai terminé ma première course à vie de 42,2 km, jurant intérieurement qu'on ne m'y reprendrait plus. Je croyais que ces derniers kilomètres pénibles constitueraient le pire moment de ma journée. Ce ne fut pas le cas!
De retour à mon hôtel, je décidai de faire ce que tous mes amis marathoniens me conseillaient : prendre un bain de glace. Ces chers amis ajoutaient que si je voulais marcher le lendemain, c'était la seule chose logique à faire. J'avais effectivement l'intention de marcher pour visiter un peu la ville, alors je n'avais pas le choix.
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Je ne suis pas un être frileux. Me baigner dans l'eau froide d'un lac ou d'une piscine ne m'effraie guère. C'est donc d'une démarche presque assurée que je fis la navette entre le bain de ma chambre et la machine distributrice de glaçons de mon étage.
Je ne lésinai pas sur la glace, car je voulais que mon bain soit efficace. Je me doutais bien que ce serait froid, mais je tenais absolument à contenir cette douleur sourde qui commençait à battre dans mes jambes.
Bien sûr, je me souviens d'avoir souffert au marathon d'Ottawa en 2004. Mais ce sont surtout mes 12 minutes dans un bain de glace dans une chambre d'hôtel d'Ottawa qui me firent vraiment hurler de douleur!
Quelques secondes après mon immersion, j'eus le souffle coupé. Puis, vint une incroyable sensation de froid s'apparentant à une brûlure. Tout mon être voulait sortir de ce bain de glace. Pourtant, je réussis à tenir bon. Je ne sais pas trop si c'est en raison de cette thérapie polaire que je parvins à marcher le lendemain, mais une chose est sûre, j'ai couru d'autres marathons depuis celui d'Ottawa et je n'ai plus jamais pris de bain de glace. Terminé! Maintenant, après une longue sortie, je fais quelques étirements en plus de prendre une marche d'une dizaine de minutes.
Un effet placebo?
Aurais-je souffert pour rien dans ce bain de glace? Était-il vraiment nécessaire? C'est ce que semble démontrer l'étude la plus sérieuse jamais réalisée à ce sujet et publiée dans le prestigieux Journal of Physiology. Réalisée par des chercheurs de l'Université de Queensland et l'Université des technologies de Queensland en collaboration avec les universités d'Oslo et d'Auckland, l'étude semble démontrer que les bains de glace n'aideraient pas à réduire l'inflammation musculaire et à réparer les dommages infligés aux muscles après un effort soutenu. Un retour au calme (warm down) d'une dizaine de minutes sur un vélo stationnaire serait plus efficace!
Les chercheurs ont analysé les résultats de 21 hommes actifs qui devaient s'entraîner en force et endurance à raison de deux fois par semaine pendant trois mois. La moitié d'entre eux prenait ensuite un bain de glace d'une dizaine de minutes alors que l'autre moitié récupérait en pédalant sur un vélo stationnaire.
Ils ont découvert que ceux s'étant immergés dans l'eau glacée pendant 12 semaines connaissaient une diminution plus importante de leur masse musculaire gagnée à l'entraînement que ceux qui faisaient du vélo. De plus, l'augmentation de leurs performances étaient moins bonnes que le groupe n'ayant pas eu recours aux bains de glace. En gros, cela signifie que les gains de masse et de force musculaire ont été plus importants chez ceux qui ont fait un retour au calme actif que chez ceux ayant opté pour l'immersion en eau froide.
Les chercheurs concluent que les athlètes utilisant des bain de glace après leur entraînement gaspillent une portion de la forme physique obtenue par leur travail. Ils ne savent pas encore exactement comment expliquer cela, mais avancent que le froid diminue probablement la circulation sanguine et gêne le transport des cellules œuvrant à la réparation des muscles jusqu'à une période de deux jours.
Cette découverte pourrait forcer à revoir la façon de procéder de plusieurs sportifs ou équipes sportives professionnelles. Les chercheurs croient que les sportifs devraient mieux planifier leur utilisation des bains de glace pendant leur saison de compétitions. Par exemple, lors des matchs pré-saison d'une équipe de la Ligue nationale de hockey, alors que les joueurs cherchent à gagner de la masse musculaire et de la force, il serait conseillé d'éviter les bains de glace pour opter pour un retour au calme actif sur vélo stationnaire. Déjà, plusieurs équipes de la LNH le font.
L'étude se termine par la citation d'un des collaborateurs, le docteur Jonathan Peake, qui affirme que si un athlète se sent mieux après un bain de glace, rien ne l'empêche de continuer à le faire. Mais il s'agit purement d'un effet placebo!
Cette conclusion s'applique également à mes amis coureurs qui ne jurent que par leur bain de glace après une longue course. Il serait peut-être utile de modifier leur période de récupération.
Il est bien d'appliquer de la glace sur une inflammation ou une blessure, mais est-ce vraiment nécessaire de s'immerger comme un ours polaire lorsqu'on s'entraîne régulièrement? Peut-être pas!